Pas de visa pour Aïda, de Nadège Guilloud-Bazin
Editions Toom
Une histoire vraie qui entrechoque la vie colorée au Sénégal et le désespoir qui touche la population.
C’est par le dessin que Nadège Guilloud-Bazin, grande amoureuse du Sénégal qu’elle découvre depuis plus de 15 ans, nous décrit les mésaventures de son amie Aïda, jeune professeur de français sénégalaise, dont le visa est refusé par l’Ambassade de France, alors même que toutes les démarches administratives avaient été effectuées.
Comment en es-tu venu à créer ta propre BD ?
Nadège Guilloud-Bazin : J’ai d’abord suivi des cours à l’école de dessin de Lyon, puis après ça j’ai travaillé dans de nombreux secteurs différents, tout en continuant de dessiner lors de mes heures de loisir.
Et puis cette histoire malheureuse emplie de déception a été le déclencheur. Je pars au Sénégal depuis 15 ans, c’est un pays que j’aime pour son ambiance très vivante, sa population qui a toujours été amicale et ouverte, je trouvais que cette BD était un bon moyen d’exprimer mes sentiments pour ce pays.
Toutes les images de ta BD sont-elles inspirées de photographies ?
Nadège Guilloud-Bazin : La plupart sont en effet des croquis de clichés pris sur place, sur la vie quotidienne sénégalaise. Mais j’ai aussi repris certaines esquisses que j’avais faites rapidement à l’époque, comme par exemple certains portraits d’Aïda.
Pourquoi avoir choisi ce format d’illustration très léger, relâché et à la fois détaillé ?
Nadège Guilloud-Bazin : Déjà par ma passion pour le dessin, je trouve qu’on ressent plus facilement une ambiance quand elle est incrustée à une image. Et puis c’était aussi cela qui m’a permis de dévoiler toute cette vie, ce mélange de couleurs et de lumières qui marque la vie sénégalaise.
Pourquoi avoir choisi les Editions Toom pour cette première œuvre ?
Nadège Guilloud-Bazin : A l’origine j’avais envoyé le manuscrit à quelques maisons d’édition qui ont toutes répondu négativement, elles semblaient peu intéressées par les thèmes abordés dans cette histoire.
C’est la maison d’édition les Enfants Rouges qui a fait passer la BD au scénariste Christophe Edimo, ce dernier l’a ensuite transmise à la toute jeune maison d’édition Toom qui a aussitôt accepté mon manuscrit.
Aïda étant une vraie personne, votre amie, les réflexions de votre ouvrage sont-elles les siennes ? Ou s'agit-il d’une vision issue de témoignages d'autres personnes au Sénégal ?
Nadège Guilloud-Bazin : La BD est menée par les pensées d’Aïda, sur sa situation, sur la vie au Sénégal, sur sa solitude dans cette histoire. C’est bien pour cela que les textes dans les bulles sont exclusivement ses pensées, parce qu’elle s’est retrouvée seule et isolée dans cette affaire.
J’ai repris les paroles d’Aïda quand nous discutions toutes les deux, et je me suis aussi basé sur mes conversations avec d’autres amis sénégalais qui ont connu ce genre de mésaventures.
Pas de visa pour Aïda nous parle également des dizaines de migrants qui cherchent à quitter le pays encore actuellement. Est-ce que vous souhaitez parler de cette question ?
Nadège Guilloud-Bazin : Je ne vois pas ce que je pourrais dire là-dessus. Si les gens veulent quitter leur pays, c’est bien qu’il y a une raison. Personne n’a envie d’abandonner sa famille. Il faut se rendre compte du désespoir qui conduit des gens à fuir leur foyer.
Quel pays est le plus à blâmer dans cette affaire ? La France ou le Sénégal ?
Nadège Guilloud-Bazin : Ce n’est pas le Sénégal qui a refusé le visa. Nous avions déjà eu du mal à monter tout le dossier, sans compter que toute seule, Aïda n’aurait jamais pu tout payer avec son salaire de professeur.
A qui s'adresse le plus ce livre : aux Sénégalais, pour qu'ils ne perdent pas l'espoir et la volonté de rester dans la légalité ? Ou aux Français pour qu'ils se rendent compte que l'égalité des chances a totalement disparu dans un pays pourtant très proche au niveau culturel et historique ?
Nadège Guilloud-Bazin : Je pense qu’il s’adresse à tout le monde, puisque cette histoire touche hélas beaucoup de gens. Et puis il est difficile de s’imaginer toute la peine et le désespoir qui naissent de ce genre d’exclusion.
ZOOM
La terrible problématique soulevée par Nadège Guilloud-Bazin
L’auteur nous renvoie à cette terrible problématique :
Pourquoi une Européenne peut-elle sans difficulté se rendre en Afrique tandis qu’une Africaine a toujours du mal à obtenir un visa pour l’Occident ?
Pas de visa pour Aïda s’adresse à tout le monde et dévoile un message d’espoir à tous ceux qui se sont retrouvés dans la même situation qu’Aïda, mais aussi une alerte dans un monde où l’information circule de plus en plus vite.
Propos recueillis par Romain Patureaux