Binyavanga Wainaina - One day I will write about this place
« There is a conspiracy to get me back to earth, to get me to be more practical. »
Vous reconnaîtriez facilement Binyavanga Wainaina dans la rue : il est littéralement un personnage haut en couleurs ; de la tête aux pieds, Binyavanga a un look « flashy ».
Son style littéraire aussi est en ébullition. Dans son dernier livre One day I will write about this place (trad. Un jour j'écrirai sur cet endroit), Binyavanga ne fait pas seulement le récit de sa vie ; il récrée les atmosphères qu'il essayait tantôt de combattre, tantôt d'affronter, tantôt de préserver.
Il nous plonge dans ses fantastiques pensées d'enfant, dans ses luttes intimes d'adolescent en mal de mentor, dans les sensations de sa vie cachée de jeune étudiant perdu. D'un bout à l'autre, se déroule la longue et terrifiante naissance d'un écrivain.
Binyavanga vit sa vie comme un récit. Il observe, et donne vie par un style vif, rythmé et toujours en alerte à chaque détail qui l'entoure. « Sometimes I want to stop writing because I can't bear the idea that it may one day go away. Sometimes I feel I would rather stop, before it owns me completely. But I can't stop. » (p.262-3)
Ce livre est en réalité plus qu'un mémoire. C'est une virée sur les routes tortueuses de l'histoire du Kenya.
Binyavanga Wainaina naît en 1971. Il a à peine 10 ans quand Daniel arap Moi – ancien vice-président – arrive au pouvoir, et que la dictature se construit petit à petit. Binyavanga découvre alors ce que c'est qu'être Kikuyu, ethnie majoritaire au Kenya, ethnie du père de l'indépendance Jomo Kenyatta, ethnie détrônée, ethnie bouc-émissaire.
Dans les années 1980-90, Binyavanga est, la plupart du temps, en Afrique du Sud pour ses études. C'est la vie de campus. La vie d'une jeunesse qui se forge au grès des saisons musicales. Pour la premières fois, des filles dansent en groupe sans laisser les hommes les approcher ; elles se déclarent lesbiennes – un mot et un fait nouveaux à l'époque.
Quand Binyavanga n'est pas en Afrique du Sud, il rend visite à sa famille en Ouganda – pays d'Idi Amin ; ou il rentre au Kenya. Années 2000 : transition démocratique, élections, violences post-électorales de 2007 et regard amer de Binyavanga sur des politiques ethnicisées, sur ce nom Kikuyu qui le suit malgré lui ; lui qui se veut écrivain d'abord et avant tout.
Talk to Al Jazeera - Binyavanga Wainaina: Rewriting Africa
ZOOM
“ How to Write about Africa ”
« I start to understand why so little good literature is produced in Kenya. The talent is wasted writing donor-funded edutainment and awareness-raising brochures for seven thousand dollars as job. Do not complicated things, and you will be paid very well. » (p.258)
C'est là un des passages forts du livre de Binyavanga Wainaina qui dénonce les nouveaux Conrad qui font de l'Afrique ce « continent des ténèbres », gavant les lecteurs occidentaux de récits ou macabres ou exotiques, nourrissant indéfiniment une Afrique des fantasmes et des clichés (voir sur ce point la chronique du livre d'Achille Mbembe, Critique de la Raison Nègre).
En 2005,Binyavanga publia un court article plein d'ironie sur « Comment écrire sur l'Afrique ». L'article est disponible en ligne : http://www.granta.com/Archive/92/How-to-Write-about-Africa/Page-1.
Une prose qui est toujours d'actualité, qui ne tombe pas dans un manichéisme bien pensant, mais qui appelle à de la vraie littérature. Pas du prosélytisme dramatico-mielleux et politiquement correct.
Une fois n'est pas coutume, voici les dernières phrases : « You’ll also need a nightclub called Tropicana, where mercenaries, evil nouveau riche Africans and prostitutes and guerrillas and expats hang out. Always end your book with Nelson Mandela saying something about rainbows or renaissances. Because you care. »
Anaïs Angelo