Le 27 juillet 1947 dans la salle du cinéma Palace de Dakar, le commerçant Maurice Voisin organise un meeting de lancement d’un journal qui animera pendant une dizaine d’années de violentes campagnes anti-libanaises.
Documentés par les renseignements coloniaux, ses propos ciblent une communauté de rivaux qui s’accaparent les richesses de la colonie.
A l’heure où se profilent les décolonisations, il accuse ensuite les Libanais d’A.O.F de vouloir entraîner les Africains dans la sédition, profitant du laxisme de l’administration coloniale.
Mais derrière les excès d’un propagandiste en mal de lecteurs, se dessine l’histoire d’individus dont les migrations ont d’abord profité à l’empire colonial français depuis la fin du XIXe siècle.
Issus d’une région depuis longtemps sous influence de la France, les commerçants libanais ont accompagné voire quelquefois devancé, au gré des opportunités saisies, l’installation du pouvoir français en A.O.F.
Leur histoire nous permet finalement d’identifier les mécanismes de gouvernement d’un empire politiquement et géographiquement morcelé et dont les sujets sont en mouvement, ce qui place les acteurs de la politique impériale française face à leurs intérêts contradictoires en Afrique et au Moyen-Orient.
Agrégé et docteur en histoire contemporaine, Julien Charnay est enseignant et chercheur rattaché à l’Institut des dynamiques historiques de l’économie et des sociétés (UMR 8533) de l’Université Paris-Nanterre.