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KANAZOÉ ORKESTRA, perpétuer un héritage précieux

Buda Music / Universal

Éloge des rythmiques Samblas

Kanazoé Orkestra nous offre un nouvel album "Folikadi" apaisant et très abouti, dans lequel il fait encore bien des merveilles avec son balafon magique. Rencontre.

Comment avez-vous appris à jouer au balafon ?

Kanazoé : Je viens d'un village où l'on est balafoniste de père en fils. Dès l'âge de 5 ans, j'ai joué avec mon père, car, selon la tradition Sambla, il faut au moins deux balafonistes pour jouer, un soliste et un accompagnateur. J'ai joué avec lui pour accompagner les cérémonies ou accompagner les travailleurs aux champs. Quand il est décédé, je suis parti en ville, à Bobo Dioulasso, pour accompagner mon oncle avant de devenir soliste.


Pourquoi cet instrument vous plaît-il tant ?
 

Kanazoé : J'ai grandi avec le son du balafon. C'est un héritage transmis par mon père, c'est mon langage, mon moyen de communiquer avec le monde. De plus, il y a beaucoup de diversité dans le balafon (le dioula, le sambla, le mandingue).

Comment avez-vous rencontré Jean-Philippe Rykiel ?

Laurent : Jean-Philippe est venu nous voir lors de notre premier concert parisien, en décembre 2016, pour la sortie de notre premier album au Café de la danse. Depuis, nous sommes restés en contact, nous l'invitons à jouer avec nous sur certains gros festivals, et Jean-Philippe nous fait toujours l'amitié de venir improviser quelques notes lorsque nous sommes en concert à Paris.

Comment la collaboration avec lui se déroule-t-elle ?

Laurent : Jean-Philippe est un grand connaisseur de la musique africaine. Il connaît bien notre univers et la rencontre musicale se fait toujours très naturellement. Nous lui envoyons notre musique et nous faisons de petites résidences de création, pour lui faire de la place dans nos morceaux.

Vous aviez déjà conçu avec lui "Tolonso". Dans quel état d'esprit aviez-vous conçu cet album ?

Laurent : Pour "Tolonso", nous avons invité Jean-Philippe à jouer quatre morceaux. Il nous a envoyé différentes idées avec différents synthé et modes de jeux, et nous avons gardé les parties qui nous semblaient les meilleures. Sur "Folikadi", nous avons profité de jouer ensemble lors du festival Rio Loco à Toulouse pour enregistrer des claviers sur tous les morceaux. Nous avons aussi profité de ce moment pour tourner la vidéo de "Hommage" en duo avec Seydou.

Et comment l'album "Folikadi" a-t-il vu le jour ?

Laurent : Comme pour les albums précédents, nous partons toujours de maquettes réalisées par Kanazoé et pour cet EP également par Madou, Elvin et moi. Nous commençons par une première résidence pour donner vie à ces maquettes et commencer à les arranger en groupe. A chaque session de travail, nous enregistrons les morceaux en pistes séparées pour pouvoir prendre du recul, les modifier et chercher les meilleurs idées.

En combien de temps l'avez-vous réalisé ?

Laurent : La première résidence de travail a eu lieu en mars 2020, puis nous avons travaillé avec le groupe au complet de septembre 2020 à mars 2021, avant de rentrer en studio de mai à juillet 2021. Sont venues ensuite les différentes étapes de production, le mix, le mastering, la conception graphique... jusqu'à la sortie à l'automne 2022.

Que ressentez-vous quand vous chantez ?

Kanazoé : Ce que je ressens varie suivant l'émotion que je mets dans ma chanson. Mais en général c'est libérateur !!

Vous avez rendu hommage à votre père Go Siriki Diabaté avec ce nouvel album. Quel souvenir gardez-vous de lui ?

Kanazoé : Je garde un bon souvenir de mon père, j'ai de bons souvenirs, quand, petit, je partais jouer du balafon avec lui. C'était difficile, mais il m'a appris la persévérance.

Comment l'inspiration pour un nouvel album vous vient-elle habituellement ?

Kanazoé : L'inspiration vient souvent de l'actualité. Parfois c'est une expérience que j'ai vécue. Musicalement, c'est à la maison à travers des heures de recherche que l'inspiration naît.

Comment la collaboration avec le label Buda Musique se passe-t-elle ?

Laurent : Malheureusement, la collaboration avec Buda n'a pas continué, après "Tolonso", à cause d'une rupture de contrat entre Buda et Universal survenue durant le Covid.

 

Pourriez-vous nous présenter rapidement chacun des membres du Kanazoé Orkestra sur "Folikadi" ?

Kanazoé au Balafon, au chant et à la composition. Mamadou Dembélé au Balafon Ngoni et au chant, partenaire privilégié du groupe venu lui aussi du Burkina Faso. Gaëlle Blanchard au chant. Thomas Koenig au sax tenor et à la flûte. Stéphane Perruchet aux percussions. Elvin Bironien à la basse. Laurent Planells à la batterie.

Comment travaillez-vous avec la chanteuse hip-hop Gaëlle Blanchard ?

Laurent : La collaboration avec Gaëlle a été plus complexe qu'avec les précédents chanteurs. Le choix de travailler avec une chanteuse française a été moins naturel pour Kanazoé que de travailler avec des compatriotes du Burkina. Il a fallu faire de la place à Gaëlle et accepter d'explorer de nouveaux univers. De son côté, Gaëlle a dû s'adapter aux gammes pentatoniques et aux rythmiques africaines. Nous sommes très fiers de cet album, qui est une véritable prise de risque et un choix artistique engagé.

Quels sont vos projets actuellement ?

Laurent : Nous travaillons actuellement sur une nouvelle formule du groupe avec le retour d'une voix africaine. Une volonté de revenir à la source de la musique de Kanazoé, mais aussi un changement radical de l'univers sonore, avec l'apparition de clavier sur scène et la disparition des percussions.

Pensez-vous que la musique peut apaiser nos cœurs et nous rendre meilleurs ?

Laurent : C'est le thème même de la chanson "Folikadi". Le confinement nous a forcé à rester cloîtrés, et Kanazoé, comme beaucoup d'artistes, s'est senti privé d'un élément primordial de sa vie. Jouer de la musique et particulièrement avec les autres nous permet de libérer nos émotions et nos sentiments. C'est une mise en danger, et une mise à nu, et, en échange, nous sommes rechargés par l'énergie que nous transmet le public. Côté public, c'est la même chose, la musique nous aide à libérer nos émotions, mais aussi à bouger et nous sentir bien.

Remerciements chaleureux à l'attaché de presse Julien Oliba

ZOOM

Autour des clips

Pouvez-vous nous parler de la manière dont vos clips ont été réalisés ?

Laurent : Je me suis occupé de la réalisation des clips. En général, nous travaillons avec des équipes vidéos en France et au Burkina mais pas toujours.

Le clip de Mousso se déroule entièrement dans le décor époustouflant d'une carrière à ciel ouvert près de Bobo-Dioulasso. Pour Dounia, nous avons passé un peu de temps avec de jeunes mineurs isolés pris en charge dans un hôtel désaffecté à Toulouse, pour Djoroko qui parle de l'esclavage, nous sommes partis à Bordeaux suivre les différents vestiges de ce sombre passé.

Matthias Turcaud