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Three Gees de Baba Sissoko, un héritage musical en partage

Blind Faith Records

« Three Gees », comme trois générations, trois esprits, distille superbement la tradition mandingue et la magnifie.

Digne héritier d’une grande lignée griotique, Baba Sissoko a d’abord œuvré dans l’Ensemble Instrumental du Mali comme joueur de tama et de ngoni.

Puis, sa route a croisé celle d’Habib Koité. Il a un temps fait partie du groupe Bamada.

Three Gees de Baba Sissoko, produit par Luca Sapio (qu’on a vu aux côtés de Tom Brenneck), invite sa mère et sa fille à unir leurs voix à la sienne. 

Avec l’aide de Fernando « Bugaloo » Velez (The Drap-Kings, Antibalas) à la percussion, de Correy Harris, bluesman américain de légende, à la guitare slide et des Pignetophonics, la musique se balade à travers les âges et les styles.

Rock sixties (Il faut pas écouter), afrobeat (Kali Baba, Black Rock), son mandingue et atmosphérique (Dhe dhe dhe), soul (Aiulado), blues (El Mamada) et accents funk (Angha Sabali), sont saupoudrés, puis amalgamés avec science.

Racines solides, influences sûres, Baba Sissoko, ce grand conteur devant l’éternel, nous en dit plus sur cet album de très belle facture, sur la tradition mandingue et plus généralement sur sa passion pour la musique.

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"Cet album parle de trois générations. Celle de ma mère, la mienne et celle de ma fille."

Three Gees vient de sortir. Que raconte ce nouvel album ?

Baba Sissoko : Avant cet album, j’avais déjà réalisé un disque avec ma mère. Petit, je l’accompagnais beaucoup dans des mariages. Même après que je sois arrivé en Italie, que je me sois marié, je pensais toujours à ma mère, qui me manquait. Je pensais, la façon qu’a ma mère de chanter est très originale. C’est pourquoi j’ai pensé à faire ce projet avec ma fille et ma mère.

Heureusement ma fille aime la musique. Ma fille est afro-italienne. Dans cette situation, je ne pouvais qu’orienter ma fille, sans la diriger. J’ai appris la musique avec ma famille. Elle a aussi choisi la musique. Ma fille chante en anglais et français.

C’est l’occasion pour ceux qui ne comprenaient pas ma musique de la comprendre et de découvrir ce que je fais par une autre voie.

Beaucoup de personnes vous accompagnent sur ce nouvel album. Qui sont-ils ?

Baba Sissoko : Ces artistes italiens - Fernando Velez Bugaloo et la formation The Pignetophonics, c’était une idée de mon producteur. Lui aussi est musicien. Il fait du blues. Il aime ma musique et il voulait participer à son arrangement. J’ai composé et écrit les textes. Puis, il a fait l’arrangement. Il m’a fait écouter. Cela m’a rappelé les années 60-70.

Comme je parle de collaboration dans " Three Gees ", de partage, j’ai trouvé que cela correspondait à l’esprit de cet album. Son travail a donné une autre valeur à ma musique, à mon album. Son travail d’arrangement complète notre travail musical.

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Pour vous, musique rime avec famille, tradition mais aussi avec…

Baba Sissoko : En tant que fils de griot, la musique et la tradition ont toujours été ensemble. La musique a toujours devancé la tradition. La musique est un symbole de l’amour, de la paix, de la nature. Toutes les ethnies dans le monde ont intégré la musique dans la tradition. Dans cet album on parle beaucoup de la paix, des enfants, des mères, de la famille, de l’acceptation des différences…

La nature a créé la musique pour nous conseiller. La musique me relaxe, me donne un sentiment de paix. Notre arme, c’est notre musique. Pendant l’empire mandingue on avait créé une démocratie. Tout le monde avait les mêmes valeurs. Nous n’avions qu’un seul peuple. La démocratie n’est donc pas nouvelle au Mali.

Ce disque est très important pour moi. Je voulais avec ce disque montrer la réalité, ma réalité. Et promouvoir ma culture et la tradition mandingue.

Votre musique est influencée par des rythmes traditionnels maliens (bambara, peuls, sonrai…) et votre nouvel album oscille entre afrobeat, blues, psychédélique… Pourquoi ce melting pot musical ?

Baba Sissoko : Les gens disent que ma musique est blues. D’autres qu’elle est un mélange de blues et de jazz. D’autres que c’est du black rock. J’aime faire se rencontrer plusieurs cultures. Dans ce projet, il y a en effet plusieurs styles musicaux. Au Mali, ce que d’autres appellent le blues, on appelle cela amadran.

L'album " Three Gees " est un projet collectif. On s’est écouté. On a échangé. On a écouté les conseils donnés. Mon travail est un mix musical de styles allant des années 60 à aujourd’hui. Ma mère est dans la musique traditionnelle. Ma fille dans la musique d’aujourd’hui. Moi je suis entre les deux.

Vous êtes conteur, conférencier, enseignant. Pour vous la question de la transmission semble centrale…

Baba Sissoko : Mon père est un très grand musicien. Il jouait du ngoni. Mon grand-père s’appellait Djeli Makan Sissoko. Il jouait également du ngoni. Après l’indépendance, j’ai donc grandi dans une famille de joueurs de ngoni. Ils ont joué dans l’Ensemble instrumental national du Mali, avec Ballaké Sissoko et Toumani Diabaté.

Lorsque mon grand-père a pris sa retraite, j’ai joué à sa place. J’ai joué du tama et du ngoni. J’ai aussi accompagné ma mère dans les mariages. Mon premier instrument a été le tama et on dit que si tu sais jouer du tama, tu comprends la musique. On reste élève toute sa vie. On apprend tous les jours de la musique.

Et, quand tu es musicien, tu as une responsabilité. J’ai eu une éducation musicale et traditionnelle très forte. C’est pourquoi, aujourd’hui je fais régulièrement des master class et des séminaires sur la musique africaine. C’est la mission du musicien : de transmettre son savoir.


Baba Sissoko - Three Gees

ZOOM

Le portrait chinois de Baba Sissoko

Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?

Baba Sissoko : Je suis déjà écrivain car je suis un griot. Je suis un messager africain. Chaque morceau de musique raconte une histoire. Je suis auteur de plusieurs histoires.

Si vous étiez un(e) réalisateur(trice) africain(e). Qui seriez-vous ?

Baba Sissoko : J’ai réalisé un documentaire qui s’appelle Mali Mali avec cent musiciens. Mon prochain projet documentaire est sur mon histoire. Il s’intitulera Baba Sissoko et son tamani.

J’aime beaucoup Sotigui Kouyaté (Ndlr : Si le rêve du python, Little Sénégal, Genesis…), Cheick Oumar Sissoko, Souleymane Cissé (Ndlr : Waati, Yeelen, Den Muso…). Ce sont des personnages charismatiques. Il y a quelques décennies, le cinéma avait beaucoup d’influence en Afrique.

Si vous étiez un(e) musicien(ne), un(e) chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?

Baba Sissoko : La musique a aujourd’hui beaucoup changé. Avant, la musique était faite par des griots. Aujourd’hui, cela est différent. Oumou Sangaré, Rokia Traoré, Ali Farka Touré ne sont pas griots mais la population accepte cela. Car c’est un don de la nature de savoir chanter.

Fatoumata Diawara chante bien. Elle a chanté mes compositions avec Roberto Fonseca. J’aime aussi la musique sénégalaise. Coumba Gawlo a une voix magnifique. Elle a une beauté, une force… Même si tu ne comprends pas le wolof, tu aimes ce qu’elle fait.

Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?

Baba Sissoko : J’aime beaucoup le poisson à la braise avec l’attiéké. J’aime aussi beaucoup le mafé. Mais mon plat préféré malien est le tiga dégué na, un plat à la sauce arachide (Ndlr : pour réaliser ce plat qui constituera certainement un bon plat d’hiver, ici se trouve une recette : http://foodistanparistanbulteheran.blogspot.fr/2012/05/tiga-degue-na-dah-rouge.html).

Il y a beaucoup de plats. L’Afrique est grande. J’aime beaucoup goûter différents plats. Quand je voyage, je goûte tout. Quand tu peux, il faut essayer.

Eva Dréano