"Les graines de semence ne doivent pas être moulues" : Assoukrou Aké à la Galerie Cécile Fakhoury
Le 19 janvier 2024, la Galerie Cécile Fakhoury à Abidjan a eu le privilège de présenter la première exposition personnelle de l'artiste Assoukrou Aké, intitulée "Les graines de semence ne doivent pas être moulues".
Cet événement a marqué un moment significatif dans le monde artistique, offrant aux visiteurs un voyage captivant à travers l'univers riche et complexe de ce talentueux artiste pluridisciplinaire.
Assoukrou Aké, explorateur de formes plastiques variées allant de l'installation à la sculpture, en passant par la gravure et les œuvres textiles, conçoit ce qu'il appelle "un récit de guérison". Dans cette exposition, il se plonge dans son histoire personnelle tout en explorant les liens qui existent entre celle-ci et "la grande histoire". L'artiste s'efforce de regarder de manière à la fois empathique et distanciée les ombres de l'histoire collective, cherchant à transcender les singularités individuelles pour atteindre un espace critique métissé, où les fragments des vies peuvent se rassembler pour créer de nouvelles solidarités.
L'univers artistique d'Assoukrou Aké est une toile tissée de références multiples, fusionnant la mythologie africaine avec l'iconographie du siècle des Lumières, les allégories sacrées, la littérature européenne classique, les rites profanes et la photographie de presse. Une figure humaine anonyme, au visage composé de spirales, apparaît à plusieurs reprises, évoquant à la fois un personnage fictionnel et la matérialisation symbolique d'une généalogie, à la manière des cernes des arbres. Le cheval, omniprésent dans les gravures d'Assoukrou, incarne souvent une dimension tragique, évoquant les épopées, les grandes aventures, les conquêtes, ou leur échec.
Assoukrou Aké réalise un art de la traduction et de la transposition, répétant plastiquement des formes traditionnelles ou classiques et subvertissant les contextes et les hiérarchies de matière. C'est un langage nouveau qu'il invente, un langage commun qui permet de confronter les mutations de la violence et de découvrir les réponses qui lui sont intrinsèques.
En observant les œuvres d'Assoukrou Aké, on perçoit un parallèle entre sa démarche artistique et celle de Kollwitz. Griffer, gratter, retrancher de la matière pour faire jaillir la nervure des corps et des choses devient une métaphore du processus de révélation artistique. Enlever, premier geste de la corporation des graveurs, devient ainsi un moyen de mettre en lumière ce qui est caché, de révéler la profondeur derrière la surface, créant ainsi une œuvre d'une puissante signification.
À noter que l'exposition "Les graines de semence ne doivent pas être moulues" s'est poursuivie à la Galerie Cécile Fakhoury à Abidjan jusqu'au 13 avril 2024, offrant aux visiteurs une opportunité prolongée de plonger dans l'univers complexe et évocateur d'Assoukrou Aké, un artiste qui, à travers son talent et son engagement, ouvre des portes vers la compréhension et la réflexion sur les intrications de l'histoire et de l'humanité.
ZOOM
Un titre évocateur
Le titre de l'exposition, "Les graines de semence ne doivent pas être moulues", sert de portail pour entrer dans le théâtre d'ombre et de lumière d'Assoukrou Aké.
Cette citation, empruntée à la dernière lithographie de Käthe Kollwitz, une artiste allemande engagée qui a également traversé des tragédies intimes liées aux guerres mondiales, souligne le refus de construire un monde sur le cadavre des enfants et rappelle les conséquences des conflits, aussi bien sur le plan personnel que collectif.
Serge