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FILENTRE, le reggaeman panafricain
"Maintenant, quand je monte sur scène à Conakry, on me présente comme guinéen"
"Continue le combat, pour écrire ton histoire. Continue le combat, car tu n'as jamais cessé d'y croire"
Le reggaeman originaire de Montpellier est tombé amoureux de l'Afrique et vient de signer l'album "Inou Wali", fruit de trois années de voyages, de rencontres et de collaborations.
Comment l'intérêt pour l'Afrique vous est-il venu ?
Filentre : C'est d'abord Bob Marley et son album Survival qui m'a fait tourner le regard vers ce continent. Depuis, j'ai toujours voulu y aller, mais je n'avais encore jamais osé franchir le pas.
Plus tard, en tombant sur une vidéo du groupe Banlieuz'art de Guinée Conakry, je suis tombé sous le charme de leur musique, de leurs voix et j'ai décidé de les contacter. Après une première rencontre en France, ils m'ont invité à Conakry pour le festival Urban Afreeka, c'était ma première fois en Afrique. J'y ai découvert une autre culture, un autre « monde », un public et j'en suis tombé amoureux.
Que veut dire "Inou Wali" ? Comment cet album a-t-il vu le jour ?
Filentre : Inou Wali signifie "merci" en langue Soussou, une langue parlée en Guinée. C'est un remerciement pour tout ce que l'Afrique m'a apporté : une nouvelle façon de voir le monde, beaucoup de chaleur humaine et aussi cet album.
On a enregistré les titres à Bamako dans le studio du célèbre Manjul qui a travaillé avec de nombreux artistes reggae (Danakil, Takana Zion, Skatalites). Pour la musique, je me suis entouré des Siman Roots. Ce sont les musiciens ivoiriens qui travaillent avec Tiken Jah Fakoly notamment dans son club Radio Libre. J'avais l'impression d'avoir les Wailers avec moi.
Cet album c'est trois ans de travail et de voyages entre la France et l'Afrique. J'y ai mis tout mon cœur.
Vous avez collaboré sur cet album avec de grandes icônes du continent. Merci d'évoquer chacun d'entre eux, comment la collaboration est née et comment elle s'est passée. Takana Zion ?
Filentre : Takana Zion est un artiste reggae guinéen incontournable. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois au fil de mes nombreux voyages en Guinée. Nous sommes devenus amis et ce featuring est venu naturellement.
Sidiki Diabaté ?
Filentre : Le maître de la kora, digne héritier de son père Toumani Diabaté. Avec Sidiki nous nous sommes croisés à Bamako et nous avons quelques amis en communs. Pour le titre "De Là Haut", je souhaitais ajouter de la kora, instrument traditionnel mandingue. J'avais besoin de rajouter des couleurs africaines à ma musique. Je suis allé voir Sidiki chez lui à Bamako et, après avoir écouté le morceau, il a accepté de faire parler son talent.
Enfin, Tiken Jah Fakoly ?
Filentre : C'est un grand honneur d'avoir réalisé un titre avec l'icône du reggae africain Tiken Jah Fakoly. On s'est rencontré à plusieurs reprises dans son club Radio Libre à Bamako, où je me suis produit en Live.
Puis, j'ai profité du festival historique mandingue à Siby pour enregistrer un son avec une partie des musiciens de Tiken venus pour le festival. Plus tard je lui ai fait écouter ce titre ("La Marche") et il a tout de suite adhéré.
Pouvez-vous nous parler du titre "La Marche" et de son clip, puissant et réussi ? A-t-il été difficile à réaliser ? Avez-trouvé facilement les participants ?
Filentre : Merci. Ce n'est jamais facile de réaliser un clip de ce genre. Il fallait trouver une rue pavée que nous devions bloquer, des fumigènes, un pick up, une équipe drone, et le plus de participants possible. C'était un travail intense mais, heureusement, j'ai pu compter sur le soutien de mes amis, du maire du quartier, de la population et aussi de Tiken qui a été très dévoué.
L'illustration sur la pochette de votre album est très belle et parlante. A qui la doit-on ? Saviez-vous ce que vous vouliez ou est-ce la libre proposition d'un artiste ?
Filentre : En fait, j'ai pris la photo. L'idée m'est venue lors d'un déjeuner avec une amie qui portait ce collier. J'y ai vu la pochette de mon album, une représentation de l'Afrique. La féminité, les couleurs, le teint de la peau, j'ai tout de suite su que c'était ça que je voulais. Une séance photo plus tard, le visuel était là.
Votre ressenti sur les scènes musicales dans les autres pays que vous avez visités : la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Mali.
Filentre : Le Sénégal et le Mali sont les premiers pays qui ont suivi après la Guinée. En 2013 j'ai fait ma première tournée africaine dans ces trois pays.
A Dakar, j'ai pu jouer à l'Institut Français ainsi qu'au club Just 4 U et rencontrer de grands artistes tels que Daara J Family ou Didier Awadi.
Quant au Mali, c'est un pays qui m'a beaucoup touché notamment la gentillesse de la population. Une atmosphère particulière mêlée de chaleur, de poussière et de belles rencontres : Tiken, Manjul et les musiciens. C'est à Bamako que j'ai donc décidé, plus tard, de réaliser mon nouvel album.
La Côte d'Ivoire est arrivée bien après, en 2018. En fait, je crois que j'attendais d'être prêt pour « affronter » le pays africain du reggae. J'ai eu la chance de me produire au célèbre club reggae Parker Place où ont joué les plus grands. En décembre dernier, j'y suis retourné pour deux festivals, c'était génial !
Comment avez-vous écrit vos textes, composé vos morceaux ?
Filentre : Les mélodies me viennent en premier, souvent à l'improviste, au détour d'une soirée ou d'une rencontre. Je compose avec ma guitare puis les arrangements viennent ensuite.
Pour les textes, je me suis inspiré de mes expériences en Afrique. Le voyage, l'exil, le combat d'un peuple pour ses droits, sont les thèmes que j'aborde dans cet album. Je travaille d'abord seul les premiers jets, puis un ami parolier, Jean-Paul Bonfils, apporte son regard averti sur mes textes.
Filentre entouré des musiciens avec qui il a enregistré "La Marche".
De gauche à droite : Filentre, Roger Le Vent, Manjul Souletie, Vi Avelino, David JnoBaptiste, Marco Sly
D'autres projets en liens avec des pays africains prochainement ?
Filentre : Des concerts principalement. La prochaine étape en Guinée c'est un concert dédicace. En Côte d'Ivoire, on va continuer sur les festivals en espérant faire le prochain Abi Reggae. On va aussi essayer d'élargir vers d'autres pays comme le Nigéria, le Burkina Faso sans oublier un retour vers le Sénégal et le Mali. Beaucoup de choses à venir. La musique, notamment le reggae, a ce pouvoir de traverser les frontières.
ZOOM
Festivals inoubliables en Guinée
Vous avez joué au Festival Urban Africa et au Fristival, respectivement devant 25 000 et 20 000 personnes. Pouvez-vous nous parler de ces deux expériences, certainement galvanisantes et riches en émotions ?
Filentre : Ce sont des moments inoubliables. Les concerts en Guinée réunissent des milliers de personnes, notamment quand mes amis Banlieuzart sont de la partie.
Au début, c'était un véritable défi pour moi, mais le public a tout de suite aimé ma musique et s'est mis à chanter, danser, ce qui m'a donné de vrais frissons.
Petit à petit, les Guinéens ont commencé à me connaître, me suivre et aujourd'hui nous entretenons une relation solide. Maintenant, quand je monte sur scène à Conakry, on me présente comme un Guinéen.
Matthias Turcaud