Origins
Depuis quelques années, Nègarit s’est affirmé comme l’orchestre leader de la scène instrumentale éthiopienne, choisissant de se produire régulièrement au Fendika [ፈንድቃ Fèndeqa – exultation, exubérance], antre underground et populaire, melting-pot hyperactif et mutant, plutôt que dans les clubs convenus des beaux quartiers – lesquels ont tendance à se transformer aujourd’hui en shishabét (bars à chicha)...
Contrairement à la chanson pop éthiopienne qui privilégie toujours les paroles à l’innovation vocale ou instrumentale, le jazz éthiopien connaît depuis une vingtaine d’années un regain d’intérêt de la part d’un public grandissant, singulièrement jeune. Ces nouvelles générations trouvent dans les musiques instrumentales, épicées à l’improvisation, un réjouissant compromis entre l’ouverture aux mondes et la pop éthiopienne rasoir. Plus ou peu de paroles contribue à gommer différences et tabous linguistiques. Goût et public pan-éthiopiens, loin des hiérarchies ethniques d’antan, et alors même que les violences inter-ethniques sont en pleine recrudescence. Il n’est pas sans paradoxe que le pacifique gentleman Tèfèri Assèfa ait choisi Nègarit comme emblème de son groupe. Insigne traditionnel de la royauté et symbole du pouvoir, nègarit est le nom du tambour qui autrefois convoquait la mobilisation générale.
Ce sont des braves tels que Tèfèri Assèfa et son Nègarit band qui portent haut, aujourd’hui, revendication et appartenance multiculturelles, pan-éthiopiennes. Il faut prêter grande attention à chacun des talents individuels de ce combo. D’autres expérimentateurs s’activent à ce défrichage exaltant, comme Endris Hassen, Haddis “Haddinqo” Alèmayèhu, Sammy Yirga, etc.
Nous sommes aujourd’hui un demi-siècle après la parution de l’album Yekatit – Ethio Jazz (Amha Records 1974, éthiopiques 4, 1998). Le Nègarit band tient bon la rampe et défriche à son tour une piste délicate et précaire en ces temps d’épidémie planétaire et de guerre civile inavouée.
Francis Falceto