KANDY GUIRA, une ambiance solaire et des messages importants
Que du bonheur en sons / Vlad Production / InOuïe Distribution
Une énergie contagieuse et un grand coeur
Irrésistible et polyvalente, l'artiste burkinabè Kandy Guira nous présente aujourd'hui "Nagtaba"(Ensemble), qu'elle conçoit comme un aboutissement, un album original et personnel relevant du Faso-électro-pop.
Kandy Guira a appris la musique dans les bars et les maquis de Ouagadougou. Ensuite, elle a su s'imposer, petit à petit : d'abord, en recevant un prix, en 2008, pour la chanson "M'ba" lors de la Semaine de la Culture à Bobo-Dioulasso. Elle touche au théâtre, à la danse, au mannequinat, collabore avec Manu Dibango, Amadou et Mariam, Cheikh Tidiane Seck ou Oumou Sangaré. Depuis peu, elle a rejoint aussi le groupe Les Amazones d'Afrique.
Rencontre avec une artiste que nous avions déjà interviewé il y a plusieurs années, et qui se trouve désormais à un autre tournant de sa carrière.
Comment l'album Nagtaba a-t-il vu le jour ?
Kandy Guira : L'idée de cet album découle du travail déjà entamé sur l'EP « Tek la Runda » (Je prends les rênes), où j'ai commencé à expérimenter le mélange de ma musique avec les sons électro. J'ai réellement découvert l'électro au travers de plusieurs collaborations et en particulier avec Imed Alibi sur le projet "Frigya".
C'est au cours de cette expérience que je me suis rendue compte que l'électro ne se résumait pas à produire du son synthétique. Avec "Frigya", j'ai découvert que cela pouvait aussi consister à sampler et mixer des instruments acoustiques, et cela a été un vrai moteur pour mon inspiration !
J'ai donc commencé à travailler cet album en faisant des résidences en partenariat avec le Tamanoir, pour construire les chansons autour des rythmiques et des textes que j'ai écrits.
Après cela, en mars 2020, comme j'ai été bloquée à Ouagadougou lors du premier confinement, j'en ai profité pour continuer à développer le projet que j'avais en tête pour Nagtaba. Je suis rentrée au studio à Ouaga, pour créer la base des titres et les rythmiques avec les instruments traditionnels burkinabés comme le bédré et le djèma. De retour à Paris, j'ai utilisé cette matière pour travailler les arrangements et les nappes électro que j'avais imaginés pour habiller et sublimer les sons de chez moi. Sur cette partie du projet, j'ai bénéficié de l'expertise et du talent de Benoît Daniel et Olivier Bodin du Studio La Fugitive, qui ont arrangé, mixé et masterisé l'album pour lui donner la couleur dont je rêvais.
Qui a conçu l'affiche ? Pourquoi ce choix ?
Kandy Guira : Pour l'affiche, j'ai choisi de travailler avec le studio Viana Photography, dont j'apprécie le travail pour restituer en photo, l'esprit de la pochette de l'album. Ce visuel a été créé par Jean-Marc Lejeune, un ami peintre, très talentueux, dans la mouvance du street art et du dessin live (dessin sur le vif de danseurs, musiciens, yamakasi). J'ai longuement discuté avec lui de la symbolique du mot Nagtaba dans ma langue, le moré et de ce qu'il évoque pour moi, y compris du point de vue de l'imaginaire.
Pour moi être « ensemble », c'est aussi être en union avec la nature, et la terre mère symboliquement, c'est la femme. Elle est un monde à elle seule et elle rassemble, d'où cette femme arbre qui réunit autour d'elle, dans ses branches, les membres du band.
Pour nos lecteurs, pourriez-vous traduire ces paroles "Big pa yiida to" et "Kinsi kanda fan karango", extraites d'une de vos chansons qui encourage la scolarisation et l'égalité des chances ?
Kandy Guira : Big pa yiida to : aucun enfant n'est mieux qu'un autre, tous les enfants sont pareils.
Kinsi kanda fan karango : inscrivez tous les enfants à l'école, ils doivent tous avoir les mêmes chances.
Comment la chanson "Yelema" est-elle née ?
Kandy Guira : Elle m'est arrivée au moment des grands incendies en Australie, aux Etats-Unis, des tremblements de terre et des tempêtes en Haïti. Il n'y avait que des catastrophes naturelles partout et en même temps. Comme si la nature se déchainait pour nous parler, mais que personne n'écoutait ce qu'elle a à nous dire.
Et, pendant tout ce déchaînement naturel, on voyait les êtres humains continuer à se faire la guerre, à s'affronter, s'agresser, au lieu de se mobiliser pour écouter, protéger ensemble notre maison la terre. Cela m'a extrêmement choquée ! Cela m'a rappelée un proverbe en mooré qui dit « Quand la pluie te bat, pas besoin de te battre toi-même ». Ce qui veut dire en gros, que lorsque tout te tombe dessus, pas la peine d'en remettre une couche par tes propres actions.
Vous chantez sur la scolarité, la place de la femme, la cherté de la vie. Vous appelez de vos vœux un vrai changement. Pensez-vous que les chansons et la musique peuvent améliorer la société ?
Kandy Guira : Oui, je pense comme Mandela que « La voix des artistes permet parfois d'aller plus loin que celle des politiques ». L'artiste peut véhiculer le message d'un autre, mais il peut aussi être l'initiateur de ce message.
Comment l'enregistrement de votre album s'est-il déroulé ? Dans quelle atmosphère avez-vous collaboré avec votre équipe ?
Kandy Guira : Il s'est déroulé dans une atmosphère Nagtaba !! Chez moi, au pays, pendant le premier confinement, où j'ai repris goût au vivre-ensemble entourée de ma famille, de mes amis, de musique sans protocole, de manière conviviale et familiale, dans mon berceau burkinabé à Ouagadougou.
Ensuite, j'ai ramené cet état d'esprit en France, et cherché un studio et une équipe de musiciens avec laquelle je pouvais travailler avec ce même « mood ». Mon équipe, c'est ma famille et comme là-bas au Burkina, c'est solaire !
Vous dégagez de la joie et de la sérénité, où les puisez-vous ?
Kandy Guira : Dans ma famille et dans mon entourage y compris mon équipe, c'est là que je puise mon énergie ! C'est eux qui me rechargent mes batteries.
Copyright : Jean-Claude Frisque
Qu'éprouvez-vous quand vous chantez ?
Kandy Guira : Du bien-être ! Quand je suis sur scène entourée du public, je suis enfin dans le monde de mes rêves où nous vibrons tous sur la même longueur d'ondes, sans violence, sans douleur et de toutes les couleurs, sans discrimination et sans frontière.
Pourriez-vous nous décrire une journée de travail habituelle ?
Kandy Guira : Dans mon domaine, il n'y a pas une journée qui ressemble à l'autre et c'est ça qui est top !! Parfois ma journée, c'est cocooning, écriture, travailler mon anglais, faire quelques exercices de chant et d'autres fois, c'est la course, comme en ce moment : déposer mon fils à l'école, courir en répétition, puis en interview, revenir chercher mon fils, le faire dîner, préparer mes valises pour partir en concert avec Oumou, les Amazones, ou pour Nagtaba !!
Quels sont vos projets du moment ?
Kandy Guira : Faire vivre mon tout nouvel album Nagtaba et le rendre accessible à tous, y compris les malentendants. C'est pour cela que je suis accompagnée sur scène par une chant signeuse, pour l'instant sur 4 titres et bientôt je l'espère pour la totalité de l'album. Je souhaite également clipper avec cette chant signeuse l'ensemble des titres de l'album.
J'ai le projet de monter une tournée en France et autour du monde, en particulier en Afrique. Je souhaite mettre à profit cette tournée pour sensibiliser les populations à l'apprentissage de la langue des signes par les familles des malentendants pour qu'ils ne soient pas isolés au sein de la société et surtout de leur cellule familiale (l'association "Que du bonheur en sons" entend équiper les enfants sourds, malentendants et muets en prothèses auditives au Burkina Faso).
Remerciements chaleureux à Kandy Guira et Pauline Follic de Veev Com.
ZOOM
Le mystère de l'inspiration
Comment l'inspiration vous vient-elle ?
Kandy Guira : Ce qui m'inspire c'est l'amour avec un grand A, l'amour de l'autre, de la nature, etc... L'injustice, le quotidien sont aussi des sources d'inspiration. Elle me vient souvent quand je marche, via le son de mes pas, le frottement des vêtements que je porte. C'est comme cela que les rythmes et les mélodies me viennent. Les textes me viennent souvent en même temps mais ils peuvent aussi me venir quand je dors, quand je suis en train de ranger chez moi, dans les transports...
Par exemple : la rythmique de "Ana Yele" est inspirée du son d'un de mes blousons qui fait un bruit de papier froissé quand je marche. A partir de ce moment-là, j'ai commencé à prendre conscience de la manière dont l'inspiration me venait et j'ai porté mon attention sur les bruits de mon corps, la musique de la nature et sur la rythmique naturelle qui nait de nos déplacements.
Matthias Turcaud