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Appolinaire Guidimbaye : « Le Tchad n’est pas qu’un pays de guerre »

Appolinaire Guidimbaye est un artiste polyvalent qui s’exprime de différentes manières, par des tableaux tout comme des matériaux plus inattendus, qu’il récupère.

Nous avons rencontré Appolinaire Guidimbaye à N'Djaména dans le quartier Paris-Congo en face de la fédération de judo, dans son logement qui est aussi son lieu de création.

Comment l’art est-il entré dans ta vie ?

Appolinaire Guidimbaye : Je suis né dans une famille d’artistes, surtout du côté maternel. Ma mère est professeure dans une école technique, elle fait de la couture, de la teinture textile et aussi de l’art culinaire.

Mon grand frère est également artiste-peintre et c’est de là que c’est venu. Ce n’était pas une obligation, mais il fallait le faire.

Apollinaire-Guidimbaye-artiste

Un de mes oncles m’a donné une petite scie à chantourner, j’ai commencé à faire de la marqueterie ainsi que des petits tableaux avec des textes en contre-plaqués, ensuite des puzzles pour enfants, des paysages et des animaux taillés et de la pyrogravure. Après j’ai commencé à fabriquer des horloges dans les années 2000. Puis j’ai encore élargi mon champ d’activités avec des toiles jusqu’en 2013. J’ai arrêté à cause de mon travail – j’étais chef décorateur pour une télévision.

Dix-huit mois plus tard j’ai repris mes activités artistiques avec une nouvelle technique : celle du recyclage, qui véhicule aussi un message. Actuellement je travaille sur le thème de la seconde vie de tout objet que nous utilisons. Je fais des horloges, de la sculpture de récupération, et, parallèlement, des toiles et de temps en temps de la scénographie et de la décoration événementielle.

J’ai encore d’autres projets enfin, surtout avec les enfants démunis. J’ai le désir de leur inculquer des notions artistiques, pour pouvoir les aider à avoir une autonomie dans leur vie, et aussi me faire connaître à l’international. Quand on parle du Tchad à l’étranger on pense trop souvent à la guerre, mais le Tchad n’est pas qu’un pays de guerre, et je compte valoriser la culture tchadienne à travers mon art.

Apollinaire-Guidimbaye-oeuvreParle-nous de ta peinture et des sujets que tu y traites.

Apollinaire Guidimbaye : J’utilise des thèmes du quotidien, les difficultés que nous rencontrons dans la vie je les traduis dans mon art – par exemple les fléaux qui minent la société comme le cancer du sein.

Je thématise aussi l’appel à l’unité, l’insouciance, la reconstruction, la persévérance, je veux rendre hommage aux femmes.

Sinon je travaille beaucoup sur les couleurs, que je ne choisis jamais au hasard et qui, à chaque fois, sont là pour une raison précise. A travers mes tableaux les couleurs parlent.

Quelques mots sur ton travail de décorateur !

Apollinaire Guidimbaye : C’est un travail qui me plaît beaucoup mais c’est aussi un travail très délicat et très complexe, et il faut réussir à avoir un équilibre parfait avec le thème du spectacle concerné, qu’il s’agisse de danse, de théâtre ou d’un concert.

J’ai eu à construire plusieurs villages de festivals – notamment pour Urban Djam’s, un concert créé par le bar Seleçao. J’ai aussi travaillé pour le festival de danse Souar Souar, la compagnie Kadja Kossi à l’occasion du spectacle Dans la maison de Bernarda Alba (ndlr : d’après Federico Garcia Lorca), le musicien Elété Rimtobaye ou encore le défilé de mode Kelou Fashion.

Qu’est-ce qui te pousse à créer ?

Appolinaire Guidimbaye : Je vis l’art, toute ma vie c’est l’art, à chaque instant de ma vie, et c’est la seule chose que je peux offrir et où je me sens très bien. Toutes mes œuvres sont comme mes bébés.

ZOOM

Le regard d'Appolinaire Guidimbaye sur la culture tchadienne

La culture au Tchad est un peu mal au point.

Des talents il y en a, et dans tous les domaines, mais les artistes ne se prennent pas au sérieux, ce qui est dommage.

Si la culture tchadienne est prise au sérieux et que le gouvernement et les structures gouvernementales prennent les choses en main, on a beaucoup de potentiel.

A nous les artistes et aux responsables de revoir comment valoriser notre production.

Matthias Turcaud