BAL POUSSIERE, comédie culte du Guinéen Henri Duparc
“ Finis de te déshabiller, tu viens, je vais te (…) secouer un peu. - Tu vas me quoi ? Me secouer ? On t'a dit que je suis un cocotier ?”
Cette comédie ivoirienne du guinéen Henri Duparc s'est vue auréolée d'un chaleureux accueil critique comme d'un double prix au Festival d'humour de Chamrousse, et ce à juste titre.
Des thèmes sérieux comme la polygamie, les riches qui se croient tout permis ou le rejet de l'instruction y sont traités sur un mode résolument léger et vivifiant.
C'est drôle et on y rit. Une musique entraînante vient ponctuer les saillies comiques, comme lorsque Demi-Dieu lance à une de ses épouses qu'il ne lui a pas dit de “transformer ses plats en plantations de piment”. Les détournements d'éléments culturels européens donnent lieu également à des scènes truculentes, comme l'élaboration assez particulière d'un coq au vin ou une traduction approximative de “Besame Mucho”. “F comme Pharmacie, A comme Habitat” épelle aussi un commerçant blanc au téléphone...
Bien sentis, les dialogues, nombreux sans être envahissants, interpellent ou amusent, mis en valeur de surcroît par le débit assez lent et détendu des comédiens comme un heureux sens de la formule : “Dans ton village tu es peut-être Demi-Dieu, mais ici tu n'es que 2 % de Dieu”.
Les caractères aussi, dessinés en quelques traits efficaces, générent le comique : le “sapeur” au noeud papillon ayant étudié en France ou les différentes femmes qui rivalisent pour obtenir les faveurs de leur époux commun, sabotant un plat avec du savon liquide ou beaucoup (trop) de sel.
A travers leur mari, un dénommé “Demi-Dieu”, coureur de jupons insatiable ayant fait fortune grâce à des plantations d'ananas, marié à cinq femmes mais en voulant encore une sixième, Henri Duparc fustige, par les armes jumelées de l'humour et de la satire, une attitude et un type social délétères.
Pour un Occidental, les amours des deux jeunes premiers contrecarrés par le vieux mari aigri peuvent évoquer une pièce de Molière, auquel le scénariste et réalisateur ivoirien fait également penser en mêlant le comique, une indéboulonnable gaieté avec un regard avisé sur la société dont il se fait le portraitiste.
Bal Poussière doit beaucoup aussi au charme de ses comédiens, en premier lieu l'irradiante Hanni Tchelley qui joue Binta la rebelle et dont la caméra de Bernard Dechet capte avec justesse la verdeur et l'appétit inaltéré pour la vie.
Les plans-séquences qui prennent leur temps et les travellings à Abidjan ou au village d'Adiaké octroient enfin un cachet documentaire au film, faisant découvrir buildings, dancings, stands de marchés ou commerces au moment du tournage en 1988.
ZOOM
Henri Duparc, un grand monsieur de la comédie africaine
Après une double formation à l'Institut de la Cinématographie de Belgrade et à l'IDHEC (ancienne FEMIS), il part en Côte d'Ivoire qui deviendra sa terre d'adoption.
Il travaille pour la Société Ivoirienne de Cinéma et réalise deux premiers films. En 1983, il crée sa propre structure, Focale 13.
Le succès de son feuilleton pour enfants Aya lui permet de financer avec ses propres fonds Bal Poussière. Une rue d'Abidjan s'appelle “Princesse” en hommage à son film du même nom.
Duparc signe également un documentaire sur le Président de la Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo et son parcours d'opposant politique (2002-2003), ou une série de courts-métrages intitulée Les Aventures de Moussa le taximan (2001-2003).
Caramel suscite l'enthousiasme du public ivoirien de manière comparable au Bal Poussière un an avant le décès du réalisateur. Celui-ci écrivit encore une adaptation de la pièce de Feydeau La Puce à l'Oreille intitulée La Puce africaine sans pouvoir finaliser le projet.
Matthias Turcaud