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AFRICA MIA, une odyssée musicale exceptionnelle

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N'oublions pas, surtout, les merveilles du Mali !

Richard Minier a mené une (en)quête aussi patiente que bouleversante, à la (re)découverte de l'incroyable groupe afro-cubain "Las Maravillas de Mali".

Tout commence en 1960, lors de l'accession à l'indépendance du Mali. Le président de cette jeune révolution, Modibo Keita, dans une quête d'authenticité culturelle décide de rompre avec l'héritage colonialiste français et de mettre en valeur toute la richesse du patrimoine malien.

Pour ce faire, dix jeunes étudiants, venus de différentes régions du Mali, ont la chance d'aller à Cuba, à La Havane, plus précisément pour suivre une formation musicale. C'est dans le contexte de la guerre froide, en 1963 qu'ils font ce voyage vers une terre encore inconnue, dans le cadre des liens communistes entre le Cuba de Fidel Castro et les Indépendances d'Afrique.

Les dix jeunes gens de la République socialiste du Mali intègrent le conservatoire Alejandro Garcia qui finira par être le théâtre de la naissance des Las Maravillas de Mali ne comptant plus que 7 membres.

 

Sous l'impulsion de leur chef d'orchestre Boncana Maïga, et de leur fougue juvénile, l'orchestre afro-cubain connaît un immense succès allant de La Havane à Bamako. Grâce aux sonorités envoûtantes d'une de leur chanson : "Rendez-vous ce soir chez Fatimata", à mi-chemin entre rythme latino et cadence malienne, ils marqueront toute une génération.

Le rêve s'estompe en 1968, lors du coup d'état de Moussa Traoré qui finira par prendre la direction du pays. Désavoués, ils décident dans un dernier élan de volonté d'enregistrer un album comme témoignage d'une époque révolue et héritage à la postérité. Africa Mia voit le jour peu de temps avant la mort du groupe rappelé depuis au pays. Les années se succèdent, passant une éponge humide sur l'aquarelle de leur histoire.

À la fin de l'année 1999, le producteur de musique Richard Minier, de passage à Bamako, a été frappé par un flûtiste aux allures "cubaines". Il s'est avéré que ce musicien, dénommé Dramane, faisait partie de ce groupe. Le producteur va s'efforcer de retrouver et de s'entretenir avec ceux qui restent en faisant preuve d'une impressionnante ténacité.

 

Pendant les dix-huit ans de cette enquête acharnée, Richard Minier ne va cesser de documenter et filmer ses rencontres, recueillir les souvenirs de la bouche des intéressés - qui n'ont absolument rien oublié - ; et un rêve fou va peu à peu germer dans sa tête : faire rejouer les Maravillas de Mali. Hélas, de nombreux membres du groupe sont déjà morts, et, alors que d'autres décèdent au fur et à mesure, la quête de Minier va se muer en véritable course contre la montre, rendant même le film comparable par moments à un polar.

En plus d'avoir le mérite de faire connaître cette étonnante épopée, ce documentaire se révèle exceptionnel, et extrêmement émouvant. Les rescapés de cette aventure se révèlent tous très attachants, et débordants d’humanité – d’Aliou à Dramane, en passant par Moustapha, Bah Tapo et Boncana ; sans oublier bien sûr la fille de Moustapha, qui vit à Cuba et que ce dernier n’a jamais vu tout en ne cessant pas de lui écrire. Des anecdotes joyeuses vont refaire surface, mais les larmes vont aussi couler, souvent.

Co-réalisé par Edouard Salier, qui a apporté un regard neuf, et remarquablement monté par Julien Perrin, Africa Mia se révèle d’abord dynamique, entraînant, vif et léger, mais sait aussi s’arrêter quand il le faut, pour laisser toute la place à l’émotion, à l'image des retrouvailles déchirantes entre Boncana et des musiciens cubains quarante-cinq années après l'enregistrement de l'album. On n’oubliera pas ce groupe unique s’étant adapté aux codes de la musique cubaine et ayant chanté à la fois en français, en bambara et en espagnol ; et cette magnifique leçon d’ouverture culturelle qui brave les préjugés sans peur.

 

Le propos du film se révèle très riche et dense, malgré sa brièveté relative - 1h30. Il nous interroge notamment aussi sur les choix d'une vie ainsi que leurs conséquences, et nous rend attentif à la rapidité avec laquelle le temps passe.

ZOOM

Tout un sous-texte politique

Le film Africa Mia permet de découvrir un pan méconnu de l’histoire.

Au cœur des années 60, période charnière qui suit l’indépendance, le modèle révolutionnaire cubain devient l’horizon de l’imaginaire de la jeunesse malienne – et de manière plus large de la jeunesse révolutionnaire en Afrique. Des coopérations se nouent entre Cuba et plusieurs pays africains dont le Mali. Fidel Castro distribuent alors des bourses d’études à tour de bras aux jeunes ressortissants des pays « amis ».

 

Voilà comment Boncana, Dramane, Aliou et leurs camarades embarquent pour La Havane pour étudier la musique au Conservatoire. Africa Mia raconte cette parenthèse de quelques années pendant lesquelles un vent de créativité et d’utopie a soufflé sur le Mali, avant de s’éteindre, avec le coup d’Etat et l’arrivée de la dictature, en 1968.

Les Maravillas de Mali sont alors rappelés au pays par le nouveau régime. Le groupe finit par se disloquer et le leader s’installe en Côte d’ivoire.

A travers la fabuleuse histoire des Maravillas de Mali se développe en filigrane la grande Histoire des Indépendances africaines, entre espoirs et désillusions.

Ketty Luntala, Patrick Kasongo, Matthias Turcaud