Les Ambassadeurs, une renaissance
Nouvel album Rebirth - World Village / Harmonia Mundi
Plusieurs décennies après leur succès légendaire en Afrique et en Europe, Les Ambassadeurs reviennent.
Envie de se retrouver entre amis, de rendre hommage à ceux partis trop tôt et de sensibiliser à la cause des albinos. Voilà ce qui les rassemble de nouveau aujourd’hui.
On n’en demandait pas plus à Cheick Tidiane Seck, Salif Keita, Amadou Bagayoko (Amadou et Mariam) et les autres.
Interview avec Idrissa Soumaoro, l’un des fondateurs du groupe Les Ambassadeurs et sage homme s’il en est.
Les Ambassadeurs reviennent. A quoi faut-il s’attendre ?
Idrissa : Il faut s'attendre à beaucoup de plaisir partagé. Le plaisir de ceux qui nous ont aimés et nous ont suivis. La musique mandingue est une musique beaucoup aimée en Europe. Les gens vont s'éclater avec nous !
Notre tournée est aussi un hommage à ceux partis trop tôt. On jouait toutes sortes de musique : blues, mandingue, tango, valse... Et c’est toujours le cas aujourd’hui.
Vous aurez reconnu Salif Keita, Cheick Tidiane Seck et Amadou Bagayoko (Amadou et Mariam).
Pourquoi ce retour aujourd’hui ? Quelles sont les raisons qui vous y poussent ? L’argent ? Les femmes ? L’amour ? La gloire ? L’amitié ? L’envie de voir du pays ?
Idrissa : Pour l'amitié bien sûr en premier lieu. Parce que c'est un plaisir de se retrouver. Chacun a travaillé en solo. Puis, récemment on a eu envie de jouer de nouveau ensemble. A l'époque, on se retrouvait et on était payé avec un salaire de fonctionnaire, de 45 000 FCFA. On ne touchait rien lorsqu'un album sortait.
Le projet de la fondation Salif Keita est arrivé après. (Ndlr : En Afrique, les albinos sont craints, méprisés, rejetés, et pire encore. Leur peau devient cancéreuse au contact du soleil, ils perdent souvent la vue et leur éducation devient rapidement impossible. Ils peuvent être utilisés comme mascottes ou assassinés pour la fabrication de potions supposées garantir la force et le succès. La musique fut un antidote à cette ignorance et cette haine. Elle a sauvé la vie de Salif. C'est un beau projet que nous soutenons tous.
Je suis moi-même engagé dans un autre projet. Je donne des cours de musique à des enfants handicapés. J'aime organiser des projets collectifs, aider les autres. Beaucoup n'ont pas compris que j'aide les aveugles. C’est pourtant le crédo que nous poursuivons toujours avec Les Ambassadeurs : instruire autant qu’amuser.
A l’origine de ce projet, Salif Keita et Kanté Manfila. Qu’en est-il de la formation aujourd’hui ? A-t-elle changée ?
Idrissa : Quand l'orchestre a été formé en 1969, c’était sur la demande du directeur du Motel de Bamako. On était assez nombreux. Plus d'une dizaine. On jouait notre musique avec beaucoup de musiciens qui nous ont quittés aujourd’hui.
Au départ, Amadou Bagayoko était à la guitare. Kanté Manfila, également. J’étais au clavier. A l'origine, il n'y avait pas de choriste. C’est plus tard, que Cheick Tidiane Seck et Salif Keita nous on rejoint en quittant le grand groupe le Rail Band.
Quand en 1978, une partie du groupe a émigré en Côté d'Ivoire, nous, les fonctionnaires, sommes restés. Cheick Tidiane les a rejoint. Le groupe s'est alors appelé Les Ambassadeurs International.
Pour notre reformation aujourd’hui, nous avons fait appel à de nouveaux musiciens. Certains nous ont quitté. Il a fallu les remplacer. Le batteur actuel est par exemple nouveau. Il est ivoirien. Il y a également une autre innovation dans le groupe : nous avons deux choristes femmes ! Leurs voix sont enchanteresses.
Le groupe a ouvert la voie aux musiques du monde. Aujourd’hui, quelle en est son ambition musicale ? De quoi est fait votre répertoire ?
Idrissa : Les morceaux que l'on joue aujourd'hui sont les anciens morceaux des Ambassadeurs. La variété des styles musicaux dépend des chanteurs. Lorsque je chante, le style est plutôt afrobeat. Je suis plutot un chansonnier humoriste. Salif Keita, son style est 100% mandingue.
En tournée, qui est le plus travailleur ? Le plus fêtard ?
Idrissa : Je dirais les deux ventistes (Ndlr : joueurs d’instruments à vent). Ils ont appris les partitions en très peu de temps. Mais nous sommes tous très travailleurs. Pour ce qui est de la fête, les filles sont celles qui font le plus la fête. (rires)
Pouvez-vous nous parler d’un ou de plusieurs morceaux de votre choix ? Et nous dire ce qu’ils racontent ?
Idrissa : « Tiekolomba he », veut dire le mauvais garçon, le mauvais homme. En ce moment les hommes s'intéressent plus à ce que font les autres plutôt qu’à eux-mêmes. Le message de ce morceau est de dire : « Occupez-vous plutôt de vous-même, de ce qui est important pour vous ! Non pas des autres et de leurs torts ».
L'autre chanson est « Ancien combattant ». Elle parle du respect que l’on doit aux personnes âgées. Elle vient d'une histoire vraie. J'ai mis les paroles de la chanson sur un rythme traditionnel de musique de chasseur. Un rythme habituellement joué avec un instrument qui s’appelle le donzo ngoni. La chanson a été reprise par le chanteur congolais Zao.
Les Ambassadeurs - Mali Denou
ZOOM
Le portrait chinois d’Idrissa Soumaoro, un des fondateurs du groupe Les Ambassadeurs
Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?
Idrissa : Birago Diop. C'est un auteur sénégalais.
Si vous étiez un(e) réalisateur(trice) africain(e). Qui seriez-vous ?
Idrissa : Souleymane Cissé. Il a réalisé des fims très engagés. Il parle de la vie de tous les jours.
Si vous étiez un(e) musicien(ne) / chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?
Idrissa : Mon fils qui est un rappeur très connu : Ramsès.
Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?
Idrissa : Le riz à la sauce arachide. J'adore. Surtout avec des gombos.
Propos recueillis par Eva Dréano