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LIONHEART, du Nollywood de qualité premium sur Netflix

The Entertainment Network

Relier Enugu et Kano

L'on associe (trop) souvent Nollywood à des productions low-cost répétitives, hâtivement et négligemment produites. L'ambitieux long-métrage "Lionheart", première réalisation de la star Geneviève Nnaji permet de battre en brèche certains clichés têtus.

La vedette nigériane Geneviève Nnaji a porté à bout de bras ce film qui lui tenait manifestement très à cœur. À force de détermination et de patience, elle a pu concrétiser ce projet, et aboutir avec son équipe à une production de fort bonne qualité, qui a fait date, puisqu'il s'agit de la première création nigériane originale diffusée par la fameuse plateforme de streaming Netflix en 2018. 

Lionheart raconte une histoire simple et forte à la fois, facilement susceptible d'émouvoir un public élargi. Le film met en scène Adaeze, une femme qui doit tenir les rênes de la compagnie de bus fondée par son père alité. Rapidement, elle va se retrouver confrontée à un défi de taille - en découvrant qu'elle doit rembourser les dettes contractées par son père en un temps record. Un impitoyable compte à rebours s'enclenche dès lors, l'entrepreneure ne disposant seulement que de trente jours pour éponger ces dettes et trouver une solution pérenne. On pourrait même croire à un test destiné à l'éprouver, et censé évaluer ses facultés d'adaptation et de gestion des obstacles, tant les écueils s'avéreront aussi nombreux que dissuasifs. Sa combativité sera en effet mise à rude épreuve, comme le laisse déjà deviner l'affiche sur laquelle on la voit prise dans la tourmente le regard soucieux.

L'ambition a présidé à cette production - et cela se ressent et se perçoit clairement à l'écran. L'élaboration du scénario a impliqué cinq collaborateurs ; et n'a demandé pas moins d'une année complète. La co-productrice et co-scénariste Chinny Onwugbenu a d'ailleurs indiqué lors de la présentation du film au Festival de Toronto qu'il n'était pas question de se précipiter. Il s'agissait sans aucun doute là d'une sage décision, puisque Lionheart s'avère maîtrisé et fluide, dépourvu de séquences inutiles. Le suspense se révèle savamment entretenu, et les enjeux nombreux. Le long-métrage dépasse l'éternel clivage entre modernité et tradition, pour proposer une sorte de compromis. Il nous exhorte aussi à nous rappeler de l'importance de certaines valeurs et de certains principes moraux, alors même que nos sociétés sont de plus en plus en proie à un capitalisme sauvage et exponentiel. Le film fédère de surcroît, et invite à la paix - à travers une fusion très symbolique entre le Nord et le Sud-Est d'un pays qui a pu apparaître comme divisé. L'on y trouve en plus un bel hommage à la culture igbo.

Le film équivaut à un cocktail savamment dosé, où différents ingrédients arrivent à coexister. Il demeure d'ailleurs ardu d'étiqueter le film - qui relève tantôt du drame au vu de la gravité des situations abordées - de l'endettement à la concurrence déloyale en passant par l'état de santé critique du père d'Adaeze -, tantôt de la comédie en raison de plusieurs respirations comiques, comme lorsque l'oncle Goodwill met un journal devant le décolleté bâillant de sa nièce sur lequel le banquier auquel elle s'adressait paraissait un peu trop attentivement focalisé. Le film s'apparente toutefois à un thriller également - le scénario rendant compte de l'harassante course contre la montre dans laquelle s'engage Adaeze aux côtés de son oncle Chief Godswill. Autrement dit, tout le monde peut aisément y trouver son compte et son plaisir.

En outre, le film nous propose un inspirant personnage de femme pugnace et émancipée, mais en même temps loyale à son père et à ses principes, pas vraiment pressée de se marier mais reprenant l'entreprise familiale - alors que son frère préfère tenter une carrière musicale incertaine. Le personnage d'Adaeze laisse bouche bée, et arrive à s'imposer dans le film grâce à sa détermination exacerbée, son charisme accru et son étourdissante capacité de travail. On est ici au plus près d'elle ; on partage ses doutes, ses dilemmes, ses incertitudes, ses moments d'abattement, de désespoir mais aussi de retour de motivation. Nous offrir un tel personnage - de digne combattante des temps nouveaux -, c'est un cadeau majeur pour lequel nous ne pouvons pas dire assez "Merci".

Évidemment, Geneviève Nnaji excelle dans ce rôle sur mesure. Elle-même, à l'instar du personnage qu'elle interprète, n'a d'ailleurs pas manqué ni de ténacité ni de résilience lors de la réalisation de ce film lors duquel elle était à la fois devant et derrière la caméra, tout en participant aussi à la production et au scénario. La star, ici, brille et étincelle - ce qui, certes, semble dans l'ordre des choses. Grâce à son interprétation, on éprouve beaucoup d'empathie pour Adaeze. L'on voit à quel point elle s'est impliquée, et cela nous touche. Elle arrive à faire passer de nombreuses subtilités de son personnage à travers un regard fugace, un geste discret, un petit changement du visage, des sourcils qui, soudain, se froncent, ou un sourire qui, subrepticement, s'estompe.

À ses côtés, Nnaji a fait appel à d'autres comédiens chevronnés, au premier rang desquels Pete Edochie, autre très grande star de Nollywood qui a reçu un Africa Movie Academy Award pour l'ensemble de sa carrière, et dont on retient ici la belle prestance dans le rôle du patriarche Obiagu. Il faut aussi parler bien sûr de Nkem Owoh, célèbre pour des prestations dans des comédies nigérianes dont "Osuofia in London" qui s'amuse des différences culturelles entre le Nigéria et la Grande-Bretagne. L'acteur s'en donne ici à coeur joie dans le rôle de l'oncle, qui apporte sa fraîcheur et son humour, un "comic relief", autrement dit. Même les seconds rôles n'ont pas été négligés - on peut le voir avec le mémorable Kanayo O. Kanayo dans le rôle de l'homme d'affaires sans scrupules Igwe Pascal ; ou encore les apaisants Sani Mu'azu et Yakubu Mohammed dans le rôle du père et du fils Maikano. L'on peut voir que même les "petits" rôles ont été interprétés par des acteurs aguerris - ce qui leur donne de l'ampleur et de l'importance. Ces différents acteurs de talent sont sublimés par un bel écrin : celui proposé par le directeur de la photographie Yinka Edward. La qualité visuelle du long-métrage s'avère en effet particulièrement notables. La lumière se révèle belle et caressante ; et les cadres soignés.

Cependant, l'ambition de Lionheart n'empêche pas le film d'être simultanément modeste - ce qui demeure également et sans conteste une précieuse qualité. Il ne se révèle jamais prétentieux, et ne perd jamais de vue ce qui demeure son objectif premier : raconter son histoire de manière touchante, honnête, authentique - sans fioritures. Le happy end ou certains passages un peu prévisibles ne sont certes pas évité - mais cela ne diminue pas la qualité du film.

Lors d'une interview, Geneviève Nnaji a pertinemment fait remarquer que c'est une bénédiction de pouvoir changer les perceptions et les mentalités à travers des films. Elle indique bien que le langage du cinéma estime universel et facilement compréhensible ; et qu'il s'agit d'un vecteur important et nécessaire de progrès et d'évolution. Avec Lionheart, elle le prouve éloquemment - et l'on peut ainsi dire qu'elle a bien réussi le passage derrière la caméra.

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Geneviève Nnaji, une actrice accomplie

Avant de se lancer dans la mise en scène, Geneviève Nnaji s'était avant tout distinguée en tant qu'actrice, s'imposant progressivement comme une ambassadrice de premier choix de Nollywood dont la popularité s'avère plus que jamais au zénith.

Parmi ses très nombreux films, on peut notamment retenir l'adaptation de "L'Autre Moitié du Soleil" par Biyi Bandele d'après Chimamanda Ngozi Adichie (2013), mais aussi "Blood Sister" (2003) ; "Jealous Lovers" (2003) ; "Letters to a Stranger" (2008) ; "Tango with me" (2010) ou "Road to Yesterday" (2015). Elle ne craint pas de prendre des risques et d'interpréter des rôles difficiles ou différents de ce qu'elle a déjà pu faire, ne cherchant pas la facilité.

Matthias Turcaud