SI TU ES UN HOMME, un procès sans appel contre le travail des enfants
JHR Films
Opio, le chemin pierreux vers l'école
Avec son premier long-métrage "Si tu es un homme", le documentariste Simon Panay propose une immersion bouleversante dans le quotidien du jeune Opio, astreint déjà à travailler dans une mine d'or et devant ainsi renoncer à sa jeunesse.
On peut dire, au bas mot, que Simon Panay est un familier de l'Afrique de l'Ouest et notamment du Burkina Faso, y oeuvrant depuis dix ans en tant que réalisateur de courts-métrages. C'est de cette façon qu'après « Tontines, une affaire de femmes » (2014), « Waiting for the (T)rain (2015) » et « Ici, personne ne meurt » (2016), il revient à présent avec « Si tu es un homme ».
Ce long-métrage met en lumière une histoire captivante, un condensé de toute la réelle et déplorable misère injustement vécue en Afrique ; mais plus que de le faire, ce documentaire bouleversant fait le procès du travail des enfants en Afrique de l'Ouest. On lui reprocherait même de ne pas s'étendre jusqu'à l'est du Congo, où sévit le travail des enfants, à d'inacceptables proportions.
Néanmoins, l'histoire du documentaire de Panay est assez éloquente sur tout ce que peut inspirer le travail des enfants au titre de sensibilité et de compassion. Ce film n'est très certainement pas le premier à porter sur le travail des enfants. Mais la singularité de celui-ci est à notre avis, non seulement qu'il s'intéresse à une région particulière du Burkina Faso, mais aussi et surtout, qu'il décrit nument la réalité de la souffrance, c'est-à-dire telle qu'elle est.
Opio, ce jeune garçon burkinabé, tant désireux de faire des études, ne peut compter que sur ses mains d'enfant pout en payer les frais. Son père ne peut pas l'envoyer à l'école, et leur situation s'avère plus que préoccupante. Ce jeune vieux de treize ans doit ainsi travailler comme trois personnes dans la mine d'or de Perkoa en surface, puis, à 250 mètres de profondeur, pour envisager la matérialité de son instruction. Le long-métrage met en exergue le courage d'un enfant résigné, soumis à la fatalité des choses.
En effet, cela est typique des réalités de certains coins du monde, où il n'y a littéralement qu'à soi-même qu'on peut s'en remettre. Le fait pour cette œuvre de Simon Panay, d'être le miroir de plusieurs, l'enrichit et l'élargit encore en émotion.
Dans cette œuvre, on peut noter le talent et l'aptitude des "acteurs" à être vrais, plus particulièrement ceux de l'acteur principal incarnant le personnage d'Opio. Par ailleurs, le hors-champ y est lourd de sens. L'on y perçoit des bruits dont on ignore l'origine, et qui en disent long.
Aussi, l'on peut observer que l'humour est totalement absent du film. C'est pour dire toute la gravité des enjeux qui président à l'idée du film. De temps en temps, on aurait l'impression d'être dans un climat de deuil, tant la misère domine l'histoire...
En essayant de scruter la qualité de l'image, on s'aperçoit qu'au-delà de sa netteté, ses couleurs sont assez frappantes et marquées. Le flou qui entoure parfois le centre du champ, est lui aussi, très intéressant, car il permet d'accentuer l'attention sur le centre du champ de la caméra. Il est à noter aussi qu'il y a moins de résonance de musique, ce qui traduit à notre sens, une volonté de sincérité encore plus prononcée, et un manque de fioritures.
L'un des enjeux majeurs, c'est d'interpeller les Etats, celles et ceux qui favorisent le travail des enfants, activement et passivement. C'est aussi un appel à une responsabilité collective et individuelle au regard des textes juridiques nationaux et internationaux en vigueur.
Tout compte fait, « Si tu es un homme » s'impose comme un film de grande qualité.
Remerciements chaleureux à l'attachée de presse Léa Guez chez Ciné Sud.
ZOOM
Simon Panay, l'Afrique comme terre d'ancrage
Fils de vignerons, Simon Panay a commencé à tourner avec une mini-caméra DV.
Le Burkina Faso devient pour lui une terre d'ancrage et une source d'inspiration particulièrement fertile. Le court-métrage "Waiting for the "(T)rain" (2015) se déroulait dans un petit village perdu de la brousse, dans lequel les plus anciens ont connu l'esclavage au service de la France, tandis que les plus jeunes se languissent d'horizons plus lointains. "Tontines, une affaire de femmes" (2014) s'intéressait lui à ce système de micro-crédit qui relève en même temps de la solidarité féminine.
Son dernier court-métrage en date, au titre très frappant, "Ici, personne ne meurt" (2016), se passait déjà, comme ce premier long-métrage, dans une mine, mais à Perma, au Bénin. A propos de la "mine", Panay déclare qu'elle est une prison où les gens sont esclaves d'eux-mêmes." Pour mener à bien ses différents projets, ce jeune documentariste se montre patient et prend le temps, le temps de gagner aussi la confiance des personnes qu'il filme.
Heureux lauréat de la Bourse Documentaire de la Fondation Jean-Luc Lagardère et de l'Aide au Parcours d'Auteur du CNC, Simon Panay n'a que 27 ans et apparaît bien résolu à poursuivre son oeuvre puissante et engagée.
Ben Kalamo