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Lis Thés Ratures, la littérature Afro à l’honneur
Interview de Roxane Yap, jeune femme volontaire et enthousiaste, qui a créé en février dernier Lis Thés Ratures.
Il existe bien une littérature afro. Elle est pléthorique, féconde et ne fait pas nécessairement partie du rayon livre étranger. Pour s’en assurer rendez-vous à Lis Thés Ratures, la librairie afro de l’Ouest parisien !
La grande absente des librairies françaises et parisiennes, la littérature afro.
Roxanne Yap, romancière et libraire de 27 ans, le sait depuis longtemps. Elle décide donc en février de cette année d’ouvrir sa propre librairie, également salon de thé et espace de co-working.
Une initiative du meilleur effet. Il n’y a qu’à, pour s’en convaincre, visiter son facebook ou l’écouter parler des retours qu’elle reçoit depuis l’ouverture de son lieu au 69, allée du Forum à Boulogne-Billancourt.
Reconnaissons aussi qu’elle a mis du cœur, du bon sens et de l’entrain. La bonne recette pour créer l’espace permettant à cette littérature de rayonner comme elle se doit.
Interview avec une jeune femme volontaire et enthousiaste.
Quels sont les événements qui vous ont poussé à créer votre librairie ?
Roxane Yap : J’ai travaillé pendant huit ans en tant que libraire. A chaque emploi que j’ai occupé, j’ai constaté un manque flagrant de la littérature afro. Egalement, une minuscule part était consacrée aux auteurs créoles.
Je ne pensais pas créer un jour mon entreprise. L’idée s’est présenté à moi naturellement.
Dans mon dernier emploi dans une grande librairie, j’ai proposé de faire une section consacrée à la littérature africaine. Un collègue m’a accusé de communautarisme. J’étais en colère et déçue.
La littérature afro est quasi absente des librairies, grandes ou petites. Je ne comprenais pas que l’on ne s’en rende pas compte. J’ai quitté mon emploi. A ce moment-là, je me suis décidée à créer ma structure.
Quels événements programmez-vous ?
Roxane Yap : On programme en moyenne quatre à cinq événements par mois. En juin, on a une rencontre littéraire, un atelier enfants, un salon de la beauté afro,...
On est un peu excentré et les gens ne se déplacent pas pour de petits événements. A partir de la rentrée, je vais réduire la voilure et programmer un événement par mois au lieu de plusieurs petits. Cela pourra être une exposition, une rencontre,...
Le salon de la bande dessinée ayant eu lieu récemment à Lis Thés Ratures, a été un vrai succès. Il y avait de nombreux exposants. Chacun avait son propre réseau. L’événement m’a permis d’élargir et de diversifier mon public. C’était une belle expérience.
En juillet, je suis conviée à plusieurs festivals. Et en octobre, aura lieu le Salon de la littérature afro. Vous pourrez y croiser autant les amateurs que les professionnels du secteur.
Qui est votre public ?
Roxane Yap : Le public qui me suit est assez varié et cela est en soi, une vraie revanche. A contre courant de l’idée que chaque initiative pour valoriser la littérature afro est communautaire, les événements que j’accueille sont fréquentés par un public de tout horizon et de tout âge. Il vient de France, de Belgique, des USA,... Certains sont connaisseurs. D’autres viennent plutôt dans un esprit de découverte.
Pouvez-vous nous parler de vos différentes activités ?
Roxane Yap : Dans Lis Thés Ratures, il y a une partie salon de thé. Une autre, librairie. Il y a aussi un grand espace de coworking et une salle de réunion, pour travailler seul ou en groupe.
Le lieu est situé dans un quartier populaire qui manque d’espace pour travailler à des prix abordables. Mon lieu répond à cette demande.
Comment avez-vous composé les rayonnages de votre librairie ?
Roxane Yap : Une grande partie des rayons de Lis Thés Ratures est consacrée à la littérature afro. Je voulais mettre en avant sa diversité. Aussi, donner une représentation de « la diversité » à travers des albums pour enfants, par exemple. Il y a donc des sections afro-péenne, afro-caribéenne et jeunesse. Une autre constitués de mes coups de cœur car je ne lis pas seulement de la littérature francophone.
Donner à voir la diversité, être à la rencontre de différents auteurs, rester ouverte aux propositions et proposer ce panel d’ouvrages à mes clients est ce que j’aime le plus faire dans le métier de libraire.
ZOOM
Le questionnaire personnel d'Africa Vivre
Quels sont vos héros préférés dans la vie réelle ?
Roxane Yap : Mes parents. A l’époque où je suis née, les couples mixtes n’existaient pas. On a vécu le racisme. Les observer agir et réagir m’a permis de savoir affronter cela. C’est important d’avoir des héros ordinaires dans notre entourage. Mes parents en font partie.
Quels sont vos héros préférés dans la fiction ?
Roxane Yap : Sibylle, l’héroïne du roman A mains nues de Laura Nsafou. Elle est une héroïne afropéenne. Elle n’a pas de super pouvoir et a une vie occidentale assez normale. Elle m’a plu car cela faisait très longtemps que je ne m’étais pas reconnue dans un livre.
Autrement, je dirais le personnage d’Harry Potter. Le livre m’a souvent servi d’outil éducatif. Mais je pourrais encore citer d’autres héros littéraires. J’en ai beaucoup.
Quelle est, pour vous, la journée parfaite ?
Roxane Yap : Celle où j’ai plein de clients. Une journée dans laquelle j’ai pu échanger et faire découvrir des livres.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Roxane Yap : Professionnellement, que mon entreprise ne marche pas. Je m’y suis préparée mais je le vivrais comme un échec, malgré tout.
Avez-vous une devise ?
Roxane Yap : Tous les matins, lorsque je quitte mon conjoint, on se souhaite mutuellement force et courage.
Qu’avez-vous prévu de faire demain (le jour suivant l’interview) ?
Roxane Yap : La journée de demain va être très remplie. Samedi, je reçois l’auteure Marie-Hélène Branciard. Elle a écrit #Jenaipasportéplainte. Son livre, un polar, aborde frontalement la thématique du viol sous l’angle non victimaire. Les personnages ayant vécu ce traumatisme se vengent de manière abominable.
Lors de la rencontre avec l’auteure, je jouerais le rôle de médiatrice. Je poserai des questions ouvertes afin que le public puisse échanger avec l’auteure. Demain, je préparerais donc cette rencontre avec Marie-Hélène Branciard. Je préparerais également un double anniversaire. Une privatisation pour une maman et son fils, tous deux nés le même jour.
Eva Dréano