Côte d'Ivoire. Histoire d'un Retour
« Sauf à me dédire, je n’appelle pas justice ce que j’ai vu jusqu’ici dans cette affaire : ni le procès du 2 décembre au palais présidentiel ni sa mise en forme juridique du 27 février au palais de justice. Une justice ne vaut que par le respect scrupuleux de sa procédure. Or ici, c’est peu dire que toutes les procédures ont été foulées au pied par celui-là même qui est censé en garantir le respect.
Si Anaky Innocent est un voleur, depuis quand en Côte d’Ivoire les voleurs dorment-ils dans la résidence privée du chef de l’État pendant douze jours ? Depuis quand les voleurs sont-ils arrêtés par la police présidentielle ? Depuis quand le chef de l’État convoque-t-il le Bureau politique de son parti pour prononcer le verdict d’un procès concernant un voleur ? Depuis quand bouleverse-t-on toute l’organisation du tribunal en avançant un procès du vendredi au lundi, s’il ne s’agit que d’un vulgaire voleur ? Depuis quand, parce que quelqu’un a volé, convoque-t-on son ami, fait-on pression sur lui pour ramener à prononcer la dissolution de son parti politique ? Depuis quand, parce que quelqu’un a volé, convoque-t-on le père de son ami pour essayer de l’humilier publiquement ou pour le contraindre à demander pardon ? Depuis quand, parce que quelqu’un a volé, convoque-t-on les élus de la région de son ami pour qu’ils écoutent un discours au palais présidentiel ? Depuis quand, parce que quelqu’un a volé, fait-on le tour de ses amis et parents pour les contraindre à livrer les documents politiques qu’ils pourraient avoir chez eux ? Depuis quand, parce que quelqu’un a volé, a-t-on le droit de perquisitionner dans ses bureaux et à son domicile sans mandat ? Depuis quand, parce que quelqu’un a volé, invite-t-on ses amis et parents à venir écouter le chef de l’État parler au palais présidentiel ?
Non, Anaky n’est pas un voleur. Anaky est un homme politique et il a été arrêté en tant que tel. »
Laurent Gbagbo
Laurent Gbagbo est né en Côte d’Ivoire en 1945. Docteur en histoire, il est Chargé de recherches à l’Institut d’Histoire, d’Art et d’Archéologie Africains d’Abidjan dont il fut directeur de 1980 à 1982.
Emprisonné en 1969 durant 15 jours puis du 31 mars 1971 au 9 janvier 1973, il a été contraint à s’exiler en mars 1982 lorsque le régime d’Houphouët-Boigny déclencha contre les enseignants le « complot de février ». Ayant obtenu en France, en 1985, le statut de réfugié politique, il décide de rentrer en Côte d’Ivoire le 13 septembre 1988.
Fiche technique
- Auteur
- LAURENT GBAGBO
- Éditeur
- L'Harmattan
- Pays
- Côte d'Ivoire
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