Comment ce concept gastronomique qui fusionne cuisine africaine et asiatique est-il né ?

Aïssata Fane : Le concept est né d'une rencontre. Une rencontre entre deux personnes issues de pays, de continents différents qui de base tout oppose. Je suis d'origine malienne et Julien d'origine vietnamienne. Notre rencontre a eu lieu en école de commerce. Nous sommes devenus bons amis et avons souvent travaillé ensemble dans le cadre de l'école. À la fin de nos études, nous avons dû partir à l'étranger pour valider nos diplômes. Julien est allé découvrir l'Afrique, le Sénégal précisément et je suis allée à Singapour. À mon retour, j'ai voulu lancer un concept et je me suis dit que c'est marrant qu'il y ait autant de similitudes entre la nourriture d'Afrique et d'Asie.

Julien Doan : Elle m'en a parlé, et, de mon côté, j'avais fait le même constat. C'était donc l'occasion de lancer ce concept de cuisine fusion. On s'est alors mis à créer des recettes tout en continuant nos études. Ça a été compliqué à gérer. Nous avons d'abord lancé le service traiteur, ce qui nous a permis de concilier cette nouvelle activité et nos études. Tout s'est rapidement enchaîné, et on s'est laissé entraîner jusqu'à aujourd'hui. C'est ainsi que le concept est né.

Pourquoi "Savane & Mousson" ? Ce nom a-t-il une signification particulière ? Fait-il référence à vos origines ?

Aïssata Fane & Julien Doan : Savane pour l'Afrique et Mousson pour l'Asie. Le logo représente un éléphant qui est un animal commun à l'Afrique et l'Asie. Le nom ne fait pas référence spécifiquement à nos pays d'origine mais plutôt à nos continents d'origine.

Ce "métissage" culinaire a-t-il fait l'objet de polémiques ou de critiques ?

Julien Doan : Oui, les gens sont souvent surpris qu'on arrive à allier les deux. Dans l'esprit de nombreuses personnes, ce sont des continents que tout oppose. À la fois culinairement parlant mais également sur d'autres points. Les clients sont souvent curieux de savoir si cette fusion est possible, réelle ou non.

Aïssata Fane : Nous avons justement été interviewés par RFI et lors de cet échange des invités dit « détracteurs du concept » étaient invités pour nous poser des questions et il a été intéressant d'avoir leurs points de vue.

Pourquoi avez-vous voulu vous lancer dans l'industrie de la restauration ?

Aïssata Fane & Julien Doan : Nous aimons les défis et le challenge et, surtout, nous aimons beaucoup les difficultés. Nous aimons aller là où nous ne sommes pas attendus. On ne nous attendait pas dans la restauration. Il nous tenait également à coeur de montrer que nous étions capables de mettre en lumière les gastronomies africaine et asiatique. Nous avons voulu mettre en valeur nos origines dans ce projet. Ça a été la meilleure façon pour nous de le faire.

Comment avez-vous développé cette passion pour la cuisine ?

Aïssata Fane : Nous aimons cuisiner en famille, recevoir à la maison. Depuis petite, je travaille des recettes avec ma mère et j'aime recevoir, cuisiner pour les autres.

Julien Doan : J'ai grandi avec ma grand-mère qui m'a fait découvrir les plats traditionnels vietnamien, j'ai baigné toute mon enfance dans cette culture. 

Avez-vous rencontré des difficultés à réaliser les plats que propose votre restaurant ?

Aïssata Fane : Oui et la difficulté est toujours présente aujourd'hui. On n'a, par exemple, pas encore trouvé comment réaliser un Pad Thaï Afro, on aimerait bien sortir ce plat bientôt. Ce serait vraiment bien de sortir une recette de ce style. Notre principale difficulté concerne le sourcing de certains produits, ou l'alliance de certains plats.

Julien Doan : On implique beaucoup nos cuisiniers sur la création de nos recettes, ça nous permet parfois de débloquer certaines idées. 

Comment avez-vous su que tel plat africain fusionnerait bien avec tel plat asiatique ?

Aïssata Fane & Julien Doan : On a beaucoup testé mais aussi eu des ratés, certaines choses n'étaient pas incroyables. On tente de ne pas dénaturer ces deux cuisines mais bien de partir sur des choses communes de base. On voit ce qui va ensemble dans un premier temps et ensuite on fait nos tests.

Quelles ont été vos motivations pour monter ce projet ?

Julien Doan : J'ai toujours voulu entreprendre, et j'avais déjà entrepris dans le domaine de la gastronomie auparavant.

Aïssata Fane : Je voulais avoir un projet en lien avec l'Afrique, quel qu'il soit. Et je voulais aussi faire quelque chose qui me ressemble et qui me permette de changer un peu les mentalités. Il a dit des choses qui me sont chères comme l'inclusion ou la diversité.

Julien Doan : On le voit par rapport à nos équipes, on essaye de recruter des personnes talentueuses. Elles n'ont pas forcément eu la chance d'avoir la confiance qu'on leur accorde, et elles nous le rendent assez bien. Je parle notamment de nos cuisiniers qui sont de base très éloignés de leur emploi mais que nous formons.

Avez-vous eu aussi beaucoup de retours positifs ?

Aïssata Fane & Julien Doan : Oui, surtout à nos débuts. En particulier pour nos recettes traiteur. C'est ce qui nous a permis de développer notre activité. Nous n'étions présents sur aucun réseau social à l'époque, et le bouche à oreille nous a quand même permis de signer de nombreux contrats notamment avec Facebook, Amazon, l'ambassade des États-Unis. Et on se demandait même comment ils avaient entendu parler de nous. On se faisait recommander à fond. Et après nous avons développé nos réseaux sociaux, qui nous ont aussi permis de booster notre activité.

De quelles créations êtes-vous particulièrement fiers ?

Aïssata Fane & Julien Doan : On ne s'est jamais posé la question, mais les produits qui marchent le mieux ce sont nos Californias Rolls fusion afro-asiatique. C'est vraiment ce à quoi pensent nos clients directement lorsqu'ils entendent parler de Savane et Mousson. On est les seuls à en faire donc on en est assez fiers.

Quels sont vos projets actuellement ?

Aïssata Fane & Julien Doan : Actuellement, on essaye de se restructurer, de stabiliser l'activité, de revoir tout notre fonctionnement en interne pour pouvoir grandir encore plus vite, et encore plus fort. On prévoit d'ouvrir un cinquième point de vente en octobre et d'autres encore en 2024. Nous voulons aussi bien former notre personnel.

Remerciements chaleureux à Aïssata Fane et Julien Doan, ainsi qu'à leur attachée de presse Elvira Stojic. Pour plus d'informations, n'hésitez pas à consulter le site internet de Savane & Mousson. 

ZOOM

Différences & points communs

Quelles sont selon vous les points communs majeurs entre les cuisines d'Afrique et d'Asie ? Et les différences ?

Aïssata Fane & Julien Doan : On retrouve plusieurs ingrédients communs, les techniques de cuisine sont différentes.En Asie, on cuit souvent les choses rapidement et à la vapeur. En Afrique, on cuisine plus des plats en sauce plusieurs heures et sous forme braisée.

On est vraiment parti sur les ingrédients communs qui nous ont permis de nous amuser et après au niveau des techniques de cuisson c'est là que ça change un peu.

Wendy-Michelle N'Gbende & Matthias Turcaud