Rencontres avec le VAUDOU autour de quatre photos
Entretien avec Rémi Hostekind à l’occasion de l’exposition MATIERES À FAIRE DE L'ESPRIT autour de la culture africaine Vodoun du Bénin.
Le photographe Rémi Hostekind expose actuellement à Antony à la Maison des Arts jusqu'au 28 octobre 2018.
Il nous fait partager sa démarche et ses découvertes qui sont uniquement d’ordre artistique et ne se considère pas comme étant un spécialiste du vaudoun.
Rémi Hostekind, vous êtes un photographe qui avez beaucoup voyagé dans le monde et principalement en Afrique. Quelle est l’histoire de cette première photo ?
Rémi Hostekind : Elle a été prise dans le petit village de Sêhomi, non loin de Possotomè au lac Ahémé à l’entrée de la forêt sacrée. Les petits legbas sont placés à côté d’une maison, tandis que ce grand legba, lui, est à l’entrée du village. Les legbas, quand on s’y intéresse, on en trouve partout.
Ce sont des divinités vaudoues qui seraient des enfants de la divinité suprême Mawu (principe féminin) elle-même complémentaire de Lissa (principe masculin). Son nom signifie que rien ne peut la dépasser. Le legba joue un rôle de médiateur et permet de communiquer avec le divin. C’est aussi un Dieu farceur, qu’il faut se concilier, c’est pourquoi on lui donne les offrandes en premier.
Et l’histoire de celle-ci ?
Rémi Hostekind : Je l’ai prise lors de mon deuxième voyage en 2013. Il s’agit encore de trois legbas domestiques cette fois car ils gardent une habitation.
Lors de mes voyages, j’ai été bouleversé par le vaudou et, du coup, je me suis intéressé et je me suis documenté. Ici, on peut y voir des legbas ayant reçu des offrandes. Ce sont les taches encore blanches qui montrent qu’il y a eu un sacrifice récent.
Les sacrifices sont des sacrifices d’animaux, pour « nourrir » le fétiche. On présente l’animal - une chèvre ou un poulet - à la personne qui fait la cérémonie. On lui donne à manger ou à boire et le fait de refuser cette nourriture est le signe que le fétiche ne veut pas de ce sacrifice-là. Il faut alors apporter un autre animal.
Ce sont des initiés qui font les sacrifices, mais ça dépend de la région. Tous ces différents cultes se sont retrouvés à Ouidah, qui était le port d’embarquement des esclaves. Mais d’après les spécialistes, le vaudou au Bénin se trouve essentiellement au sud du pays.
Quel rôle joue la transe dans le vaudou ?
Rémi Hostekind : Elle joue un rôle fondamental.
La transe correspond a des rythmes spécifiques joués par les tambours sacrés qui ont pour but de la susciter. J’ai vu des danseurs ou des danseuses en transe, mais, cela ne semble pas aller forcément de soi car j’ai aussi vu des initiés s’entraînant à se mettre en transe.
Cette femme, est une initiée lors d’une cérémonie. Elle se repose en s’appuyant sur un legba. Elle peut tomber d’épuisement, comme une sorte de catalepsie, et quelques instants plus tard, se remettre à danser comme si de rien n’était.
Je ne sais pas s’ils prennent des substances particulières, mais ils boivent de l’alcool, souvent du Sodabi, boisson tirée de la distillation du vin de palme et qui serait un équivalent de notre rhum agricole. Sinon, j’ai aussi remarqué une particularité du culte de la Mami Wata qui réclame pour cela du Gordon gin exclusivement et des cigarettes. En fait, c’est l’esprit qui habite l’initié et qui réclame boisson et tabac.
À quoi reconnaît-on un initié ?
Rémi Hostekind : Les féticheurs sont des personnes que rien, a priori, ne distingue des autres.
J’ai vu une personne – qui était habillée comme tout le monde – et qui lors de la danse sur une rythmique précise, tomba comme si elle avait une crise d’épilepsie. Tout de suite, des aides qui se jetèrent sur elle, lui enlevèrent ses vêtements du haut pour lui passer une espèce de robe de fibre tout en la recouvrant d’une espèce de poudre semi-liquide blanche et ocre. C’était, en fait, un initié qui, comme tous les initiés avait fait son apprentissage dans un couvent.
Le choix se ferait dès le plus jeune âge ?
Rémi Hostekind : Effectivement. J’avais vu un jour des gamines habillées comme des prêtresses de la Mamy Wata et j’ai posé la question du pourquoi de leur costume. On me répondit que c’était décidé dès la naissance. Les parents vont voir le devin – le bokonon – qu’ils appellent communément « charlatan », mais cela sans aucune nuance péjorative, comme nous la connaissons en France.
C’est la personne qui a la connaissance de l’avenir. Il indique la voie que l’enfant présenté devra suivre, là en l’occurrence celle du culte de la Mamy Wata. Chaque culte vaudou implique aussi des interdits alimentaires, prohibant tel type de nourriture plutôt que tel autre, interdits que l’on ne peut transgresser sans conséquence dans sa vie.
Que signifie pour vous cette scène impressionnante ?
Rémi Hostekind : C’est le Kokou. C’est un culte vaudou de la guerre. L’homme a un couteau et fait mine de se trancher la gorge, mais sans conséquence pour lui, car il ne se coupe pas, alors que quelques minutes auparavant, il sectionnait une branche sans problème avec - semble-t-il - la même lame.
On peut penser tout ce que l’on veut, y compris que ce sont peut-être d’excellents illusionnistes. Dans tous les cas, c’est spectaculaire.
Il peut aussi prendre son bracelet, le passer à quelqu’un qu’il va choisir dans le public et qu’il allonge par terre sur des feuilles. Il se met alors à le cisailler de son couteau, mais sans dommage, car apparemment protégé par le bracelet. Tout se passe aussi comme si la transe rendait la personne insensible à la douleur.
Ce qui m’intéressait ici, en tant que photographe, c’était de capter et restituer l’énergie qu’il me renvoyait.
Comment voir et découvrir ces cérémonies ?
Rémi Hostekind : Il y a plusieurs types de cérémonies. Le vaudou a été interdit pendant la période marxiste-léniniste, mais il a perduré malgré tout et s’est transformé en fête. En effet, le 10 janvier est devenu – sous l’impulsion du président de l’époque Nicéphore Dieudonné Soglo – la fête nationale du vaudou au Bénin. C’est « une fête nationale des religions endogènes » avec, entre autres, le vaudou. Chaque groupe ou confrérie, si l’on peut les appeler confrérie, s’y retrouvent,.
Il y a des manifestations dans la rue ou dans des stades pleins à craquer où chacun montre son savoir-faire. Ces évènements sont très populaires au Bénin et assez impressionnants.
ZOOM
Un article tiré de notre confrère Cotonou.com
« Les adeptes du culte vodoun de l’Ouémé ont célébré, ce mercredi 10 janvier sur leur site départemental de Malanhoui à Adjarra, la fête nationale des religions endogènes. Le clou de la cérémonie de lancement officiel a été la consultation publique de l’oracle pour fouiller sous quel signe de Fâ sera l’année 2018.
“Losso-mèdji”, c’est le signe de Fâ révélé par l’oracle consulté publiquement par les grands prêtres de Fâ du département de l’Ouémé pour savoir sous quel aspect se présente l’année 2018. Cette consultation de l’oracle a planté le décor de la cérémonie de lancement officiel au niveau départemental, des festivités de la vingt-quatrième édition de la fête des religions endogènes du Bénin. Ce signe “Losso-mèdji” ne présage pas d’un bon augure tant pour le Bénin en général que pour le département de l’Ouémé en particulier, interprète le prêtre du Fâ qui a dirigé la consultation. Ce signe annonce des foyers de tension, de colère et de beaucoup de blocages au sein de la population. Toutes choses qui ne sont pas de nature à renforcer la paix, consolider la cohésion sociale et booster le développement du Bénin.
Le prêtre du Fâ ne s’est pas arrêté seulement à la consultation. Il a interrogé les divinités qui ont recommandé certains sacrifices et prières à faire pour conjurer “ce mauvais sort” et pour une année apaisée. Ce qui a été fait sur place. Les ingrédients ont été achetés et les rituels réalisés sur place devant tout le public. Le prêtre du Fâ félicite tous ceux qui de près et de loin ont mis la main à la poche pour que soit réalisé ce sacrifice. Mais il n’a pas manqué d’appeler les populations et surtout les travailleurs de tous ordres à mettre de l’eau dans leur vin et à cultiver les valeurs de paix, de patience et de tolérance en toute circonstance pour garantir une année 2018 apaisée… »
Jean-Pierre Lecocq