Okwiri Oduor récompensée par le prestigieux Caine Prize for African Writing
Et si la mémoire revient, le souvenir est-il réalité ? La nouvelle littéraire couronnée du 15ème Caine Prize for African Writing.
Et si l'on vous demandait de tracer au crayon les contours de la tête de votre père... De vous souvenir non pas seulement de ce visage qui vous a bercé, de ses traits ou de la couleur de ses yeux, mais la forme de sa tête...
Vous découvrirez peut-être que c'est là un exercice de mémoire fort difficile. Un exercice auquel la jeune écrivaine kenyane Okwiri Oduor a prêté son imagination.
La nouvelle est une forme littéraire surprenante. En quelques pages, une histoire naît, s'épanouit, explose dans la tête d'un lecteur qui, pour quelques minutes, se noie dans un univers surgissant. Okwiri Oduor maîtrise à la perfection cet art, offrant au lecteur sa plume d'une poétique enivrante.
Dans My Father's Head donc, l'auteure apparaît sous le « je » d'une jeune enfant, que la mort brutale de son père plombier a abandonné brutalement quelques années plus tôt. Ses collègues ouvriers n'ont rien oublié du sinistre spectacle où l'homme à vélo est écrasé par un tracteur sur un chantier. On lui a rappelé tous les détails sanglants ; sauf ceux de sa tête.
Elle plonge alors elle-même dans les souvenirs de son père rentrant du travail, les pieds fatigués, le cou suant, la tasse de thé brulante et débordante. Seules les images de morts quotidiennes annoncées, exposées dans les médias lui reviennent. Le souvenir, lui, ne vient pas...
Et voilà que l'histoire s'emballe, et que le souvenir oscille entre mémoire et présent, entre fiction et réalité. My Father's Head frôle le surréel quand Okwiri Oduor pose une question de taille : jusqu'à quel point voulons-nous nous souvenir ? Ou plutôt, sommes-nous prêts à accueillir nos souvenirs, vivants de nouveau ?
La nouvelle est extraite du recueil Feast, Famine and Potluck (Short Story Day Africa, South Africa, 2013).
Et pour une interview de l'auteur et ses petits secrets d'imagination et d'écriture: https://www.youtube.com/watch?v=tYEb4AAdaBU
Kenya's Okwiri Oduor wins 2014 Caine Prize for African writing
ZOOM
The Caine Prize for African Writing
Binyavanga Wainaina, dans ses mémoires One Day I Will Write About this Place, raconte : un soir, dans sa chambre estudiantine en Afrique du Sud, il est en lutte pour devenir un écrivain sinon reconnu, au moins connu ; veut pouvoir participer au concours du Caine Prize for African Writing.
Mais voilà que la nouvelle qu'il publie in extremis sur le site internet d'un magazine littéraire lui est refusée. On lui annonce que le prix n'accepte que les revues papier. Binyavanga se fend alors d'une lettre enragée rappelant que ce prix pour les écrivains Africains devrait prendre en compte la réalité de l'Afrique littéraire : il n'y que trop peu – voire parfois pas – de revues imprimées ! C'était en 2002 ; il rafla le prix la même année.
Le prestigieux Caine Prize for African Writing récompense les nouvelles littéraires de jeunes auteurs Africains anglophones, avec un prix de 10,000 Livres sterling. Pour plus d'information – en particulier sur la petite mines de talents récompensés – voir le site : http://www.caineprize.com/
Anaïs Angelo