En novembre 2015, la radio Kalangou à Niamey cherchait des musiciens pour créer vingt-sept morceaux en trois jours. Les membres du futur groupe ont relevé le défi et ont tous poursuivi l'aventure - à l'exception de deux.
Studio Shap Shap porte ainsi bien son nom, puisque "Shap Shap" renvoie à un travail "vite fait, bien fait" : tout un programme !
Surtout que la célérité n'exclut pas les idées, loin de là, se fondant sur un mélange assez inédit d'instruments traditionnels nigériens - tels que le douma, le molo, le komssa ou le kalandou - avec d'autres plus internationaux, à l'image du piano ou de la guitare basse.
A ceux-là s'ajoutent encore, de surcroît, le kindé, un instrument tchadien à huit cordes - un Tchadien faisant d'ailleurs partie des musiciens ; ainsi que des sons électroniques ou des samples rythmiques, imputables à la réunionnaise Laetitia Cécile, qui complète le groupe - comprenant aussi quatre Nigériens. On retrouve de même le balafon, la calebasse et les maracas ; de la parole ou des textes.
Des bruits de nature sont également inclus - que ce soient des cris d'oiseaux ou des manifestations de la circulation comme du marché à Niamey. Les chœurs d'enfant ont pareillement droit de côté, à l'instar de la chanson "Indépendance", qui leur fait la part belle.
Surgit donc un cocktail bigarré, hétérogène et coloré, où plusieurs types de sons se côtoient joyeusement, et une alchimie assez magique voit le jour, au confluent d'influences diverses, dont on a pu clairement s'apercevoir via leur premier album "Château 1", sorti en 2016 chez le label "Indépendant".
Ce premier opus très réussi prouve joliment que le groupe Studio Shap Shap a plusieurs cordes à son arc, tout comme à ses différents instruments !
"Château 1" surprend par son heureuse diversité, et convainc par sa vitalité contagieuse. Il laisse aussi apparaître deux préoccupations majeures du groupe : chanter le quotidien - le huitième titre s'intitule de sorte "hari yeno", qui signifie "eau fraîche" en zarma -, et célébrer l'Afrique ainsi que le panafricanisme - "Dis-moi", le deuxième morceau, reprenant par exemple un texte de David Diop nommé "Afrique mon Afrique", de même qu'un discours de Thomas Sankara.
La variété, pour finir, se retrouve dans les différentes langues utilisées : hausa, zarma, français...
Au vu de son histoire et de la musique si originale qu'il propose, Studio Shap Shap devient l'incarnation d'une débrouillardise accrue et exhale un vent de fraîcheur ravigotant. Surtout, il rappelle que tout mélomane se doit de savoir situer le Niger sur une cartographie musicale !
A Africajarc, en cette année 2019, le groupe se produira sur la scène du faubourg le samedi 20 juillet à 18 h.
ZOOM
Le Niger, terre fertile en musiques diverses
Musicalement, le Niger s'impose sans conteste comme un territoire très riche et fécond, ayant, entre autres, abrité les expérimentations au synthétiseur de Maman Sani Abdoulaye, ou le psyché rock d'Azna de L'ader, dans les années 1970.
Plus récemment, on peut citer, au même titre, Kel Assouf, dont nous avons parlé sur nos pages.
Oumarou Adamou, d'ailleurs, vétéran du Studio Shap Shap, et spécialiste des instruments nigériens tels le douma, le komssa, ou le molo, incarne à lui seul la sidérante richesse musicale de ce pays.
A noter, enfin, le Musée des instruments de Niamey et sa collection de plus de 150 instruments, provenant de toutes les régions et fabriquées par toutes les ethnies du Niger.
Matthias Turcaud