Adama Yalomba au service de l’unité malienne
Mesa / Bluemoon Recordings
Un quatrième album solo pour le virtuose du Macina.
Lorsqu’un instrumentiste de talent quitte l’ombre pour sortir un album solo, cela vaut presque toujours le coup d’y jeter une oreille attentive ; surtout lorsqu’il s’agit d’un quatrième album, comme avec Adama Yalomba, qui vient de sortir Waati Sera.
Aussi à l’aise au n’dan, qu’au ngoni ou à la guitare, Adama Yalomba, de son vrai nom Adama Traoré, fait parti des meilleurs musiciens de sa génération, qui a pendant longtemps accompagné les plus grands du Mali, du regretté Ali Farka Toure, à la si moderne Rokia Traoré.
Et si son art prend sa source dans la tradition griotique malienne, et dans la ruralité du Macina - il faut rappeler que c’est son père, agriculteur à Ke-Macina, sur les rives du Niger, qui lui a transmis son savoir, et l’art du jeu du n’dan -, Adama Yalomba a su depuis étoffer sa musique d’influences diverses, amassées au fil de ses voyages, dans le Mali, comme à l’étranger, et bien sûr dans l’urbanité pluriculturelle de Bamako.
Sur ce quatrième album, Waati Sera, on retrouve donc cette harmonie entre sonorités traditionnelles, et cette énergie un peu âpre du blues rock, dont on ne sait plus vraiment de quel côté de l’Atlantique est partie l’inspiration originelle ; le tout saupoudré d’une pointe de reggae.
Mais les mélodies entêtantes et les rythmes entrainants de cet album découvrent aussi un message d’espoir, et d’unité, qui prend la forme d’épopées et d’histoires mythologiques ou historiques empruntées aux divers peuples du Mali, mais aussi celle d’un appel à l’action et à la réconciliation ; une quête du « mieux » prenant tous son sens dans un pays qui peine encore à se remettre des meurtrissures de la guerre, et de l’occupation d’une partie du territoire par des groupes terroristes. Un sujet qu’Adama Yalomba aborde même directement sur la chanson « Waati Sera », qui donne son nom à l’album, et sur « Plus Jamais ».
Une unité du Mali qui est également encouragé par le titre « Harkas », un mot de tamasheq, la langue des touaregs, que l’on pourrait traduire par « bénédiction d’Allah », la bénédiction étant ici la grande diversité des peuples du Mali, et l’occasion qui leur est offerte de travailler ensemble ; une chanson sur laquelle est invité le chanteur et guitariste originaire de la région de Tombouctou, Samba Touré.
ZOOM
Le Dan et le déficit de la transmission
Le n’dan (ou dan), c’est une sorte de harpe à 6 cordes, qui dans la tradition bambara revêt un caractère social particulier, c’est l’instrument avec lequel on accueille celui qui a voyagé, et on l’invite ainsi à raconter son périple.
Aujourd’hui, son existence même est remise en cause, car si Adama Yalomba a eu la chance de se voir former à son usage par son père, il n’en est pas de même partout.
Avec l’évolution des modes de vie, le désintérêt des jeunes générations pour la tradition de leurs ainés, l’inévitable gommage des us et coutumes ethniques dans les grandes villes, nous assistons à un vrai déficit de la transmission du savoir traditionnel, qui, au Mali, menace de disparition plusieurs instruments tels le n’dan des Bambaras, mais aussi le Sérendu (une petite flute peule), le Biguin (un instrument à lamelles songhaï), l’imzad (le violon touareg), ou encore le tamani (un petit tambour d’aisselle bobo).
Aodren Pecnard