Jean-Joseph RABEARIVELO, découvrir le romancier caché derrière le poète
no comment éditions
L’Interférence, le roman historique et critique d’une caste noble malgache
Jean-Joseph Rabearivelo a marqué les débuts de la littérature francophone.
Ce poète malgache a été publié à partir de 1924 alors que d’autres auteurs francophones issus du continent africain ne l’ont été qu’à partir des années 40. Il a vécu du début des années 1900 jusqu’en juin 1937.
On le connait surtout pour sa « poétique de la traduction » que l’on retrouve dans ses recueils Presque-Songes et Traduit de la Nuit. Les poèmes écrits en malgache ainsi qu'en français sont remarquables.
Cet homme de lettres était à la fois poète, historien, traducteur, critique mais aussi romancier. Son roman intitulé L’Interférence, écrit au début des années 30 mérite le détour, l’auteur nous a laissés un livre qui alimente nos connaissances et notre réflexion sur la Grande île.
Il s’agit d’une immersion dans l’histoire et la culture malgache depuis l’époque de Ranavalona Ière (1828-1861) jusqu’à l’abolition de la monarchie malgache (1895). L’auteur raconte le devenir d’une famille noble issue des Hautes terres centrales.
La ruine de cette famille et le devenir de l’un de ses héritiers apparaissent comme le résultat d’une situation politique défavorable et d’une éducation caractérisée par des privilèges. Le roman prend fin avec la mort de la noblesse pour cause d’avidité. En effet, l’un des personnages principaux, Baholy se tue par accident en tentant de noyer son amant, celui-ci était également d’origine malgache, mais d’un rang inférieur au sien.
Jean-Joseph Rabearivelo nous amène à considérer la politique, la religion, le sens de la famille, l’éducation des enfants de nobles, le traitement des esclaves, ainsi que le nationalisme.
Par ailleurs, Jean-Joseph Rabearivelo nous livre certains de ses points de vue. La religion qu’il désigne comme une arme d’acculturation et qu’il annonce comme le début de la colonisation. Mais il définit aussi toutes formes de religion (chrétienne ou encore animiste) par le terme « secte ».
Il faut dire que dans cet ouvrage, il est parfois difficile à suivre. Comme lorsqu’il s’exprime sur l’esclavagisme qu’il décrirait presque comme un fait naturel lié à l’époque. Pourtant, son aversion pour la noblesse semble l’emporter à la fin du roman. L’on peut se demander si l’auteur cherche à viser un rang social au profit d’un autre, une religion en comparaison à une autre. A moins que pour lui, il fallait que tous ces concepts soient critiqués.
L’Interférence se lit comme un premier roman inachevé. Un peu comme un brouillon qui ne devrait pas encore être lu par le public. Cet ouvrage n’est pas un chef d’œuvre de la littérature francophone. Néanmoins, il s’agit d’un joyau de la littérature malgache car c’est un récit qui ramène à une époque lointaine déterminante pour le peuple malgache. Mais surtout, c’est dans un français particulier et recherché que Jean-Joseph Rabearivelo évoque de manière formidable sa fidélité à ses origines.
C’est un roman qu’on ne peut pas mettre délibérément entre toutes les mains, il mérite d'être présenté avec des explications à l’appui ainsi que des données issues des « Calepins bleus » de l’auteur. En effet, si ce roman nous dresse un portrait peu appréciable de Jean-Joseph Rabearivelo, les calepins apportent des explications.
ZOOM
Les journaux intimes de Jean-Joseph Rabearivelo
Les "Calepins bleus" sont les journaux intimes de Jean-Joseph Rabearivelo.
Ils ont été publiés sous le titre Jean-Joseph Rabearivelo, Œuvres complètes. Le second et dernier tome présente l’auteur sous différents aspects.
Lui qui était fou de poésie, avait traduit en malgache des auteurs français mais aussi traduit en français de la poésie provenant de plusieurs régions de Madagascar. Traduire pour que chacun puisse profiter de la poésie de l’autre avec sa culture, sa vision du monde ou encore sa sensibilité.
Jean-Joseph Rabearivelo était un passionné de littérature ainsi qu’un humaniste. C’était un avant-gardiste, son choix d’écrire dans deux langues était une chose exceptionnelle à son époque, au point d’être mal vu. Il s’agit même de l’une des causes de son suicide survenu le 22 juin 1937, qu’il décrit lui-même dans les Œuvres complètes.
Niry Ravoninahidraibe