Accompagné de nombreux musiciens, ce multi-instrumentiste touche-à-tout aurait pu s’adonner à l’exercice en solitaire. Mais c’était sans compter sa grande fratrie de musiciens et son désir de partage presque infini.
Il dit avoir trouvé le paradis sur terre et son mode d’expression dans la musique.
Interview avec celui qui a épousé la musique comme langage.
Wondem, frère en langue amharique, pourquoi ce nom d’album ? De quoi est fait votre album ?
Dexter Story : J’ai beaucoup d’amis éthiopiens et ce sont eux qui m’ont aidé à trouver un nom pour ce disque. Ma musique se compose d’un mélange de funk, de rock et de rythmes de l’Afrique de l’Est. Wondem sonnait bien.
Je suis comme un frère de l’Afrique. Pas absolument africain, je suis afro-américain. Je voulais offrir ce disque comme un frère, en cadeau. Je ne parle pas amharique. Je ne voulais donc pas faire de titre dans cette langue mais je voulais utiliser le mot et qu’il donne sens à cet album.
D’où viennent toutes vos influences et ce goût insatiable de touche-à-tout ?
Dexter Story : J’ai commencé comme tout le monde. On est dans un monde dans lequel on peut faire beaucoup de choses. On peut être bloggeur, musicien, photographe… Gagner beaucoup d’argent et être artiste. Etre un homme politique et rester proche des gens.
Quand j’ai commencé, j’ai travaillé dans le marketing car je devais gagner ma vie. J’ai commencé dans un label. Et cela a bien fonctionné. Aux Etats-Unis, les musiciens professionnels doivent beaucoup travailler pour gagner leur vie. J’ai donc dû jouer de la guitare, de la basse, de la batterie…
L’Afrique est très présente dans votre musique. Pourquoi ?
Dexter Story : On me dit souvent que je ressemble à un Ethiopien. La première musique que j’ai écoutée était un morceau de Miriam Makeba. J’ai mangé de la musique éthiopienne ! J’ai beaucoup répété avec des groupes africains.
Plus jeune, j’avais appris le français pour aller au Togo. J’avais également appris un peu de yoruba à cause des Ewes du Ghana. (Ndrl : une population d'Afrique de l'Ouest, vivant principalement au sud-est du Ghana et au sud du Togo.) Juste avant de partir, on m’a précisé que je ne pouvais plus aller au Togo. On m’a dit : « Ce n’est plus possible mais si vous souhaitez venir étudier en France, à Paris, vous pouvez. » Je cherchais cependant quelque chose de différent, de plus original. On m’a également proposé Bordeaux. J’ai accepté et j’ai été au Conservatoire National de Bordeaux. J’y ai fait mes études. J’étais bien.
Je suis ensuite retourné à Los Angeles, il y a quatre ans. J’ai joué avec Ethio Cali. Puis, avec Paris DJ, une personne qui fait la promo des musiques du monde à Paris. J’y avais joué de la musique éthiopienne. J’ai senti que c’est ce que je devais jouer.
Maintenant je fais beaucoup d’arrangement pour les groupes tel que Mahmoud Ahmed, Mulatu Astatke. Il y a un mois, j’étais en Ethiopie, pour découvrir le pays. J’étais à Addis Abeba, à Lalibela. Je me suis baladé. C’était ma découverte de l’Afrique. Le disque a été écrit avant que je me rende en Ethiopie. Ce voyage m’a beaucoup marqué. Je vais partager des photos, des enregistrements de là-bas, le silence, le son des églises… Je veux composer avec.
Plusieurs artistes ont collaboré à la création de votre album (Carlos Nino, Miguel Atwood Ferguson, Mark de Clive-Lowe). Pouvez-vous en parler ?
Dexter Story : Carlos et moi on avait le groupe Life Force Trio. On joue ensemble depuis 2004. Carlos est un de mes meilleurs amis. Il a une des meilleures oreilles que je connaisse. Il entend tout. Il écoute tout. Il est de très bon conseil. Tous les musiciens de cet album sont des musiciens de Ethio Cali.
Mark de Clive-Lowe est aussi un de mes meilleurs amis. Sa femme, Lia Andrew chante sur un des albums. Te'Amir Sweeney, batteur et percussionniste, joue avec Aloe Blacc. J’aurais pu créer l’album tout seul. Mais c’est beaucoup plus beau de créer avec d’autres personnes. Ça amène d’autres qualités. J’aime partager la musique.
Quel message votre musique souhaite-t-elle transmettre ? Pourquoi jouez-vous ou composez-vous de la musique ?
Dexter Story : La musique est éternelle. Parfois je n’arrive pas à m’exprimer avec les mots. Lorsque j’étais petit, mes parents faisaient beaucoup la fête. Certains disent que c’est pour ça que je joue de la musique. Parce que je voulais m’exprimer à ma façon par la musique. Je voulais que les gens puissent se retrouver dans ce que je joue. J’ai trouvé mon paradis dans la musique.
Dexter Story - Eastern Prayer (ft Nia Andrews)
ZOOM
Le portrait chinois de Dexter Story
Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?
Dexter Story : Cheikh Anta Diop, Mariama Bâ, Ousmane Sembène (Ndlr : un écrivain, réalisateur, acteur et scénariste sénégalais majeur de l'Afrique contemporaine, connu pour ses partis pris militants sur les questions politiques et sociales), Camara Laye, Cheikh Hamidou Kane (Ndlr : un écrivain et un haut fonctionnaire sénégalais, qui occupa notamment des fonctions ministérielles. Son livre L'Aventure ambiguë est devenu un classique de la littérature africaine).
Si vous étiez un(e) réalisateur(trice) africain(e). Qui seriez-vous ?
Dexter Story : Haile Gérima, un réalisateur éthiopien.
Si vous étiez un(e) musicien(ne) / chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?
Dexter Story : J’adore Mahmoud Ahmed. J’adore Mulatu Astatke. Hugh Masekela. J’adore bien sûr Fela Kuti. Yared est le père de la musique éthiopienne. Et j’aime aussi beaucoup Celestine Ukwu.
Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?
Dexter : Le mendy qui est un plat éthiopien que j’ai goûté dans la ville de Rala fait de côtes d’agneau, de riz, de légumes, et de sauce rouge.
Propos recueillis par Eva Dréano