Faire l'histoire du droit colonial. Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie
Le droit colonial est, par définition, un droit de la domination. C’est ce que ne manquent pas de souligner les études postcoloniales qui ont fortement contribué au regain d’intérêt contemporain à son égard.
Pourtant les caractéristiques du droit colonial, – sa complexité, sa variabilité dans l’espace colonial, sa mutabilité dans le temps, – indiquent que cette domination n’a rien eu de tranquille. Les contributions réunies dans cet ouvrage, qui traitent principalement de la colonisation française en Afrique du Nord et plus particulièrement de l’Algérie, tentent de restituer les manifestations de cette intranquillité et d’en démêler les causes.
Parce qu’ils reposent sur un projet colonial qui ne dénoue jamais ses paradoxes, entre républicanisme, libéralisme et impérialisme, le droit et la doctrine juridique s’engagent dans les chemins sinueux de la « grammaire de la différence ». Les débats portent d’abord sur les critères de l’altérité du colonisé par rapport au colonisateur (la race, l’ethnie, la religion, le degré de civilisation). Ils se poursuivent autour de la question des conséquences juridiques qu’il convient de tirer de cette altérité, en termes de « statuts » : l’indigénat, le statut personnel, avec la grande question de la construction coloniale d’un droit musulman, les droits coutumiers. Ils se nourrissent enfin d’une interrogation sur la pérennité d’un droit dualisé en situation coloniale, quand sont évoquées les perspectives de l’assimilation ainsi que son agenda.
Si le droit colonial nous vient en héritage, par une sorte de retour de l’histoire, le legs est peut-être plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Il contribue certes à la lecture des dominations contemporaines, mais il fait aussi l’objet d’une succession partagée avec les États issus de la décolonisation, et a quelques effets de résonance dans l’actualité du pluralisme juridique.
Jean-Philippe Bras est professeur de droit public à l’université de Rouen. Il a notamment dirigé l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain à Tunis, et l’Institut d’Études de l’Islam et des Sociétés du Monde Musulman à l’EHESS. Ses travaux portent principalement sur les évolutions des systèmes juridiques et politiques du monde musulman contemporain.
Ont également contribué à cet ouvrage : Nada Auzary-Schmaltz, Abdelwahab Biad, Claude Bontems, Jacques Bouveresse, Éloi Diarra, Éric Gobe, Jean-Robert Henry, Anne-Thida Norodom, Valérie Parisot, Florence Renucci, Jean-Claude Vatin.
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