Les berceuses électro des MAMANS DU CONGO
Jarring Effects
Ustensiles de cuisine et beats hip-hop
Le groupe de chanteuses des Mamans du Congo a ici fusionné avec le beatmaker Rrobin pour un album aussi singulier que réjouissant. Un vrai joyau !
Porté par l'emblématique chanteuse et instrumentiste Gladys Samba, le groupe des Mamans du Congo naît en 2018 et chante en lari des berceuses bantoues, qui racontent l'histoire du peuple et faites aussi pour rassurer l'enfant qui pleure.
On retrouve beaucoup de douceur et de tendresse dans ces chants apaisants qui charrient un amour maternel sans conditions. Ces berceuses mettent en même temps la figure de la femme au centre, ainsi que son quotidien, puisqu'en guise d'instruments, les Mamans du Congo utilisent des pilons, des marmites, des fourchettes et d'autres ustensiles de cuisine qui rappellent leur quotidien très exténuant, et rendent aussi leur musique encore plus originale et percutante. Le chant leur permet aussi de supporter un quotidien émaillé de tâches ménagères aussi monotones qu'éreintantes.
La meneuse du quintet confie ainsi : "L'idée de créer le groupe Les Mamans du Congo m'est venue à travers tout ce que je fais dans la journée. En fait, c'est la vie de tous les jours, tout ce que nous faisons dans la vie. Parce qu'une mère africaine, en particulier une mère congolaise, est toujours obligée de travailler tous les matins : faire la vaisselle, laver le linge, tout laver. Pour oublier cette souffrance, on a l'habitude de chanter. Quand on travaille, on chante des chants d'église, et, sur cette base, j'ai eu l'idée de créer un spectacle qui refléterait l'image de la femme africaine, de la femme congolaise. C'est pour cela que vous voyez qu'il y a des ustensiles de cuisine."
Ces berceuses revisitées et si authentiquement incarnées se font ainsi vectrices d'un message très fort sur le matrimoniat, et le rôle capital des "mamans" au sein d'une société. Gladys Samba le dit bien : il s'agit de "chanter pour émanciper la femme africaine et révéler au monde le matrimoine culturel congolais. L'émancipation des femmes va de pair avec la tradition. Il faut la connaître pour la moderniser, et ainsi être sur le même pied d'égalité avec les hommes ! "
En octobre 2019, sur l'impulsion de l'Institut Français de Brazzaville, de la Coopérative de Mai et du label Jarring Effects, le groupe se retrouve dans le repaire favori de Gladys Samba ou Maman Glad', à l'Espace Kudia, un bar culturel bouillonnant sis dans le quartier populaire de Bacongo et qui aimante artistes et militants. Il y fait la rencontre du beatmaker Rrobin, qui s'était déjà intéressé aux voix urbaines émergeant en Afrique et avait notamment travaillé avec le rappeur sud-africain Spoek Mathambo sur son album "Déluge".
Le projet démarre vite. Séduit, Rrobin met ses rythmes entêtants et son habillage électro entièrement au service de l'activisme du quinquet, et de son hommage vibrant à la résilience de la femme congolaise, pleine de ressources malgré toutes les ornières. Plusieurs chanteuses ont dû ainsi quitter le groupe, à cause du chantage émotionnel auquel les confrontaient leurs maris, leur imposant de trancher sans sommation entre "la musique" ou "la maison".
Résulte en tout cas aujourd'hui, de cette fructueuse collaboration, un album très étonnant et réussi, où une formule qui pouvait sembler décontenançante au départ se mue en hymen sans fausse note. Sans prendre trop de place, la rythmique électro et hip-hop s'inféode au message féministe et matrimonial de ces Mamans du Congo, en belle harmonie. Pour ne rien gâcher, la direction artistique de ce diamant brut a été confiée à Armel Malonga, performer électrique et bassiste de Zao, ayant également travaillé avec Lokua Kanza ou Ali Farka Touré.
Entre des chansons très douces - telles que "Mwana Du Dila" ou "Perle Précieuse" - et d'autres plus entraînantes - comme "Sans Pagne" ou "Bordel de Rap" -, l'album s'avère aussi varié qu'abouti, et devrait aboutir à un grand nombre de tournées en Afrique comme en Europe, dès que le Corona le permettra !
ZOOM
L'association " Femmes au foyer"
Outre la musique, les Mamans du Congo ont également créé une association qui accompagne des jeunes mères congolaises pour mieux organiser et gérer leur quotidien, et devenir plus autonomes.
La jeune maman Alida Tomba témoigne : "L'association a fait beaucoup pour moi. Avant, je ne pouvais même pas me procurer le nécessaire pour la maison. Grâce aux conseils de l'association, j'ai appris à acheter des assiettes et à aménager ma maison, à conseiller mes enfants aussi, pour bien les éduquer et mieux les encadrer."
Matthias Turcaud