Comment avez-vous décidé de devenir musicien ?
Kandiafa : Je viens d'une famille de griots. Mon père est griot, ma mère aussi, tout le monde chante dans la famille. Mon père, mon oncle et mon frère jouent du n'goni. Je suis né dedans, c'est ça qui m'a permis de commencer.
Pour devenir un artiste j'ai dû travailler, écouter des musiques différentes. De la musique française, américaine, du jazz manouche, du blues, du rock. Ce sont des style que j'aime beaucoup même si ce n'est pas toujours facile. J'écoute la musique, je m'adapte jusqu'à ce qu'il en sorte un disque.
Comment l'inspiration pour une chanson vous vient-elle généralement ?
Kandiafa : L'inspiration vient plus à moi que je ne vais à elle. Souvent au réveil, quand je suis dans mon lit dans le calme. Et également lors des jams avec d'autres musiciens.
Dans quelles circonstances votre album "Mali Country Remix" a-t-il vu le jour ?
Kandiafa : On a réfléchi et mon manager Vincent Dorléans du label Sans Commentaire m'a parlé de Saint-Germain. Il aimait beaucoup ses morceaux, on a essayé et j'ai vu que ça donnait quelque chose. Nous avons continué sur cette lancée et cela a donné naissance à un très bon album de remix !
Pouvez-nous vous parler de vos collaborations avec Eva Slongo et Fabricio Nicolas ?
Kandiafa : Cette collaboration a aussi été initiée par Vincent. Eva Slongo et Fabricio Nicolas ont soutenu le projet "Mali Country Remix", ce sont des musiciens formidables. Ils connaissent la musique jazz manouche et cet aspect a été déterminant dans la construction de l'esthétique générale, nous voulions avoir une instrumentation à la fois country, manouche, au final ce trio de cordes s'imposait.
J'ai été tres heureux d'entendre Eva (que je n'ai rencontré que plus tard à Paris) car elle a ouvert le chant mélodique des titres à sa façon, ce qui m'a poussé à aller plus loin dans mes créations.
Vous semblez avoir une relation très fusionnelle avec votre instrument favori, le djeli n'goni.
Kandiafa : C'est un instrument incroyable qui produit un son qui fait du bien aux gens. Depuis mon enfance je regarde beaucoup de vidéos pour apprendre. Cela m'a donné l'amour du n'goni qui est vraiment respecté au Mali et difficile à jouer.
Mais lorsque tu commences tu comprends comment l'apprivoiser, et il me donne de nouvelles inspirations tout le temps. L'instrument par sa conception permet de créer une musique unique qu'on ne peut pas transposer sur d'autres instruments. J'aimerais que plus de gens fassent connaissance avec le djeli n'goni qui est actuellement en plein essor (j'enseigne beaucoup à des étrangers qui viennent spécialement au Mali).
Comment s'est passé le tournage de "Kele Magni" ? Pourquoi le choix du noir et blanc ?
Kandiafa : Aujourd'hui la situation dans mon pays est compliquée. « Kele Magni » signifie en bambara « La guerre n'est pas bonne ». D'où les peintures blanches dont les signes en bogolan représentent des symboles de paix. Elles racontent l'histoire du morceau.
J'affirme par là même mon identité, et l'identité de ma musique (tout en étant métissée) car le bogolan est l'art graphique de mon pays. Nous avons voulu détourner le travail de Keith Haring, mais avec nos codes, afin de tendre vers un message universel.
Quels artistes vous ont-ils nourri en particulier ?
Kandiafa : Je ne pourrais pas citer un artiste en particulier mais j'écoute beaucoup de blues notamment celui de Tony Rice en ce moment ainsi que de la country music ou Django Reinhardt. Dernièrement j'écoutais George Benson pour injecter ce son dans le n'goni. Mon instrument offre peu d'accords mais on peut transposer les sonorités d'autres musiques, c'est sa force.
Quel regard portez-vous sur la scène musicale malienne actuelle ?
Kandiafa : Il y a beaucoup d'artistes talentueux au Mali, je suis un peu à part car je crée à la façon occidentale - contrairement à mes collègues. Personnellement je bénéficie d'une belle reconnaissance comme musicien ;) mais les gens ne connaissent pas mon travail à l'étranger. Je veux poursuivre mes activités autant à l'étranger qu'au Mali et toujours transmettre ma tradition.
Quelles sont les principales raisons qui vous font jouer ?
Kandiafa : La musique vient de notre famille. On n'a pas d'autre boulot, c'est ce que l'on fait pour se nourrir. Et le dimanche on joue ensemble chez nous. Mais j'ai pensé à une façon d'améliorer le djeli n'goni pour lui donner une nouvelle image et mettre un peu de moi-même dedans.
Qu'est-ce que la musique vous apporte dans votre vie ?
Kandiafa : C'est une passion, ce que j'aime dans la musique c'est avant tout d'en jouer en live. Elle m'a beaucoup apporté et j'y ai trouvé beaucoup de choses. Elle m'a permis aussi de voyager en France, aux Etats-Unis, en Israël, au Japon, en Corée, au Canada... et d'y faire connaître la musique malienne.
ZOOM
Le choix du bambara
Pourquoi le choix du bambara ?
Kandiafa : Ce n'était pas un choix conscient, mais ajouté au bogolan ils mettent en avant la culture mandingue que je viens métisser avec la country music.
Je fais des mélanges pour montrer aux gens que l'on peut harmoniser les genres.
Matthias Turcaud