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L'INDOMPTABLE FEU DU PRINTEMPS, combat entre tradition et progrès

Arizona Films

Ceci n'est pas un enterrement, c'est une résurrection.

"L'indomptable feu du printemps" (This is not a burial, it's a resurrection) est un film réalisé par Lemohang Jeremiah Mosese (Lesotho) sorti en 2019. Il est actuellement en salles en France.

Au soir de sa longue vie, Mantoa, 80 ans, a tout connu : la douleur, la déception, la solitude... elle est désormais seule. Son mari et son fils ne sont plus. Il ne reste plus d'eux qu'un souvenir tendre dans l'écrin de sa mémoire et un cimetière où elle peut se recueillir. Nazaretha ou la vallée des larmes est la tablette sur laquelle est inscrit le récit de sa vie. Chaque recoin de cette terre est chargé d'un souvenir, d'une histoire : celle de sa famille, celle de son peuple.

Son monde s'effondre quand, suite à un projet de construction de barrage, elle et les siens se voient dans l'obligation de quitter cette terre. Mantoa doit-elle partir, acceptant ainsi l'engloutissement par les eaux de son héritage ancestral ? Ou doit-elle s'insurger et défendre ce petit village dans les montagnes ?


 

L'indomptable feu du printemps est une pépite visuelle. Dès la première image, notre attention est prisonnière de ce récit aux allures de conte. Pour sceller définitivement le passage dans ce nouveau monde, d'abord une lente musique presque envoûtante qui s'insinue en nous, sorti d'un instrument à vent. Et à la manière d'un récit mythique raconté la nuit autour du feu par un vieillard, le film se déroule sans effort, ponctué par la voix grave du narrateur.

Le récit, d'une construction remarquablement rigoureuse est rehaussé par la poésie de son écriture. Le propos du film, le respect des morts et de la tradition, est traité avec brio empruntant parfois un symbolisme biblique : « Ce qui était pierre angulaire pour la vielle femme, était maintenant pierre d'achoppement ».

Une autre grande qualité du film est sa précision. Dans cette succession d'images, de mots et de musiques rien n'est de trop ou placé au hasard. Tout trouve écho chez le spectateur. Le film est rempli de sortes d'arrêts sur image, permettant de discerner tout le désespoir des personnages sans compter tous ces effets de ralentis, de floues qui confèrent à l'œuvre un côté très artistique. Les émotions se laissent toucher du doigt.

Enclavé dans le territoire de l'Afrique du sud, le Lesotho est un pays essentiellement montagneux. Ce qui explique son abondance en eau qui fait l'objet d'une grande exportation vers l'Afrique du sud : le plus grand programme de transfert hydraulique en Afrique. Ainsi, au gré des constructions de nouveaux réservoirs, des villages entiers sont déplacés. Le réalisateur a lui-même vécu cette situation dans son enfance et redonne vie à ses souvenirs : « C'est comme si quelque chose m'avait été enlevé ».


La prestation que livre Mary Twala Mlongo est extraordinaire. Elle a quelque chose de la femme dans la nouvelle « L'envers et l'endroit » du recueil éponyme d'Albert Camus qui prépare elle-même son enterrement et renouvelle déjà les fleurs sur sa propre tombe... Son jeu est empreint d'une telle justesse et d'une telle sincérité que le spectateur a du mal à décider si ce qu'elle vit est de l'ordre de la fiction ou de la réalité. Le personnage qu'elle incarne continue à vivre après la fin du film, ou du moins dans les cœurs et les esprits, tant l'intensité qu'elle convoque élève Mantoa au rang de symbole.

L'indomptable feu du printemps est décidément un chef d'œuvre à tout point de vue. Une histoire incroyable dans un cadre incroyable portée par des personnages incroyables, et une mise en scène inspirée. On découvre tout au long du récit que la transmission des histoires passées, outre le devoir de mémoire, forme un lien intergénérationnel très fort.

Remerciements chaleureux à l'équipe de Makna Presse.

ZOOM

Un cinéaste est né

Lemohang Jeremiah Mosese est un réalisateur né en 1980 au Lesotho.

Artiste visuel, il réalise plusieurs courts métrages en autodidacte. Il gagne six prix, en 2018, à Venise, grâce à son documentaire : "Mother, I am suffocating. This is my last film about you." L'indomptable feu du printemps est son troisième long métrage.

Note d'intention du film : « L'indomptable feu du printemps est une méditation sur le nouveau et l'ancien, la naissance et la mort. Une révérence ecclésiastique à la terre. C'est par les yeux de Mantoa que nous apparaît l'ampleur des ténèbres à affronter, mais en fin de compte, c'est une histoire sur la résilience propre à la nature humaine. »

Patrick Kasongo