1ère BD réussie pour le tchadien Adjim Danngar
L'Harmattan BD
Mamie Denis, procédurière, contestataire et peau de vache est sortie en janvier 2017 au rayon bande dessinée.
Les dessins couleurs de Mamie Denis, évadée de la maison de retraite, sont d’Adjim Danngar, le scénario de Christophe Ngalle Edimo.
Dans cette bande dessinée, le personnage central est une grand-mère. La vieillesse et ses maux sont traités avec humour et un soupçon d’esprit de provocation.
Mamie Denis n’est pas une grand-mère comme les autres. Pas vraiment celle dont vous voudriez vous occuper. Non plus celle qui vous fait pleurer de tristesse. De rire peut-être car elle est vindicative, irascible et prête à tout pour retrouver sa liberté perdue.
Une vraie héroïne de fiction version carte vermeille, cliché en prime.
Interview avec Adjim Danngar, l’un de ses créateurs.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette grand-mère contestataire ?
Adjim Danngar : Entre 2006 et 2008, on avait commencé avec cette histoire par de petits gags d’une page qu’on avait réalisés pour un magazine qui n’a finalement pas vu le jour.
Ce personnage nous plaisait beaucoup. C’était une grand-mère acariâtre qui vivait en banlieue. Elle s’occupait beaucoup des jeunes de son quartier. Plus particulièrement de leurs plants de cannabis.
On tournait en dérision les rapports entre la jeunesse et la vieillesse. On a par la suite décidé de lui donner un caractère un peu plus conséquent. On l’a faite emménager à Paris. Elle n’était pas raciste à l’origine. On a fait évoluer son personnage...
Est-ce la mamie que vous auriez adoré détester ? La vôtre et celle d’Edimo étaient-elles comme elle ?
Adjim Danngar : Non. Ma grand-mère était très sympa avec moi. Même quand j’étais grand elle voulait encore que je m’assois sur ses genoux ! C’était une grand-mère très protectrice. Je ne connais pas le rapport que Christophe a avec sa grand-mère.
Par contre, l’origine de notre histoire vient d’une expérience personnelle de Christophe. Une de ses connaissances s’est trouvée un jour incapable de se débrouiller seule. Elle a dû aller en maison de retraite. Avec elle, il a été témoin des conditions de vie dans une maison de retraite.
Votre bande dessinée, est-ce un moyen d’aborder, par un malin chemin de traverse, des sujets d’actualité brûlants ?
Adjim Danngar : Bien sûr. Aujourd’hui, les sujets de reportage sont beaucoup traités par le biais de la bande dessinée. La tendance se porte sur des sujets, des reportages d’actualité.
On parle du racisme et de son absurdité. Au début du récit, une famille africaine vient d’emménager dans l’immeuble de Mamie Denis. Elle veut les faire expulser. Comme elle est tenace, elle y parvient.
Elle se retrouve ensuite, à cause d’un neveu cupide, en maison de retraite et c’est finalement cette famille-là qui va l’aider à en sortir. Elle fuira ensuite pour s’installer en Afrique.
Mamie Denis est l’histoire d’une rencontre, entre cette vieille femme et cette famille. On montre que cette rencontre fait « un peu changer » le regard qu’elle porte sur les autres.
Pensez-vous que les personnes âgées soient parfois plus téméraires que les jeunes ?
Adjim Danngar : Exactement. Elle est une dure à cuire. Elle ne mâche pas ses mots. Elle refuse qu’on la cantonne dans une maison de retraite. Elle veut vivre, Mamie Denis. Elle a du mal à accepter la retraite. Elle est irascible, pleine de vie et d’énergie.
Quels sont vos projets pour l’année en cours ?
Adjim Danngar : Je prépare une exposition sur des papiers découpés. L’événement aura lieu dans la galerie Terre d’Aligre, dans le 12e arrondissement de Paris en octobre. Cette exposition collective sera sur le thème des avant-gardistes et de la révolution de 1917. Je fais de plus en plus de papiers découpés. Des carnets aussi.
Je travaille aussi sur un autre projet de bande dessinée. Je n’en suis qu’au synopsis. Je ne peux pas encore trop en parler car ça va probablement encore beaucoup évoluer.
Je vais ensuite me rendre à différents festivals. Le festival de la bande dessinée de Kinshasa, le LIYEMI 2017, du 19 au 25 juin. Au Festival de la bande dessinée engagée de Chollet. Et de la bande dessinée d’Alger, en octobre.
ZOOM
Les questions personnelles d'Africa Vivre
Quels sont les ingrédients indispensables pour concocter une belle bande dessinée, selon vous ?
Adjim Danngar : Avoir une histoire intéressante. Et que cette histoire soit bien épaulée par le dessin. Il faut qu’il y ait un bon équilibre entre les deux.
Quelle est, pour vous, la journée parfaite ?
Adjim Danngar : Quand je trouve une idée qui me fait vibrer. Et que j’arrive à la réaliser. C’est une journée qui se finit par une bonne bière au soleil.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Adjim Danngar : Perdre mon matériel de dessin.
Quels sont vos héros préférés dans la vie réelle ?
Adjim Danngar : Lumina, ma nièce vivant au Cameroun. Elle est vivace. Elle me fait redevenir un enfant. Elle a un an et demi.
Quels sont vos héros préférés dans la fiction ?
Adjim Danngar : Arzak, le héros de la bande dessinée de Moebius.
Avez-vous une devise ?
Adjim Danngar : Soyons simple !
Qu’avez-vous prévu de faire demain (le jour suivant l’interview) ?
Adjim Danngar : Demain, je fais un atelier-rencontre avec des collégiens dans le 12e arrondissement de Paris. C’est dans le cadre de « Cartooning for peace », l’association du dessinateur Plantu. Nous allons débattre de la liberté d’expression à travers le dessin.
Eva Dréano