Christine Salem, au coeur du blues, de la tradition et du maloya
Sa musique ne s’encombre pas de folklore. Christine Salem non plus.
A travers des chants créoles aux accents pur blues et maloya, les racines comoriennes et malgaches de Christine Salem vibrent fièrement.
Depuis 1997 avec le groupe Salem Tradition, elle chante pour offrir ses lettres de noblesse au maloya. Également, pour dire ses revendications identitaires malmenées.
Le maloya est aujourd’hui une musique reconnue mondialement et Christine Salem en est l’une des voix les plus marquantes.
Avec Larg pa lo kor, elle libère ses envies et nous offre un 6ème opus aux fabuleuses harmonies et aux paroles inspirées. Interview avec la charismatique chanteuse.
Votre musique est une musique moderne portant les revendications identitaires de tout un peuple. Pouvez-vous parler de cet aspect de votre musique ?
Christine Salem : Le maloya est une musique arrivée à La Réunion par les esclaves, au moment où La Réunion a été peuplée. Cette musique a été interdite jusqu'en 1981 sur l’Île.
Quand j'ai commencé, on me demandait : “ Pourquoi tu chantes du maloya, non pas plutôt du blues ? ” En parlant avec Danyel Waro et différentes personnes, je ne comprenais pas pourquoi les gens déconsideraient cette musique.
Le roulèr (ndlr : membraphone), le kayamb et tout ce qui fait partie de cette culture devait être mis en valeur. Poussée par cette conviction, j’ai commencé à jouer du maloya. Comme je suis née le jour de la fête de l’abolition de l'esclavage, tout cela a du sens pour moi.
Et pour le défi, par conviction personnelle, pour montrer que c'est une musique à part entiere, j'ai joué du maloya. En 1997 on a monté le groupe, Salem Tradition. En 2000, on a commencé à tourner. En 2009, le maloya a été reconnu patrimoine mondial de l’Unesco. Aujourd'hui, cela fait 15 ans que je tourne. Au moment où on a fêté nos 10 ans, les gens ont regardé cette musique d'un autre oeil. Grâce au militantisme, au travail de tous ces gens, le regard sur le maloya a changé.
L’aspect spirituel de votre musique est très important. En quoi ?
Christine Salem : Les musiques telles que le maloya ont été interdite à une certaine époque. Elles font appel à la transe. Elles créent une communication entre les morts et les vivants.
Entre juin et juillet, décembre et janvier, ont lieu les servis kabarés. Ces cérémonies honorent les ancêtres sur fond de musique maloya. J'ai été pas mal dans ces cérémonies. Cela dure souvent 24h. On fait des offrandes. On parle des esprits.
La musique maloya a été interdite à cause de cela, de ces évènements. De la place majeure qu’ils occupaient dans la société réunionnaise. J'ai donc adapté ces chansons cérémonielles.
Comment définiriez-vous votre musique ?
Christine Salem : J’aime bien les musiques traditionnelles. J'aime aussi le blues. J'ai travaillé avec Mamar Kassé. Sengue, le groupe malgache. J'ai travaillé avec des Comoriens faisant de la musique traditionnelle. J'ai rencontré des musiciens comme Moriarty. Ce sont des amis aujourd'hui.
On bosse ensemble. On mélange, on échange, on crée autre chose. Ma musique, c’est cela. J’essaye de créer autre chose.
Avec Larg pa lo kor, votre 6eme album, vous abordez la musique différement. Vous composez épaulée de Seb Martel (ndlr : de Moriarty) mais l’exercice est plus solitaire. De quoi est fait ce nouvel album ?
Christine Salem : Avec ce nouvel album, je suis partie sur des envies plus personnelles. Je suis moins dans la démonstration.
Depuis des années, j'ai toujours créé à la guitare, des chansons traditionnelles. Pour cet album, je me suis dit, ce que j'ai créé à la guitare, je vais le laisser à la guitare. J'adore le blues donc j'ai voulu laisser une sonorité blues. Il y a des chansons que j'ai composées au piano, pourtant je ne joue habituellement pas de piano. Par moment, j'avais envie d'ajouter des instruments, par exemple le violon. Je l’ai fait.
Seb Martel a pris la direction artistique. L'idée était d'aborder la musique autrement, dans un travail de réel échange avec les autres.
Christine Salem en live - Nouvel album
ZOOM
Le portrait chinois de Christine Salem
Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?
Christine Salem : Un auteur de La Réunion ayant beaucoup travaillé sur l'Afrique, Sudel Fuma.
Si vous étiez un(e) réalisateur(trice) africain(e). Qui seriez-vous ?
Christine Salem : Je n’en ai aucune idée.
Si vous étiez un(e) musicien(ne) / chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?
Christine Salem : Miriam Makeba, Manu Dibango, mon ami Mamar Kassey, Tiken Jah Fakoly. Lucky Dube (Ndlr : un artiste sud-africain).
Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?
Christine Salem : Le poulet yassa. Un classique.
Si vous étiez une ville africaine. Laquelle seriez-vous ?
Christine Salem : Dakar. Ou l’île de Gorée car c’est un lieu très fort, chargé d’histoire. Zanzibar est également un endroit que j'adore.
Propos recueillis par Eva Dréano