JEROME JOUANNIC ET LES PAPAS GOMBOS, hommage touchant d'un grand amoureux de l'Afrique
Badala Prod
Collectif et festif
Après quinze ans d'expérience aux côtés de grands noms de la musique ouest-africaine, Jérôme Jouannic livre un album personnel et généreux, une ode vibrante à l'Afrique et au Burkina Faso en particulier.
Comment cet album a-t-il vu le jour ?
Jérôme Jouannic : Dans ma tête depuis de longues années, ce projet est né pendant le 1er confinement (mars 2020). Ce confinement était l'occasion qui ne se représenterait jamais de me plonger à 100% dans mes compositions.
J'ai donc composé l'ensemble des compositions et des instruments tout seul à la maison, devant mon ordi ! L'ensemble de l'album était donc composé et enregistré en midi lorsque j'ai proposé à mes amis musiciens de venir rejoindre cette aventure et enregistrer mes morceaux avec de vrais instruments.
Pourquoi avoir choisi ce titre, "Ko Zom Silaga » ?
Jérôme Jouannic : "Ko Zom Silaga" a une double signification :
- ayant eu à de nombreuses reprises des retards voire des vols manqués, « ko zom silaga » est devenu mon surnom. Dans ce sens, il veut dire que l'avion va partir sans moi car je cherche à chaque fois à retarder l'heure du départ au risque de manquer mon avion, car il fait très bon vivre au Burkina.
- on me dit souvent que j'aime tellement le Burkina qu'un jour l'avion partira sans moi car je resterai et m'installerai définitivement là-bas.
Voilà les deux significations. J'ai donc choisi ce titre car il est assez significatif de mon vécu au Burkina Faso.
Pouvez-vous nous expliquer l'appellation "Les Papas Gombos" ?
Jérôme Jouannic : "Les Papas Gombos" désigne un peu la façon que mes musiciens et moi-même avons de courir dans tous les sens et jouer avec de nombreux musiciens et dans de nombreuses formations pour joindre les deux bouts. « Les Papas Gombos » sont ceux qui jouent un peu partout pour gagner de l'argent (traduction presque littérale...)
Pourriez-vous nous dire quelques mots sur chacun d'eux : Dramane Dembélé, Moussa Koita, Lossa Keita, Abdoulaye Dembélé, Seydou Koueta, Isaac Tafari ?
Jérôme Jouannic : Dramane Dembélé est un multi-instrumentiste et un virtuose de la flûte peule que tout le monde s'arrache. C'est avec et grâce à lui que j'ai découvert et appris la musique d' Afrique de l'Ouest et plus particulièrement celle du Burkina. Nous avons monté notre premier groupe ensemble Kalognouma, il y a plus de 15 ans maintenant ! Et depuis nous sommes inséparables ! Dramane a créé son projet solo "Popimane" que je vous recommande vivement !
Moussa Koita, multi-instrumentiste tout terrain, est un excellent musicien et arrangeur. Nous avons beaucoup joué ensemble dans le projet de Simon Winsé, mais nous nous sommes également retrouvés dans d'autres formations. Nous enregistrons bientôt son nouvel album, restez à l'écoute !
Losso Keita : la voix d'or de l'Afrique de l'Ouest ! Nous avons tourné ensemble à travers le monde avec le groupe de son grand frère Ibrahim Keita & Nankama. Ces tournées (avec de nombreuses dates, il faut le dire...) nous ont permis de partager de superbes moments sur scène et de très bons moments humainement parlant. Découvrez-le également dans son trio Yélé !
Abdoulaye Dembélé : De la même famille que Dramane Dembélé, Abdoulaye est balafoniste, mais joue également le ngoni et les percussions aux côté d'Harouna Dembélé, un des meilleurs djembéfolas au monde ! Nous nous sommes rencontrés il y a très longtemps mais avons commencé à jouer ensemble il n'y a que 5/6 ans dans un projet que j'ai monté avec Dramane (et oui, encore lui !) et trois de ses frères « Dembélé Band » qui adapte le répertoire traditionnel Bwaba à la sauce actuelle ! A découvrir d'urgence !
Seydou Koueta : virtuose de la kora et de la percussion, Seydou est le korafola attitré du groupe Ibrahim Keita & Nankama, donc comme avec Losso, nous avons beaucoup tourné ensemble ! Depuis qu'il habite en France, nous avons monté un duo avec lequel nous jouons occasionnellement. L'EP devrait sortir pour septembre 2022.
Isaac Koffi Tafari : lui aussi faisait parti du groupe Ibrahim Keita & Nankama mais nous nous sommes rencontrés il y a bien longtemps à Ouaga et avons partagé de nombreuses scènes en Afrique et en Europe dans différentes formations. Il joue également aux côtés de Losso Keita dans le trio Yélé cité précédemment.
Vous dites dans votre communiqué de presse que vous vouliez mettre différemment en valeur des instruments traditionnels comme le balafon, la kora, ou la flûte peule. Qu'entendez-vous par là ?
Jérôme Jouannic : L'idée était de sortir ces musiciens de leurs zones de confort en leur faisant jouer leurs instruments différemment de ce qu'ils font habituellement. En composant je n'ai pas cherché à savoir si telle ou telle ligne devait plutôt être jouée par un balafon ou autre. Je l'ai fait comme je le sentais à ce moment là. C'est au moment de l'enregistrement que certains musiciens se sont arrachés les cheveux pour retranscrire et jouer ce que j'avais en tête et fais sur l'ordi. Un joli challenge pour eux !
Comment êtes-vous tombé amoureux de l'Afrique en général, et du Burkina Faso en particulier ?
Jérôme Jouannic : Alors là désolé, mais je ne sais pas ! C'est venu comme ça. J'ai fais une maitrise de science du langage en comparant la structure de la langue française avec celle du bambara du Mali. Je me suis en parallèle intéressé à la culture et inévitablement à la musique. Je pense que ça c'est un peu goupillé comme ça.
Le Burkina Faso, par hasard. Un mois après avoir rencontré Dramane Dembélé à Paris et commencé avec notre formation Kalognouma, une amie m'a proposé de partir en brousse au nord du Burkina pour une mission humanitaire. C'est lors de ce voyage que j'ai fait mes premières rencontres musicales (dans la famille de Dramane).
Photo : Yanis Baybaud
Comment le clip de "Brakina ma chérie" a-t-il été conçu ?
Jérôme Jouannic : Les parties en France ont été faites chez moi, tout seul. Pour le reste j'ai fait appel à des amis caméramen et monteurs au Burkina pour faire ce clip. Tous les lieux et figurants sont chers à mon coeur. Les lieux sont « mes coins », mes QG ! Les figurants sont mes amis, mes frères même !
Lorsqu'on vous voit déprimer devant une bière, en France apparemment, vous languissez-vous du Burkina Faso justement ?
Jérôme Jouannic : Et oui, c'est ce que raconte ce morceau. A travers la Brakina, je montre que même en France le Burkina est présent dans ma tête chaque jour.
Comment décririez-vous le paysage musical de Ouagadougou ?
Jérôme Jouannic : Extrêmement riche, ouvert et généreux. Au même titre que le reste de la population, les musiciens sur place sont très souvent de très bons musiciens, très ouverts aux autres styles de musique, toujours prêts à découvrir de nouvelles choses. Et surtout très généreux et fiers de transmettre leurs connaissances.
Ouaga est une ville vraiment très riche et variée musicalement. Toutes les esthétiques y sont représentées (et bien !).
Vous avez travaillé comme batteur avec de grands artistes africains comme Manu Dibango, Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Jérôme Jouannic : Alors, je n'ai fait que les premières parties de Tiken et Alpha mais c'était déjà génial. Quant à Manu Dibango, j'ai eu la chance d'avoir joué une fois avec lui. Un grand Monsieur, rassurant, généreux, de grands conseils et excellent musicien bien sûr ! Un pilier de la musique africaine. On l'appelait le baobab, ça n'est pas pour rien.
Comment comptez-vous célébrer la sortie de ce premier album solo ?
Jérôme Jouannic : Avec un concert de sortie d'album complètement dingue ! L'ensemble des musiciens présents sur l'album seront là ! Et, cerise sur le gâteau, mon idole de la kora (que j'ai invité sur un titre de l'album) sera peut-être présent à ce concert ! Son nom sera dévoilé très bientôt. Nous prévoyons de faire une captation live de ce concert pour éventuellement sortir un clip live !!! Ensuite, une tournée au Burkina Faso est en cours de préparation. Je dois aller présenter cet album aux burkinabés !
Remerciements chaleureux à Jérôme Jouannic
ZOOM
Une atmosphère de travail exceptionnelle
Dans quelle atmosphère de travail avez-vous réalisé cet album ?
Jérôme Jouannic : Je dirais, à vu d'oeil : au moins 50 kilos de viande, une centaine de litres de bière, une cinquantaine de litres de vin (et je ne compte pas le rhum !) et tous ça en deux sessions de 2 semaines et le tout à raison de 2 à 3 heures de sommeil par nuit maximum !
Et oui, un petit détail, nous avons tout enregistré chez moi à domicile (Studio Badala), nous pouvions donc travailler la nuit, ce qui est un grand avantage !
L'ensemble des musiciens présents dans mon album sont soit frères, soit cousins ou amis d'enfance ! Je vous laisse donc imaginer l'ambiance dans laquelle nous avons travaillé ! Familiale, joviale, folle même ! Mais toujours très sérieux lorsqu'il fallait enregistrer.
Matthias Turcaud