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MALIX UPIT, rasta-chrétien-musulman
Faire reconnaître les arts visuels au Congo
Le jeune rappeur lushois Malix Upit a pu présenter un spectacle très convaincant en cette fin de mois d'octobre 2020.
Rencontre avec un vrai espoir de la musique congolaise qui ne manque pas de projets.
Quand avez-vous décidé de faire de la musique ?
Malix Upit : Tout petit déjà. Je chantais d'abord dans une chorale à l'église, puis j'ai découvert le rap grâce à des grands frères qui amenaient des cassettes à la maison. En 2012, ensuite, j'ai commencé ma carrière professionnelle.
Comment l'inspiration vous vient-elle ?
Malix Upit : J'observe la société autour de moi. Sinon, quand on a une cause et des valeurs à défendre, l'inspiration vient facilement. Cela me tient à coeur de transmettre un message en rapport avec l'amour, la paix et l'unité. Pour le développement de l'Afrique, notamment, cela me semble capital.
Comment est née votre chanson "Femme africaine" ?
Malix Upit : Je voulais rendre attentif à une perte de valeurs qui m'inquiète. Il me semble que la femme africaine actuelle a moins de valeurs que la femme africaine d'avant l'indépendance, ou que celle d'avant l'arrivée du colon a plus de valeurs, en général, que la femme africaine actuelle. A mon sens, la femme africaine tend actuellement trop souvent à imiter la femme américaine ou européenne, et elle oublie trop ses racines. Je voulais donc lancer un appel à la conscience de la femme africaine en général, et surtout rappeler qu'il est essentiel de conserver nos valeurs. Si on les perd, on perd notre civilisation, on n'existe plus, on meurt.
Vous chantez à la fois en français et en swahili...
Malix Upit : C'est important pour moi de chanter en swahili. J'aimerais exporter le swahili sur le plan international. Quand je chante à la fois en français et en swahili, c'est pour créer un mélange culturel.
Vous avez pu vous produire dans différentes villes du Congo, mais aussi dans des pays voisins. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Malix Upit : Des souvenirs positifs, surtout. Je me rappelle par exemple d'un séjour très enrichissant à Kigali. J'ai senti que j'avais beaucoup de choses à partager avec les Rwandais avec qui j'ai échangés. Bien qu'on vienne de pays différents, nos cultures se ressemblent beaucoup. J'ai aussi été à Kinshasa ou Brazzaville, où j'ai pareillement pu faire de belles rencontres.
Vous avez présenté ce samedi 23 novembre un concert à l'Institut Français de Lubumbashi. Comment l'avez-vous préparé ?
Malix Upit : Je l'avais préparé en deux semaines, mais j'avais déjà noté auparavant la trame de mon spectacle sur mon bloc-notes. Je voulais proposer un vrai spectacle, et pas seulement de la musique. Une chorale y a participé, ainsi que des chorégraphes et un cracheur de feu ; et on a travaillé sur la synchronisation entre les différents intervenants.
Où avez-vous trouvé ces chorégraphes ?
Malix Upit : Ce sont des jeunes d'ici qui évoluent depuis longtemps que j'ai rencontrés il y a deux ans. J'avais déjà travaillé avec eux pour ma chanson "Pascalina", ils avaient créé la chorégraphie du clip, et ils ont fait appel à un cracheur de feu pour le spectacle à l'Institut Français. Je voulais, pour ma part, une chorégraphie proche de la capoeira, toujours dans l'idée d'un brassage culturel intéressant.
Vous ne voulez pas vous limiter à un seul genre, apparemment...
Malix Upit : En effet, je n'aime pas me cloisonner dans un seul genre. A la base, je suis un rappeur, mais le rap peut s'adapter à tous les rythmes. C'est ce qui m'a donné envie d'explorer différents genres, comme la salsa, la rumba, ou encore l'afrobeat de Fela Kuti, pour un mélange fertile.
Dans le spectacle, vous collaborez aussi avec un violoniste.
Malix Upit : Oui, c'était une grande envie. Le rap sur de la musique symphonique, ça n'avait pas encore été fait, ici, à Lubumbashi. Ca permet d'abolir certaines frontières, d'ouvrir des perspectives.
Pouvez-vous nous parler de votre premier album, "RCM" ?
Malix Upit : "RCM" signifie "Rasta - Chrétien - Musulman". Il s'agit d'une exhortation à l'unité. En Afrique, la religion a une forte ascendance sur les peuples, et je voulais faire appel aux représentants des différentes confessions religieuses afin qu'ils prêchent la tolérance et la cohésion. On ne peut pas développer l'Afrique en étant désunis. La religion doit rester une affaire personnelle, à mes yeux.
Quel regard portez-vous sur le secteur musical congolais ?
Malix Upit : Il n'est passez développé. On sent que les artistes évoluent en ordre dispersé, et on peut regretter le nombre trop faible de structures importantes. On ne peut pas parler d'industrie musicale au Congo. Les structures créées ne durent pas assez. Nous aurions besoin d'un appui beaucoup plus prononcé de l'Etat, qui devrait notamment s'assurer que les musiciens bénéficient bien de leurs droits d'auteurs. Jusqu'ici, il ne s'agit pas d'une garantie, surtout pour les jeunes artistes, souvent lésés. Nous ne percevons souvent pas de droits même quand notre musique se fait entendre ça et là.
Il faut impérativement que des labels permettent aux artistes de se faire beaucoup mieux connaître. Pour l'instant, les producteurs se font très rares, et nous devons nous autoproduire, et collecter nous-même l'argent pour notre enregistrement en studio, pour notre promotion et nos concerts.
Autrefois, la musique congolaise occupait pourtant la première place, mais nous sommes actuellement en perte de vitesse. Le Nigéria, le Cameroun et le Ghana caracolent maintenant en tête. Nous souhaitons vraiment que l'Etat s'implique beaucoup plus pour changer la situation.
Quels artistes vous ont-ils influencé en particulier ?
Malix Upit : Le rappeur ghanéen Sarkodi, sinon Jay-Z, parce que c'est également un entrepreneur, autrement Eminem, Soprano, Youssoupha, Booba...
Quels sont vos projets actuellement ?
Malix Upit : Un nouvel album doit sortir en 2021. Je travaille sinon sur une musique originaire de Lubumbashi, faite avec du banjo, et appelée le karindula, et que j'allie à la drill, ce sous-genre du rap.
ZOOM
Républik Ville, plateforme créée par Malix Upit
Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette plateforme de musique africaine et notamment congolaise que vous avez créée ?
Malix Upit : Cette plateforme s'appelle "Republik Ville". L'objectif était notamment de faire découvrir la musique made in Katanga, et surtout d'offrir aux musiciens locaux une plateforme d'exposition. Auparavant, les artistes déposaient trop souvent leur musique dans des cybercafés où ils se faisaient pirater.
Republik Ville ambitionne de protéger nos musiciens et de les soutenir dans la diffusion de leur musique. Les CDs ne sont plus d'actualité, et les gens n'achètent plus beaucoup de lecteurs. Il devient à présent primordial de numériser la musique, cliquer sur un lien permet en plus un accès beaucoup plus facile.
Matthias Turcaud