Thomas Sankara, un assassinat politique
Entre images d’archives et témoignages d’experts, ce documentaire retrace le contexte historique et géopolitique de l’assassinat de Thomas Sankara.
Le film réalisé par Didier Mauro et Thuy-Tiên Ho évoque l’arrivée au pouvoir de Thomas Sankara dans un contexte de post-indépendance manquée jusqu’à sa chute en 1987.
Cette figure nouvelle et emblématique émerge alors dans une Haute-Volta désillusionnée.
Trois décennies après sa disparition, il reste l’icône d’une jeunesse africaine révoltée et sans frontière. Il est aussi celle d’un peuple burkinabé dont on salue encore aujourd’hui le soulèvement populaire d’octobre 2014 ayant mené, après 27 ans de pouvoir, à la destitution de Blaise Compaoré.
Les années 1960 voient les indépendances africaines fleurir avec leur lot d’espoir et de mouvement sociaux. Une décennie plus tard, la corruption, le poids des dettes africaines et les disparités perdurent. Les peuples subissent une période de désillusion intense.
En Haute-Volta, une figure nouvelle et emblématique émerge du brouillard. Thomas Sankara se distingue par son discours sincère, musclé, progressiste et nationaliste. Marxiste, il s’indigne contre le barbarisme de la Françafrique et se porte en faux contre les esprits fatalistes.
En 1984, les forces révolutionnaires, menées par le duo Thomas Sankara et Blaise Compaoré fomentent un coup d’Etat conduisant à l’enfermement du président en place. L’action se déroule sans bain de sang.
Pendant les trois années de présidence de Thomas Sankara le Burkina Faso se développe. La lutte contre l’excision voit le jour. La restructuration et le désenclavement de l’armée sont en marche. Les droits des femmes sont promus. Le taux de scolarisation double. De nombreux barrages sont construits pour faire face à la désertification.
Le pays ne fait plus allégeance aux anciennes forces coloniales. La Haute-Volta s’intitule dorénavant, le Burkina Faso, pays des hommes intègres. Thomas Sankara est un des premiers dirigeants à déclarer son patrimoine personnel.
Sa conduite morale sans compromission et le rythme effréné qu’il impose à tous, lui créé bien vite des inimitiés fatales dans les rangs des dirigeants africains, en France, jusque dans son pays et son propre camp (chez les fonctionnaires, syndicats et chefs coutumiers).
Il agace, froisse les désirs de pouvoir des uns et gène les agissements et mains-mise des autres.
En août 1987, il réalise son erreur et tient un discours dans lequel il annonce un programme de « rectification ». Il est pourtant trop tard. Il sera assassiné quelques mois plus tard alors qu’il se rend à une réunion du Conseil national de la révolution.
ZOOM
Règne et chute du président fratricide
Son commanditaire supposé et frère d’arme, Blaise Compaoré reprend d’une main de fer le pouvoir sur le pays.
Sa politique sied de nouveau au pouvoir français en place. Entre autres faits de gloire attribués à ce dernier, on verra le Burkina Faso prendre part aux atrocités commises au Libéria, en Côté d’Ivoire et participer aux trafics d’armes en Afrique.
Son implication dans le meurtre du journaliste Norbert Zongo en 1998, lui vaudra une contestation sans précédent de son impunité présidentielle par le milieu estudiantin.
Une trentaine d’années plus tard, la femme de Thomas Sankara n’a toujours pas de réponse à sa demande appuyée par l’ONU de ré-ouvrir l’enquête sur la mort de son mari.
Le 30 octobre 2014, après 27 ans de pouvoir, Blaise Compaoré, poussé par un mouvement populaire - il souhaitait modifier un texte fondamental limitant le nombre de mandats présidentiels - se voit contraint de quitter le pouvoir.
Ce mouvement du peuple prouve, s’il en était besoin, que l’on peut tuer une personne, non des idées !
Eva Dréano