Interview du comédien talentueux Amadou Gaye
Le Local - 18, rue de l’Orillon 75011 Paris
« Passionnément, poétiquement, je suis au service de cette littérature à part entière qui appartient désormais à la grande littérature de l’universel ». Artiste complet, Amadou Gaye nous livre toute l’ambition qui fait vivre son travail.
Une expression scénique hors du commun caractérise l’aura que dégage Amadou Gaye dans « Paroles de nègres ».
Face à nous, il libère des paroles poétiques de grands noms de la littérature de la négritude qui ont marqué leur temps. Il fera alors écho aux textes de Senghor, Césaire ou Damas, pour ne citer que ceux-là. Avec conviction, il nous amène dans cet univers pas si lointain où le nègre n’était que nègre parmi les nègres.
Plus rien ne compte, à part cette voix puissante. Plus rien ne compte à part ce corps qui déambule avec grâce que la lumière de la scène accompagne et couve, ce qui le rend sacré, presque intouchable.
Amadou Gaye réussit avec brio à nous suspendre à ses lèvres afin de naturellement nous amener à la réflexion, pour notre plus grand bien.
Rencontre et interview au Local.
Comment vous est venue cette envie de faire vivre les textes de ces grands noms de la littérature de la négritude ?
Amadou Gaye : L’idée m’est venue très jeune, quand j’avais 13-14 ans au cours de mes années collège. J’ai découvert ces auteurs et je les ai appris pendant mon enfance. Il faut savoir que je suis photographe de formation, ce qui ne m’a pas empêché même lorsque je travaillais à faire vivre ces textes-là.
J’ai commencé à faire des scènes de slam parisiennes, dans les cafés, les bistrots, les restaurants. Un jour, en 2006-2007, je rencontre Gabriel Debray qui tient le Local, le lieu où l’on se trouve aujourd’hui, il m’invite à participer à un évènement qui s’appelle le printemps des poètes, pour venir dire des textes. Je suis donc venu dire mes textes qui ont plus à Gabriel qui m’a aussitôt proposé de les travailler afin de monter un spectacle.
Je m’entrainais un peu partout, dans les parcs notamment. On a fait un spectacle qui tenait la route, il s’appelait déjà « Négritude » car toujours tourné vers ces auteurs de textes venant d’Afrique, de Guyane, des Antilles, d’Haïti, d’Amérique. Ce fut une réussite, le public a répondu présent, la salle était disposée en cercle et il y a eu de la magie. J’ai eu l’occasion de le jouer un peu partout en France et là depuis un an, il y a ce spectacle « Paroles de nègres, Poètes de la négritude » qui est nouveau.
De l’Afrique aux Antilles en passant par les Amériques, pouvons-nous selon vous donner au terme « négritude » un caractère universel ?
Amadou Gaye : Pour moi, la négritude est un terme pas facile à manier, d’ailleurs Césaire le disait souvent (rire).
Néanmoins dans le sens littéraire du terme, c’est un appel à la fraternité, comme tous ces auteurs que j’interprète. Un appel à la fraternité tout en n’oubliant pas l’histoire, parce que le peuple noir a quand même une histoire. L’histoire de la colonisation, l’histoire de la traite négrière, le déracinement, les noirs ont une identité.
Il y a bien une identité bretonne, une identité arménienne, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas une identité du peuple noir. Il ne faut toutefois pas confondre identité et communautarisme. Cela veut dire tout simplement, prendre notre part dans la civilisation de l’universelle. C’est un appel à la fraternité pour moi mais il ne faut oublier que cela se fait par l’Histoire. D’ailleurs, ces auteurs que j’interprète, je ne les oublie pas.
Dans votre choix de faire entendre les voix de ces grands Hommes noirs, vous excluez volontairement les femmes, pourquoi ?
Amadou Gaye : En effet, oui il aurait été possible d’inclure des noms de femmes. On me l’a souvent reproché. Dans mon prochain spectacle, j’ai dégoté des textes de femmes. J’ai un spectacle en chantier avec des poétesses. Je m’excuse (rire). Il y aura donc des femmes et je prépare ce prochain spectacle pour 2015.
Vous êtes un artiste à multiples facettes, on vous connaît comédien mais vous appartenez aussi et surtout au monde de la photographie, comment se définit Amadou Gaye ?
Amadou Gaye : Comme un griot (rire). La photographie c’est la transmission de la mémoire aussi. Je suis tout simplement un griot au service des gens, voilà.
Nous l’avons évoqué, ce spectacle se joue depuis plusieurs mois un peu partout en France, avez-vous des projets ailleurs, en Afrique par exemple ?
Amadou Gaye : Si on m’y invite, il n’y a pas de problème. Avec Gabriel, nous travaillons pour ça, il y a des personnes qui sont venus filmer pour faire un « teaser », nous allons essayer de le faire connaître en utilisant les réseaux sociaux notamment. Encore une fois si on m’invite ce sera avec grand plaisir.
Vous êtes d’origine sénégalaise et vous vivez depuis longtemps à Paris, on peut dire que Amadou Gaye est dakarois, parisien ou citoyen du monde ?
Amadou Gaye : Disons que je suis sénégalais de ventre, parisien de cœur et oui citoyen du monde, ça me plait bien.
PAROLES DE NEGRES (TEASER)
Programmation tout le mois de novembre au Local.
Les vendredis et samedis à 20h30 et les dimanches à 17h.
Tarif : de 3 à 14 €.
Renseignements : [email protected] (01 46 36 11 89) et Partenaires billetterie habituels.
ZOOM
Amadou Gaye, un artiste, un lieu, un parcours
Photographe et comédien, Amadou Gaye est né à Saint-Louis du Sénégal, puis a grandi à Dakar.
A treize ans, il rêve d’être réalisateur et comédien. Il arrive à Paris en 1976, et suit des cours de photographie dans une école privée.
Le Local, en 2006, lui permet de conceptualiser son spectacle. Ce lieu de création, d’actions culturelles et de pratiques artistiques est animé par l’association OMBRE EN LUMIÈRE dans une parfaire coordination du metteur en scène Gabriel Debray.
Depuis plus de trois ans, des Parisiens, des Bellevillois d’âges et origines divers, viennent au Local pour assister à des spectacles et participer à des ateliers.
Très attaché à l’autre et à la mémoire, Amadou Gaye dans son travail photographique shoote ces hommes et ces femmes qui font Paris, qui vivent dans les quartiers populaires et animent les bars.
A son actif, 2 ouvrages : « Paris la douce », livre de photographies d’Amadou Gaye, préfacé par Josiane Balasko aux Editions Grandvaux et « Métisse », texte de Leila Sebar, préface de Yannick Noah, photographies d'Amadou Gaye aux Editions Syros. On y retrouvera quelques visages connus.
Diane N.