YEELEN « la lumière », au cœur de la mythologie Bambara
Prix Spécial du Jury du Festival de Cannes en 1987, cette tragédie classique africaine nous offre une immersion intense et poétique dans la culture traditionnelle bambara. Une belle évocation de cette culture et de ses mystères.
Le jeune Nianankoro reçoit le savoir destiné à lui assurer la maîtrise des forces qui l'entourent, cette connaissance que les bambaras se transmettent depuis toujours, de génération en génération.
Son père, Soma, refuse de voir son fils s’emparer de ce pouvoir. Il le pourchasse et veut sa mort.
Démarre pour Nianankoro une fuite qui prend la forme d’une quête initiatique. Sur son chemin le menant chez son oncle Djigui, il rencontre l’amour en Attou, la dernière femme du Roi peul, Rouma Boll. Il apprend à devenir un homme et à maîtriser ses nouveaux savoirs.
Au cours de cette épopée, nous découvrons la diversité et la richesse du territoire malien : désertique en terre peule, extraordinairement luxuriant dans le pays de l’oncle Djigui et lunaire dans la dernière scène du film.
Dans ce récit légendaire et intemporel, il est question de la fragilité de l’homme. Elle est symbolisée par l’enfant, celui portant, en introduction du film, une chèvre en offrande à une statuette sacrée.
Ce même enfant, celui d’Attou et de Nianankoro, dans une sorte de flash-forward, vient clore le film. Il porte le vêtement que son père lui a légué et l’aile du Koré que sa mère lui a donné. La transmission est assurée mais elle est fragile. Cette fragilité est aussi évoquée par l’oncle Djigui. Il prédit à Nianankoro l’esclavage pour l’ensemble du peuple malien. Seule la descendance de Nianankoro en sera préservée.
A travers l’évocation du « Komo », l’incarnation du savoir divin, Yeelen illustre les mystères de la culture bambara autant que l’énigmatique nature de l’homme. Le film nous interroge sur « comment un homme peut en arriver à donner la mort à son sang ? ».
Souleymane Cissé dépeint une humanité ambivalente et mystérieuse. Capable d’intuitions mystiques – Nianankoro sauve le peuple peul d’une attaque mortelle à l’aide d’incantations et de rites magiques ; de créer, d’enfanter mais aussi de détruire.
Souleymane Cissé ne porte pas de jugement sur l’humanité. Il semble seulement porté par son désir d’être un observateur juste et impartial. Il parvient ainsi à faire de destinées individuelles et familiales des épopées à forte portée symbolique.
ZOOM
Yeelen, premier long métrage africain salué par le festival de Cannes
Le film reçoit en 1987 le Prix Spécial du Jury du Festival de Cannes.
Ses images léchées et poétiques, la sensibilité avec laquelle sont dépeints la culture bambara et ses personnages emblématiques font de ce film un chef d’œuvre. Un talent également remarqué par le FESPACO où le réalisateur recevait, déjà en 1978 pour Baara « Le travail » et en 1983 pour Finyé « Le vent », l’Etalon de Yennenga.
Ce ne sera que plusieurs décennies plus tard, en 2010, que le Festival de Cannes décernera à nouveau à un long métrage africain, Un homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun, le Prix Spécial du Jury.
Eva Dréano