GENEVIEVE MATIBEYE, "pleureuse de la chanson" tchadienne
Geneviève Matibeye se distingue par sa voix très douce, enveloppante, caressante et pleine d’émotions, qui apaise et apporte beaucoup de sérénité.
Nous avons la chance de rencontrer Geneviève Matibeye à N’Djaména entre deux concerts.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Geneviève Matibeye : Je suis une artiste musicienne tchadienne. Beaucoup de gens m’appellent « une pleureuse de la chanson ». Je fais de la musique de recherche.
Comment l’envie de devenir artiste vous est-elle venue ?
Geneviève Matibeye : En fait je suis issue d’une famille chrétienne. Mon père était diacre de l’église, ma mère une choriste de l’église. Généralement, à la maison, on chante à tout moment. J’ai toujours admiré les chorales. J’étais fascinée par les harmonies, par ce que j’entendais. Etant petite déjà je ressentais l’émotion des gens pendant qu’ils chantaient dans les chorales.
Très vite j’ai commencé par la chorale « Pépinière », puis j’ai intégré la grande chorale, j’ai suivi des formations, des techniques de chant. Au fur et à mesure, la passion de faire de la musique est venue. J’étais d’abord choriste, j’accompagnais des artistes sur scène, puis, avec le temps, je me suis perfectionnée. Beaucoup de gens m’ont encouragée, et en 2012 je me suis lancée dans une carrière solo. J’écris, je compose et je chante mes chansons.
Vous êtes soprano ?
Geneviève Matibeye : Soprano, mais en studio je peux faire toutes les harmonies, alto dans les chœurs, ténor…
Sur quoi écrivez-vous ? Quels sont les thèmes qui vous tiennent à cœur ?
Geneviève Matibeye : Sur les actualités, ce qui arrive au quotidien. J’écris sur ce que je vis dans mon milieu, sur ce que je vois, ce que j’entends, le social. Je chante l’enfant, la femme, tout ce qui se trouve autour de moi je l’écris et je le chante.
Le rapport avec le public est-il important pour vous ?
Geneviève Matibeye : La chaleur qu’un public peut apporter est importante. On peut échanger et partager avec lui, et chanter en « live » ça me fait toujours plaisir. En studio, je mets aussi tout mon cœur, mon âme, mon esprit, comme je sais que des gens écouteront après. Je mets beaucoup d’émotions dans mes chansons, je voudrais que mes chansons guérissent l’âme de la personne qui les écoute.
Des chanteuses ou des chanteurs vous ont-ils inspirée tout au long de votre parcours ?
Geneviève Matibeye : Oui, beaucoup. Miriam Makeba, Angélique Kidjo, Salif Keita, Richard Bona, Lokua Kuanza, tous ces artistes africains, même des artistes tchadiens comme Diego. C’était un grand artiste - paix à son âme, il est décédé -, et il m’a beaucoup inspirée, car il fait purement de la musique traditionnelle. Je m’identifie à eux tout en faisant mon propre petit bout de chemin.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours depuis 2012 ? Les endroits où vous avez chantés ?
Geneviève Matibeye : J’ai chanté dans beaucoup d’endroits, j’ai eu aussi la chance de participer à des festivals : par exemple au Cameroun, à Pointe-Noire au Congo, à Abidjan deux fois aux Jeux de la francophonie… D’ici quelques jours je retourne à Pointe-Noire pour un festival.
Comment, de l’intérieur, voyez-vous la situation des chanteuses et des chanteurs au Tchad ? Pensez-vous qu’elle va s’améliorer ?
Geneviève Matibeye : Je sais que ça va changer. Il suffit juste que quelque chose se déclenche, et les portes vont s’ouvrir. En attendant, on doit toujours continuer à travailler. On ne peut pas savoir quand ça arrivera, mais un jour ça explosera. Quand on écoutera une chanson quelque part au bout du monde, on se demandera « Mais elle vient d’où ? », et on saura qu’elle vient du Tchad.
ZOOM
" Elle vient du Tchad "
L’accueil du public a-t-il été différent à l’étranger ?
Geneviève Matibeye : Quand je sors du Tchad, les gens découvrent ma musique et sont étonnés qu’elle vienne du Tchad. Ils se posent des questions et disent « On ne savait pas que la musique du Tchad était si généreuse et douce. » Ils sont toujours surpris et en veulent toujours plus.
Quand ils disent « Elle vient du Tchad », c’est ma fierté, je suis fière de ce que je fais.
Propos recueillis par Matthias Turcaud à N’Djaména le 31 mai 2018