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GRÖDASH, fervent militant de la "Ghetto Littérature"

"Africa, tu t'es trompée de Léopold, fallait enseigner du Senghor"

Rappeur expérimenté et cultivé, Grödash sort aujourd'hui l'EP "Ghetto Littérature", un vrai aboutissement : militant, rageur et inspiré.

Il a côtoyé de très grands rappeurs et se produit lui-même depuis longtemps, sans se retrouver cependant toujours sur la couverture de grands magazines, comme il le relève lui-même.

Rencontre avec celui qui, pour le citer, "s'est réfugié dans la zik pour surmonter l'insurmontable". 

Comment avez-vous décidé de devenir rappeur ?

Grödash : Par mimétisme, en écoutant de grands MC's comme les Lords of the Underground, Fu Shnikens, Snoop Dog, Time Bomb, Les Sages Po', etc... Le rap m'a vraiment fait un électrochoc.

Votre père a fait une thèse de sciences politiques sur la colonisation au Zaïre. Avez-vous hérité de sa conscience politique ? Et pour vous, le rap peut-il ne pas être politique ?

Grödash : Avec cette ambiance à la maison, c'est clair que ça façonne votre esprit et votre manière d'agir, je me dois de continuer son combat aujourd'hui que je suis adulte et responsable. Je pense que faire du rap est en soi un acte politique par rapport au diktat du schéma de la réussite scolaire. Après il est de bon sens de faire le meilleur usage possible de son talent en le mettant au service de la communauté quand on a une voix qui porte.


Quelle idée aviez-vous en fondant le crew Los Monzas ?

Grödash : Vivre notre rêve de jeunes banlieusards et devenir maîtres de nos destinées, on est parti de très loin et on imaginait même pas que le nom du Crew allait sortir des frontières de la ville ou même du quartier Les Amonts.

Quel bilan faites-vous du groupe Ul'team Atom ?

Grödash : On a marqué notre époque avec "Dégaine ton style" notamment et en inspirant une bonne partie de ce qu'on a appelé « La relève ».

Quels souvenirs gardez-vous de "Dégaine ton style", les premières battles de rap que vous avez initiées ?

Grödash : On a réussi à transformer une réunion de Mc du quartier en événement majeur du hip-hop francophone, ça nous a donné la confiance et la certitude qu'on avait notre place dans cette industrie et que nos concepts plaisaient.


Vous avez créé en 2010 votre label #FMV Flymen Vision. Pourquoi ce nom, et en êtes-vous satisfait ?

Grödash : Ce nom nous a été inspiré par un personnage dans la série "Heroes", nous étions parmi les premiers à utiliser les techniques de drones dans les clips en 2012, donc ça nous va assez bien je trouve.

Vous avez évolué sur scène et en studio aux côtés de Booba, Oxmo Puccino et Assassin. Comment ces rencontres artistiques se sont-elles passées ?

Grödash : C'est la magie du hip-hop et des réseaux sociaux de rendre tout ça possible et de garder contact au fil des années. Ils m'ont beaucoup inspiré plus jeune, ça a été un honneur de collaborer plusieurs fois avec ces poids lourds du rap qui sont devenus comme des amis pour certains.

Aujourd'hui, vous sortez l'EP "Ghetto Littérature" : pourquoi ce titre tout d'abord, et quelle en est la genèse ?

Grödash : La littérature française a donné naissance au rap qui a remodelé la langue française à son tour. On prédisait la mort du rap dans les années 2000 mais maintenant il est dans les cours de maternelle et dans les slogans de pub de grande marque. La culture et l'industrie se sont pliés à notre mouvement, c'est un hommage à cette grande victoire.


Comment avez-vous collaboré avec le beatmaker Coazart pour cet EP ?

Grödash : Très minutieusement, on voulait sortir un projet de qualité avec le concours de Gelly et Addictive Music donc on a beaucoup travaillé sur les samples et les arrangements des chansons pour que chaque titre raconte une histoire unique. Les retours sont positifs, ça booste pour la suite.

Pour le morceau "Jeux pervers", comment avez-vous eu l'idée de reprendre la musique de Chris Isaak ?

Grödash : Plus jeunes à Brazzaville on a eu MTV en 1990, mais malheureusement ce n'était pas MTV Rap donc à part MC Hammer et Run DMC x Aerosmith, on ne voyait pas beaucoup de clips de rap. Ça nous a permis de nous ouvrir avec mes frères et écouter d'autres trucs comme du Jovi, du Madonna, Phil Collins et ce titre de Chris Isaak qui passait en boucle à l'époque, il m'a toujours donné des frissons. Du coup, je l'ai ré-interprété en traduisant même certaines phrases de son texte et son célèbre titre « Wicked Games » devenu « Jeux pervers ».

Remerciements chaleureux à Grödash et Anne-Sophie Mattéi, son attachée de presse.

ZOOM

Concrètement engagé

Avec votre mère, Georgette Biebie Songo, docteur en toxicologie primée par l'ONU, vous avez donné le jour à la fondation GBS, qui soutient au quotidien les femmes congolaises. Pour vous, un artiste doit-il obligatoirement s'engager ?

Grödash : Faire du rap, c’est déjà s’engager surtout quand ça fonctionne, ça crée des emplois, si on peut en donner dans son entourage proche et sa famille c’est une bénédiction.

J’ai la chance d’avoir une maman primée par l’ONU, je me devais de marcher dans ses pas et la booster dans la réalisation de ses rêves les plus fous, nous avons aujourd’hui plus de 1 000 femmes que nous encadrons à Kikwit en RDC, en espérant pouvoir leur donner un jour la puissance économique de n’importe quelle ménagère européenne, ça serait un miracle pour l’Afrique noire.

Matthias Turcaud