Ma Côte d’Ivoire de Kiff No Beat et Dobet Gnahoré
Tr13ze Record
Improbable collaboration entre deux mondes musicaux, en forme de chanson d’amour.
Les Kiff No Beat et Dobet Gnahoré qui se rencontrent sur le même titre… voici une collaboration inattendue au premier abord, et pourtant pas si surprenante !
D’un côté, les Kiff No Beat qui se sont fait connaître dans le monde entier… en tout cas le monde du hip-hop, en débarquant en baka sur la scène internationale, avec un son afro-trap, teinté de pop, n’ayant rien à envier à ses grands frères d’outre-Atlantique, ou à ses cousins européens du Wati-B (label de Sexion d’Assaut, Maître Gims…), et surtout avec une authenticité, qui ne trouve son pendant que dans une grande indécence.
Le groupeKiff No Beat est l’un des crew hip-hop les plus hype d’Afrique de l’Ouest.
Car si les paroles de leurs chansons parlent, dans un mélange de français et de nouchi (l’argot des rues d’Abidjan), de la vie des jeunes ivoiriens avec les galères, les préoccupations, et les envies, elles sont également largement truffées de propos sexuellement explicite ; et vous ne serez guère obligé d’aller au-delà de leur nom pour vous rendre compte de leur insolence encore un peu adolescente ; ne lisez pas Kiff No Beat, en cherchant à le traduire de l’anglais, mais simplement l’homophonie en français !
Et de l’autre, Dobet Gnahoré, un autre genre d’insolence, qui, elle, ne passe pas par la déclamation d’obscénités, mais plutôt par une maîtrise vocale, et une compréhension de la musique.
Dobet Gnahoré a été la première artiste ivoirienne à être récompensé par un Grammy Awards (pour la chanson « Palea »).
Si tout semble opposer ces deux talents de la scène ivoirienne, la réalité est autre ! Black.K, membre fondateur de Kiff No Beat, de son vrai nom GNAGBO GNAHORE Okou Camille, n’est autre que le frère de Dobet, et le fils du batteur et percussionniste Boni Gnahore ; en tant que tel, et tout comme sa sœur, a passé son enfance dans le village Ki Yi M’Bock, une communauté d’artiste panafricain fondée il y a plus de trente ans.
Autre point commun entre Kiff No Beat et Dobet Gnahoré, sur lequel il se retrouve ici, c’est l’attachement à leur nation, la Côte d’Ivoire. Véritable ode à la terre d’Eburnie, le titre, intitulé « Ma Côte d’Ivoire », permet aux Kiff No Beat d’expérimenter une nouvelle facette de leur art, la chanson d’amour (le clip est d’ailleurs sorti le jour de la Saint-Valentin), simple, sans artifice, et vulgarité… moins en tout cas !
On peut aussi distinguer en filigrane de cette chanson, deux sujets importants en Côte d’Ivoire, l’un futile, mais omniprésent dans la tête de beaucoup d’Ivoiriens, les résultats des Éléphants, l’équipe nationale de football ; car si dans un précédent titre les jeunes rappeurs chantaient que « ça gâte cœur » quand leur équipe perd ses matchs, aujourd’hui la Côte d’Ivoire est championne d’Afrique, et ils ne manquent pas de le souligner !
L’autre sérieux, et même terrible, la guerre. Car si l’incroyable vitalité du pays et de son peuple, a tendance a rapidement faire oublier les drames qu’ont connu le pays, il ne faut pas oublier que les années 2000 furent marquées par un conflit politique, envenimé par des considérations ethniques et haineuses, qui ont précipité le pays dans 10 ans de crise, ponctuée en 2011 par une guerre sanglante.
En 2012, dans une précédente chanson déjà intitulée « Ma Côte d’Ivoire », Dobet Gnahoré et Manou Gallo chantaient pour panser les plaies du pays, et encourager à la réconciliation.
Aujourd’hui dans cette nouvelle chanson, l’ombre de la guerre semble s’éloigner, et espérons que ces paroles d’un des couplets de Kiff No Beat concluront cet épisode :
" Côte d’Ivoire, vraiment joli pays
Ne me parle plus jamais de treillis
Ne me parle plus jamais de guerre, on ne connaît que ta paix "
Clip « Ma Côte d’Ivoire »
ZOOM
Christian Falé, l’homme de l’ombre
Artiste discret, Christian Falé, justement surnommé Shado Chris (Shadow, l’ombre en anglais), est rapidement passé d’un studio d’enregistrement improvisé dans la cour familiale, dans lequel il fricotait avec quelques groupes de rap du quartier, au statut d’arrangeur le plus convoité d’Abidjan !
Ses instrus ont fait le succès de beaucoup, tant sur la scène coupé décalé que sur la scène hip-hop ; car si c’est en grande partie grâce à lui que les Kiff No Beat, dont il est l’arrangeur attitré, ont décollé, il a aussi travaillé avec des artistes comme Serge Beynaud, DJ Lewis ou encore Force One.
Maintenant, il continue le travail de studio, mais passe aussi de temps à autre de l’autre côté de sa console ; il assurera d’ailleurs la première partie du français Black M, lors de son prochain passage à Abidjan.
Shado Chris "J'S8 Jahin Pret"
Rédigé par Aodren Pecnard