Cirquons Flex, du cirque contemporain à la sauce réunionnaise
Programmation dans le festival Rio Loco 2017 de la compagnie réunionnaise Cirquons Flex. Entre acrobatie, écologie et poésie, notre cœur a balancé.
Cette année, Africa Vivre est parti à la découverte du festival Rio Loco.
Temps fort dans la programmation estivale française, cet événement cosmopolite et toulousain a rassemblé de grands noms de la scène internationale et fait le bonheur de nombreux festivaliers.
Pour son édition 2017, Rio Loco a mis le cap sur les Iles de l’Océan indien. Du 15 au 18 juin la ville rose a donné ainsi la parole aux territoires d’outre-mer et a redessiné la carte des musiques et des arts du monde.
La compagnie Cirquons Flex nait en 2007 de la rencontre de Virginie Le Flaouter et Vincent Maillot. La réunion de ces deux artistes, amoureux à la scène comme à la vie, a permis l’émergence d’un nouveau cirque. Ensemble, ils inventent un langage artistique puisant ses racines dans le territoire réunionnais, dans ses gestes, mouvements et danses.
Leur spectacle proposé le dimanche 18 juin dernier sur la scène Garonne du festival et dans différents espaces de la Prairie des filtres s’intitule Cirk an zékli. La Pli i donn - en créole Eclats de cirque. Il pleut à verse.
Entretien avec Vincent Maillot.
Vous parlez, à propos de vos spectacles, de cirque endémique. Quel sens prennent ces termes pour vous ?
Vincent Maillot : Avant de faire du cirque, j’ai étudié la botanique et l’environnement à La Réunion. J’ai beaucoup étudié ce qu’était l’endémisme, à propos de la faune et de la flore particulièrement. L’endémisme est un mot qu’on utilise pour qualifier une espèce. Cela signifie qu’elle n’est présente que sur un territoire donné.
Quand on a commencé à monter la compagnie Cirquons Flex on s’est posé la question de savoir ce que cela voulait dire d’être une compagnie basée à la Réunion. Mes études m’ont aidé à mener cette réflexion.
Vous avez donc travaillé année après année sur les gestes, les mouvements, les danses et les différentes formes artistiques endémiques de La Réunion et de l’Océan indien. Pouvez-vous nous parler de cette démarche artistique que vous développez sur votre territoire ?
Vincent Maillot : Je suis un artiste autodidacte. Je n’ai pas de parcours académique.
Par contre, quand j’étais étudiant, je faisais beaucoup de Moringue (Ou Moring) qui était un cousin de la capoeira à La Réunion. J’avais une pratique acrobatique à travers cet art-là. J’avais déjà l’idée de pratiquer le cirque tout en puisant aussi dans d’autres mouvements. De fil en aiguille, on s’est rapidement ouvert à d’autres univers artistiques.
On s’est aussi vite rendu compte que d’autres gens faisaient du cirque dans l’Océan Indien. Il y a une école de cirque à Madagascar et à Cap Town en Afrique du Sud. Ce sont des territoires plus proches de La Réunion que la métropole. On a donc commencé à avoir des échanges avec eux. De là est née l’envie de créer le spectacle La Pli i donn au sein de la compagnie Cirquons Flex.
Vous parlez aussi de nouveau cirque. Quelle est votre définition de ce terme ?
Vincent Maillot : Le terme est souvent employé par opposition au cirque traditionnel. C’est une forme qui sort des codes du chapiteau rouge et jaune, du clown très maquillé portant des costumes à paillettes et des animaux sauvages que l’on voit exposé en cage.
On est issu de l’univers circassien français des années 2000. Le cirque nouveau est né dans les années 1970. Il a évolué depuis. C’est une forme artistique qui n’a aucun scrupule à s’approprier les codes venant du théâtre, de la danse, de la musique et à les faire siens. Pour nous, cela signifie créer un art métisse.
Cirquons Flex propose un art à la croisée des chemins. On se fout des frontières qui peuvent exister entre ces arts. C’est ce que signifie pour nous le cirque nouveau.
Votre spectacle s’intitule Cirk an Zékli. La Pli i donn - en créole Eclats de cirque. Il pleut à verse. Pouvez-vous nous parler de ces spectacles ?
Vincent Maillot : On a échangé avec Madagascar et l’Afrique du Sud depuis de nombreuses années. De ces échanges est né un spectacle qui s’appelle La Pli i donn. Cela fait deux ans et demi qu’il est né.
On avait invité un Malgache et un Sud-africain pour partager le plateau avec Virginie et moi. On était donc quatre. Depuis on a continué ces échanges. On a invité d’autres personnes et de là est née l’envie de créer des formes qui ne sont pas vraiment des spectacles aboutis mais plutôt des expériences sur des durées assez courtes. On travaillait ensemble sur une semaine ou deux. On restituait ce qui était né.
Cirk an Zékli nous l’avons présenté lors d’un festival à la Réunion qui a eu lieu au mois de mai dernier. Entre temps le festival Rio loco est venu nous voir pour nous dire : « On aimerait que vous soyez présent sur notre événement mais on est en plein air... » La Pli i donn est un spectacle en salle habituellement. On a convenu de venir mais de montrer plusieurs formes, plusieurs projets. On a donc pensé à présenter des fragments du spectacle La Pli i donn et Cirk an Zékli. Cela nous permettait encore une fois de créer une occasion d’échanger et de partager.
À propos de rencontre, cela est un des aspects essentiels de votre travail. C’est pour vous un élément fondamental de votre création ?
Vincent Maillot : Complétement, pour travailler avec d’autres artistes et pour partager le plateau, il faut vraiment qu’il y ait quelque chose qui se passe. On doit sentir qu’il y a l’envie d’avancer ensemble. Tous les spectacles de Cirquons Flex, se sont créés de cette manière. A l’origine, il y avait une rencontre. Et lorsque ça se passait bien ça aboutissait à des spectacles.
ZOOM
Les projets à venir de la Compagnie Cirquons flex
Quels sont vos projets pour 2017 et 2018 ?
Vincent Maillot : On va créer un nouveau spectacle qui va être une forme légère pour la rue. Ce sera un duo autour du mat chinois avec Virginie. Ce sera un spectacle de plein air, en circulaire, qui sortira au mois de mai 2018.
On va aussi poursuivre nos échanges avec de jeunes artistes de La Réunion, de Madagascar et d’Afrique du Sud à travers les dispositifs tels que Cirk an Zékli et des résidences de territoires.
Ces moments de résidences durent souvent deux semaines et nous permettent d’envahir un territoire avec notre cirque afin de le mettre en résonnance avec les formes artistiques existantes. Cela fait trois ans que l’on travaille dessus. L’année prochaine on va essayer d’exporter ces résidences en métropole.
Eva Dréano