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Daouda Coulibaly, réalisateur du film Wulù

Un thriller sur la mafia en Afrique de l’Ouest. Un premier film de genre réussi.

Wulù signifie chien en Bambara. Un mot qui décrit bien la vie du personnage principal.

Au début, animal craintif, Ladji est un chien, selon les mots du réalisateur Daouda Coulibaly. A la fin, il n’est plus qu’un homme sans scrupule, un chien, cette fois au sens figuré.

Dans Wulù, le Mali et l’Afrique de l’Ouest sont le terrain d’action d’un trafic de drogue organisé et de grande ampleur. Cet angle n’a à priori jamais été traité par un réalisateur ouest-africain.

Dans la forme aussi il sort des clous. Entre thriller et plongée dans l’univers de la mafia, on s’attend à un film grand public nord-américain. Il n’en est rien, nous sommes bien à Bamako city.

Egalement, la précarité de la jeunesse ouest-africaine et cette image d’une société tiraillée entre consumérisme et culture ancestrale finissent d’offrir à Wulù une place à part dans la filmographie africaine.

Interview avec son réalisateur, Daouda Coulibaly.

Que signifie Wulù ?

Daouda Coulibaly : Wulù veut dire chien en bambara. Le terme correspond aussi à un rite d’initiation dans cette culture. Un chien peut également signifier dans le langage courant un homme sans scrupule.

En choisissant ce titre, je voulais jouer sur cette ambiguïté. On peut d’ailleurs voir un parallèle dans le parcours initiatique de Ladji. Au cours du film, il passe de sa première signification à la deuxième, celle d’un homme prêt à tout et sans scrupule.

Wulu-de-Daouda-Coulibaly

Votre film est un vrai thriller sur le monde de la mafia. Comment inscrit-on un film dans ces deux genres différents ?

Daouda Coulibaly : Ça demande un peu de temps d’écriture. Au départ, je pensais plutôt écrire une fable. Puis, en discutant avec le producteur, on a pris ensemble conscience du potentiel thriller du film. On a senti qu’on pouvait ajouter les codes de ce genre, en incorporant des scènes d’action par exemple. On a au fur et à mesure senti que c’était une piste à explorer.

Le film est très documenté. Beaucoup de livres existent sur le sujet. J’ai rencontré des journalistes, des officiers de police. J’ai lu des rapports sur les activités criminelles dans la région. J’ai intégré cela au fil de mes recherches.

Votre film est très ancré dans la tradition bambara autant que dans la société actuelle africaine. Le personnage principal, Ladji, oscille entre ces deux mondes. Une position extrêmement inconfortable...

Daouda Coulibaly : Wulù parle d’aujourd’hui. Il évoque aussi la société traditionnelle. Il raconte le voyage initiatique de Ladji.

A mesure qu’il s’immerge dans le monde de la mafia, il s’éloigne de sa culture d’origine. Il perd certaines valeurs et s’en approprie d’autres. La valeur argent, très présente dans le film, dit beaucoup de notre société actuelle. Le film traite d’aujourd’hui et dit d’où nous venons.

Wulu-Coulibaly

Le personnage de Ladji parle très peu. Il n’aurait pas dû se trouver là. Il est un anti-héros, dites-vous. Comment avez-vous pensé son personnage ?

Daouda Coulibaly : C’est un héros qui agit beaucoup plus qu’il ne parle. Il est animé par ses conflits passionnels. Il ne sait pas les expliquer ni les exprimer. Par contre, il agit en permanence. Il représente cette jeunesse, une partie de la jeunesse africaine qui n’a pas voix au chapitre. Ladji est habitué au silence et il en fait une force.

Le personnage d’Aminata est aussi anti-conformiste ...

Daouda Coulibaly : Pour moi les trois personnages principaux disent toute la complexité de la situation. La jeunesse est dans la précarité. Elle a peu de moyen de s’en sortir. Sauf ceux issus de la jeunesse dorée. Une partie de cette jeunesse a envie de liberté. Ladji est plus attiré par la sécurité d’un foyer. Ces trois personnages forment un tout. Ils nous obligent à les regarder de manière homogène.

Pouvez-vous nous parler du sujet du film, le trafic de drogue organisé en Afrique de l’Ouest ?

Daouda Coulibaly : Un trafic de toutes sortes existe depuis longtemps. Celui des drogues a commencé à se développer dans les années 2000. Il a pris de l’ampleur au fur et à mesure que les contrôles ont augmenté sur la côte espagnole.

Les narcotrafiquants ont voulu suivre ce qu’ils appellent l’A10 partant d’Amérique latine. Ils se sont rendus compte qu’il était assez facile de corrompre les douaniers, qu’il y a peu de contrôle dans cette zone. En arrivant du Bénin ou de Guinée Conakry, ils arrivaient aisément à transporter les drogues vers l’Europe.

Ce trafic va continuer encore et encore. Tant qu’on ne prendra pas en considération le fait que le financement du terrorisme est tout aussi important à combattre que son action armée sur le terrain, cela ne bougera pas.

ZOOM

Daouda Coulibaly à coeur ouvert

Quels sont les ingrédients indispensables pour concocter un film nécessaire, selon vous ?

Daouda Coulibaly : La sincérité.

Quelle est, pour vous, la journée parfaite ?

Daouda Coulibaly : Une journée où tous mes proches sont en bonne santé.

Quels sont vos héros préférés dans la vie réelle ?

Daouda Coulibaly : Je ne suis pas sûr d’en avoir !

Quels sont vos héros préférés dans la fiction ?

Daouda Coulibaly : Je ne suis sûr pas d’en avoir non plus !

Qu’avez-vous prévu de faire demain (le jour suivant de l’interview) ?

Daouda Coulibaly : J’ai une journée chargée avec des interviews, des rendez-vous et la première du film car le film sort demain.

Eva Dréano