Mil Neuf Cent Quatre-Vingt-Dix
Parce qu’elle est intemporelle, la poésie peut parler de tous les temps, à tous les temps. Le temps d’un éclair, l’instant d’un printemps, la durée d’une vie.
Mais tous les textes poétiques ne sont pas cousus de ce bois qui fait d’une voix un décret, d’une simple allusion un orage ou un cyclone.
Tous n’ont pas cette force de l’histoire qui fait que le temps tient dans la longueur d’un empan.
Réinventer la durée, la redimensionner, la revisiter, la soumettre est le privilège de la poésie avérée, celle en laquelle force oraculaire et conscience mémorielle se tiennent la main et se font delta, pour refaire la vie.
Oui, la poésie d’Henri Michel Yéré est de l’audace et de la toison des textes accomplis, cette poésie qui possède la verve et le front des mythes fondateurs, cette poésie qui « déroule sa langue en tapis vers l’éternité ».
Il y a ici cette calme assurance de la mémoire, ce dire contenu du temps qui se sait à l’abri de la précarité et de l’angoisse.
Se noue alors le jeu de pôles contraires qui, justement, se jaugent, se toisent et s’étreignent dans le silence alors dompté de leur antinomie : le caillou, dit le poète « qui défie le soleil » et le « long fleuve en crue » portant la marche des combattants de la liberté.
Préface par Josué Guébo.