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OLIVIER FALL MASEY, "mahendéléo n'jema"

Faire reconnaître les arts visuels au Congo

L'artiste plasticien et sculpteur Olivier Fall Masey a étudié à l'Institut des Beaux-Arts de Kinshasa, et travaille à présent à Lubumbashi, où il dénonce notamment, par ses fresques et ses projets, l'exploitation scandaleuse des enfants et des travailleurs dans les mines.

Comment avez-vous pris la décision de faire des arts ?

Olivier Fall Masey : Depuis l'enfance. J'étais d'abord choriste dans une chorale à Kinshasa, puis j'ai demandé à ma mère la permission de faire l'école des arts. De nombreuses personnes trouvaient que c'était une mauvaise idée, "artiste" n'est pas un métier reconnu dans notre pays, ça se résume à une perte de temps pour beaucoup. Ma mère m'a cependant toujours encouragé, et j'ai réussi à convaincre ma famille avec le temps. J'ai pu faire l'école des beaux-arts.

Vous êtes sculpteur avant tout ?

Olivier Fall Masey : Je suis sculpteur de formation, et je fais également de l'art plastique. De manière générale, je m'intéresse aux arts visuels et à l'art contemporain.

Olivier-Fall-Masey

Qu'est-ce qui vous inspire en général ?

Olivier Fall Masey : Ma société, la nature, l'environnement, tout ce qui se passe devant mes yeux m'inspire. Je tente de rendre mes oeuvres compréhensibles pour tous, et de faire prendre conscience à la jeunesse congolaise d'un certain nombre d'enjeux et de réalités.

Vous avez peint une grande fresque sur l'exploitation des enfants dans les zones minières près de Lubumbashi. Qu'est-ce qui vous a poussé à la réaliser ?

Olivier Fall Masey : Le choix est venu après un moment d'observation. Ma première phase de travail consiste à observer des réalités. Après ma résidence au Cap en Afrique du Sud, j'ai choisi de m'installer à Lubumbashi, et j'ai voulu comprendre comment ça se passe dans les zones minières. Les gens qui grandissent dans la capitale ne savent généralement pas trop ce qui se passe en province.

Olivier-Fall-Masey-peinture

J'ai donc sillonné le Katanga pour voir concrètement ces réalités. Le pays traverse actuellement de grandes crises, et ne peut pas continuer comme ça. J'ai vu comment les enfants se font exploiter de manière frauduleuse, j'ai vu aussi les employés de ces mines gagner seulement 2 dollars par jour, ou le chef refuser la matière ramassée pendant une journée entière. Tout ça m'a beaucoup révolté et m'a donné envie d'en parler à travers une oeuvre d'art. Le Ministère de la culture n'a pas accepté le projet, mais l'Institut Français oui.

L'art peut-il selon vous avoir un impact sur la société ?

Olivier Fall Masey : Oui, si nous sommes unis. Nous devons être comme une famille. Nous sommes là pour éduquer toute une jeunesse, donner de l'espoir à ceux qui n'en ont pas, et voir plus loin pour toute une nation. Aujourd'hui, la musique est plus considérée que les autres arts, et on peut le regretter. Nos autorités ne soutiennent pas vraiment les autres arts, ou les artistes qui veulent changer les choses. On aime surtout les "mabanga", les chanteurs qui font les éloges de quelqu'un. Or, il vaut mieux chanter pour l'éducation de ce pays que de verser dans la flatterie et les futilités.

Olivier-Fall-Masey-tableau

Vous vous impliquez dans Africa 2020, pouvez-vous nous en dire plus ?

Olivier Fall Masey : J'ai pu présenter un projet en lien avec la thématique des "Mana", des valeurs, qui a été accepté, et qui va être présenté en décembre 2020. J'ai travaillé avec les enfants de l'école française de Lubumbashi, et j'aimerais à présent que ça aille encore plus loin, en impliquant davantage nos écoles locales. Notre projet s'appelle "Mahendéléo N'jema", "pour un avenir meilleur".

Quels artistes vous ont-ils inspiré en particulier ?

Olivier Fall Masey : Je citerai notamment Maître Liyolo, Lufwa Mawidi ainsi que mon ami Serge Diama Diakota. Autrement, le professeur Tezo, de l'Institut des Beaux-Arts de Kinshasa m'a également beaucoup aidé.

ZOOM

André Lufwa Mawidi

L'artiste André Lufwa Mawidi est considéré comme un des "baobabs" et un pionnier de la sculpture au Congo, et fait partie de la première génération des diplômés de l'Ecole Saint-Luc.

Disparu en janvier 2020 à l'âge de 97 ans, celui qu'Henri Kalama désigne comme un "travailleur acharné", qui a beaucoup enseigné son art, a notamment marqué les esprits par son fameux "batteur de tam-tam", qu'on peut voir à l'entrée de la Foire Internationale de Kinshasa (FIKIN).

Un imposant buste à son effigie lui rend hommage devant l'atelier de sculpture à l'Académie des Beaux-Arts de Kinshasa. 

 

Matthias Turcaud