La mémoire délavée
Ce poignant récit s’ouvre sur un vol d’étourneaux dont le murmure dans une langue secrète fait écho à toutes les migrations et surtout à celle d’aïeux, partis d’un village d’Inde en 1872 pour rejoindre l’île Maurice.
C’est alors le début d’une grande traversée de la mémoire, qui fait apparaître autant l’histoire collective des engagés indiens que l’histoire intime de la famille de Nathacha Appanah. Ces coolies venaient remplacer les esclaves noirs et étaient affublés d’un numéro en arrivant à Port-Louis, premier signe d’une terrible déshumanisation dont l’autrice décrit avec précision chaque détail. Mais le centre du livre est un magnifique hommage à son grand-père, dont la beauté et le courage éclairent ces pages, lui qui travaillait comme son propre père dans les champs de canne, respectant les traditions hindoues mais se sentant avant tout mauricien.
La grande délicatesse de Nathacha Appanah réside dans sa manière à la fois directe et pudique de raconter ses ancêtres mais aussi ses parents et sa propre enfance comme si la mémoire se délavait de génération en génération et que la responsabilité de l’écrivain était de la sauver, de la protéger. Elle signe ici l’un de ses plus beaux livres, essentiel.
Nathacha Appanah a publié son premier roman, Les Rochers de Poudre d’Or, en 2003, aux éditions Gallimard. Elle est l’autrice, notamment, du Dernier Frère, de Tropique de la violence, de Rien ne t’appartient.
Son travail embrasse à la fois les relations familiales, la mémoire, les questions géopolitiques et sociales avec une plume sensible et précise.
Née à l’île Maurice et vivant depuis plusieurs années en France, ses livres sont traduits en plusieurs langues et ont été couronnés de nombreux prix littéraires. En 2022, elle a reçu le Prix de la langue française pour l’ensemble de son œuvre.
Fiche technique
- Auteur
- NATHACHA APPANAH
- Éditeur
- Mercure de France
- Année
- 2023
- Pages
- 160
- Pays
- Maurice