Figurant parmi les Commissaires de la Biennale de Dakar en 2006, Olabisi Silva fut également la directrice générale des Rencontres photographiques de Bamako en 2015, et a également fondé, en 2007, sa propre galerie, le Centre d'art contemporain, à Lagos.
Les éloges ont fusé après sa disparition, pour rendre hommage à cette médiatrice dont les qualités humaines, le courage, le flair et l'ouverture d'esprit ont été fortement salués. Depuis les Etats-Unis, Olu Oguibe déplore une "perte monumentale", tandis que l'Arthouse Contemporary Limited à Lagos salue "une femme phénoménale".
Elle disait : "Le secteur de l'art contemporain en Afrique doit d'abord se comprendre lui-même, et se mettre en valeur en développant des infrastructures locales et régionales. Il doit également produire davantage de réflexion sur ses activités. La dépendance vis-à-vis du Nord est étouffante. (...) Je suis convaincue que faire entendre nos propres voix grâce à la multiplication d'espaces, d'organisations et de collectifs nouveaux dans la région et à travers tout le continent est un important début."
Dans son centre, elle avait notamment accueilli des expositions dédiées au célèbre photographe nigérian Ojeikere, au sculpteur ghanéen El Anatsui, ou encore d'autres artistes locaux, tels qu'Adolphus Opara, Ndidi Dike, George Osodi, Lemi Ghariokwu, ou Lucy Azuibuike.
Au début des années 2000, seules la peinture et la sculpture avaient droit de cité au sein du marché de l'art nigérian. A Olabisi Silva revient le mérite d'avoir su imposer d'autres formes d'expression artistique, que ce soient la performance, l'installation, les expérimentations visuelles ou auditives, ainsi que la photographie, qui n'avait pas encore sa place à l'époque.
De concert avec la Mydrim Gallery, Olabisi Silva a aussi organisé une série de conférences à l'IVAC (Institute of Visual Arts and Culture), au cours desquelles elle a pu inviter des figures aussi éminentes que l'historien de l'art d'origine caribéenne Eddie Chambers, l'historien de l'art et conservateur de musée nigérian Chika Ogege-Agulu, ou le conservateur ivoirien Yacouba Konate.
Hyperactive, elle a, de même, contribué à plusieurs revues d'art, telles qu'Art Monthly, Untitled, Third Text, M Metropolis, Agugon, THISDAY, ou N Paradoxa.
Son collaborateur Iheanyi Onwuegbucha raconte que, même sur son lit de mort, Olabisi Silva continuait à prodiguer, infatigablement, conseils professionnels, encouragements et soutien financier ou psychologique à tous ceux qui pouvaient en avoir besoin ; et souligne à quel point elle était présente et attentive pour les apprentis conservateurs du Nigéria.
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Le grand Ojeikere
Connu notamment pour ses portraits de femmes tressées en noir et blanc, J. D. Okhai Ojeikere (1930-2014) est une figure majeure de la photographie africaine.
Olabisi Silva a organisé plusieurs expositions consacrées à ses oeuvres, aux Etats-Unis et au Nigéria, mais aussi en Finlande.
"Les coiffures sont de l'art. Elles font partie de notre culture. Je voulais les photographier pour en garder la mémoire", avait-il dit en 2012.
Matthias Turcaud