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Gangbé Brass Band, la fanfare au son métallique

Programmé cet été dans une vingtaine de festivals, la fanfare béninoise renoue avec ses origines en proposant un art de rue convivial, festif et proche de son public.

A l’orée de cette tournée prometteuse, interview et échanges avec Athanase Déhoumon, l’un des membres fondateurs du groupe.

Comment le Gangbé Brass Band est-il né ?

Athanase Déhoumon : Le groupe a été créé en 1994. Nous partagions alors le constat suivant : notre pays (le Bénin, ndlr) n’a pas de structure culturelle et pourtant il porte en son sein un héritage artistique très vaste.

Les musiciens à l’origine du Gangbé se retrouvaient souvent à l’occasion de cérémonies traditionnelles, d’enterrements ou de mariages. Au Bénin, il existe plus de 600 fanfares. Nous étions chacun issus de différentes fanfares et de différents orchestres. Le talent était là. On a donc décidé de se lancer. De faire un travail de fond sur la musique traditionnelle. Essentiellement, nous avons travaillé sur les percussions et le chant. On a beaucoup réutilisé les percussions sacrées.

Vous préparez un nouvel album qui sortira à l'automne prochain ? De quoi sera-t-il fait ? Pouvez-vous nous en parler ?

Athanase Déhoumon : Ce nouvel album est un album de la maturité. Il est marqué par des rencontres avec des musiciens reconnus internationalement : Jean-Philippe Rykiel, Femi Kuti, la Fanfare du Belgistan… Il y a le morceau Yoruba d’Hubert Ogounde qui a connu un succès en 1970 (un grand acteur, comédien, chanteur et cinéaste nigérian, ndlr). On a repris ce morceau qui parle des méfaits de l’homme sur terre.

La sortie de l’album célèbrera les vingt ans du groupe. C’est donc aussi un album anniversaire. Egalement, sortira en parallèle, un film documentaire autour de notre tournée de cet été : « Gangbé Go slow Lagos ».

C’est aussi une tournée du renouveau. Une tournée marquée par la volonté de retrouver le public de la rue. C’est pour ça qu’on fait des festivals d’arts de rue. On souhaite retrouver cette façon originelle de faire l’art de rue. Cet été le Gangbé Brass Band est programmé dans plusieurs événements. En tout, vingt-quatre dates dans toute la France. Nous serons à Africajarc, Le festival du bout du monde, La déferlante…

Gangbe-Brass

 

Votre musique est un mélange festif de juju, d'afrobeat et de jazz. Quelles sont vos influences ? Qu'est-ce qui vous a amené à créer cette musique originale ?

Athanase Déhoumon : L’afrobeat et le jazz c’est parce que nous avons été influencés par Louis Armstrong, Charlie Parker, Fela Anikulapo Kuti… Car il y a un rapprochement entre les rythmes traditionnels du Bénin et l’afrobeat. C’est le même fond rythmique. Après avoir étudié ce fond rythmique, on a voulu rester dans la musique jazz et les rythmes traditionnels.

Par ailleurs, ces rythmes, on les retrouve également dans la culture vaudou. La juju musique est jouée au Bénin. Elle puise ses influences dans la culture yoruba du Nigéria. Fela a emprunté à cette musique pour créer l’afrobeat. Le highlife est aussi un dérivé de cette musique.

Au Bénin, les églises sont nombreuses et font souvent office de conservatoires de musiques. Quelle est l'influence de l'église dans votre projet ?

Athanase Déhoumon : Mes parents et mes grands-parents sont de culture vaudou. Mes parents m’ont introduit, jeune, dans l’église chrétienne. Dans la chorale, j’ai commencé à jouer de la musique. J’ai alors constaté que cette musique d’église puise ses racines dans la culture vaudou, dans les rythmes vaudous. Le christianisme, la colonisation… ont fait que nos parents ont délaissé cette culture ancestrale. Par la suite, elle a été ré-introduite avec les églises, entre autres.

Une majorité des membres du Gangbé Brass Band a en effet appris la musique en allant à l’église. Nous sommes d’abord passés par une étape d’initiation en allant au « couvent » (le Hounkpamin signifie littéralement « l’enclos du vaudou » en langue fon. Il est une sorte de temple où vivent et sont initiés les futurs prêtres vaudous, ndlr. Vous êtes obligés de passer par cette initiation pour apprendre ces différents rythmes. On est ainsi allé dans le « couvent vaudou », puis on est allé dans les églises.

En 1997, vous êtes invités à participer à un festival à Bamako. Vous y rencontrez le Lo’Jo Triban, groupe originaire d’Angers. Par la suite, vos chemins se recroisent en France, à l’occasion de tournées ou d’enregistrements d’albums. Que vous a apporté ce groupe dans vos projets ?

Athanase Déhoumon : Le groupe Lojo Triban nous a apporté beaucoup. On s’est croisé pour la première fois au Mali, en 1997. Il y a eu un coup de foudre réciproque. En 1998, on a eu la chance d’enregistrer avec eux un six titres. En 1999, ils nous ont aidés à organiser une tournée internationale en Europe. Chaque année, depuis, on vient en Europe pour deux, trois ou six mois. Pour le 20ème anniversaire du groupe, on a décidé d’accueillir le Lo’Jo Triban au Bénin. L’événement aura lieu en 2015.

Teaser du documentaire Gangbé Go slow Lagos.

ZOOM

Les conseils littéraires, musicaux, cinématographiques et culinaires de Athanase Déhoumon à nos lecteurs

Quel est votre écrivain africain préféré ?

Athanase Déhoumon : Camille Amouro qui est béninois. Et Florent Couao-Zotti, qui fait partie de la nouvelle génération d’écrivains béninois.

Quel est votre réalisateur africain préféré ?

Athanase Déhoumon : Le malien Souleymane Cissé. Je conseille également les films documentaires Benda Bilili et Kinshasa Symphony.

Quel est votre plat africain préféré ?

Athanase Déhoumon : Mon plat africain préféré est la pâte de cossette d’igname. C’est de la pâte noire. On mange ça avec une sauce et du poisson. Je la cuisine chez moi. (Ndlr. En langue fon, telibô, la pâte dite « noire », d’une couleur chocolat au lait, se mange avec toutes les sauces et particulièrement avec la sauce légume et du poisson.)

Quel est votre musicien africain préféré ?

Athanase Déhoumon : Il y a un grand chanteur ivoirien que les gens ne connaissent pas. Il s’appelle Bomou Mamadou. Et Richard Bona.

Eva Dréano