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Bko Quintet : union inédite entre les cultures donso et djéli du Mali

Le djeli n’goni d’Abdoulaye Koné, le donso n’goni de Nfali Diakité, l’ensemble percussif d’Ibrahima Sarr et d’Aymeric Krol, les voix poignante de Fassara Sacko et puissante de Nfali Diakité n’étaient pas destinés à se rencontrer. Leur mariage inédit donne pourtant naissance à un émouvant projet, à une musique très actuelle.

Le projet BKO Quintet nait de votre rencontre avec Ibrahima Sarr. Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?

Aymeric Krol : Nous sommes deux à avoir lancé le projet. C’est Ibrahima Sarr qui a mis en forme le concept associant le donso n’goni et le djeli n’goni… Ce sont deux guitares complétement opposées par leur environnement traditionnel et socio-culturel au Mali. De mon côté, j’ai mis en forme le son.

En janvier 2012 nous avons réalisé le premier enregistrement. Et, la galette a vu le jour en septembre 2012. Avec ce titre j’ai réussi à monter une tournée de 26 concerts en Europe. Pendant que je montais la tournée, je suis retourné à Bamako pour enregistrer avec très peu de moyen deux nouveaux titres. Ça nous a permis de finaliser la tournée. On a eu les visas au dernier moment : quatre jours avant le départ.

L’instrumentation que nous avons conçue est totalement originale. C’est la première fois que l’on propose cette formation à cordes. L’association de ces deux cordophones est inédite dans le paysage sonore des musiques maliennes. Et au-delà de la musique originale, pour les spécialistes de la musique, au-delà de l’aspect acoustique, on joue beaucoup sur l’amplification.

On a réalisé un traitement sonore particulier pour les instruments à cordes. Comme l’a fait Ba Cissoko, par exemple (en 2007, Ba Cissoko sort "Electric Griot Land", un album qui explore les potentialités de la kora rock et de la pédale multi-effets sur la kora. In Rfimusique. Ndlr.) On s’est également associé à Fowatile pour ce travail sonore (groupe d’électro lyonnais. Ndlr).

La musique malienne se vend bien aujourd’hui. Le Mali est le pays le plus reconnu dans le réseau de la world musique africaine. Nous savions que grâce à ça nous avions un avantage. Mais cela ne nous a pas empêché de travailler notre image. Nous ne nous sommes pas reposés sur nos lauriers.

BKO-Quintet


Votre musique est un voyage au cœur du Mali actuel. En quoi ? En quoi est-elle aussi un voyage au cœur du Mali traditionnel ?

Aymeric : Au Mali aujourd’hui on trouve beaucoup d’artistes qui ont encore une pratique traditionnelle. Ces pratiques sont très codifiées. Le danseur de donso accompagne des rites traditionnels. Le n’goni djeli, lui, est plus dans les rites griotiques. Ces joueurs n’étaient à priori pas amenés à travailler ensemble.

Ensuite, on est en 2014 et cette musique fait aussi partie des Musiques actuelles. L’instrumentation du groupe est très Musique actuelle. C’est pour ça que l’on touche justement le réseau des Salles de Musique actuelle françaises qui nous aiment bien.

Voix chaudes et vibrantes, percussions et donso n’goni, rythmes soutenus ou lancinants, entre jazz, folk, blues et rythmes traditionnels, comment qualifieriez-vous votre musique ?

Aymeric : C’est délicat à qualifier, notre musique… J’appellerai ça du world n’roll. En plus on a vraiment un set live très progressif. Notre live part d’une ballade très douce et finit sur un morceau de dub-step.

L’album Bamako Today sortira à l’automne prochain. Comment avez-vous réalisé le travail de création ? Comment s’est déroulée la composition des morceaux ?

Aymeric : J’ai essayé de travailler le format sonore sur un modèle occidental. Et puis le travail sur l’amplification et sur la saturation ont permis une coloration musicale forte. La culture du riff (court motif musical. Ndlr.), que nous avons travaillé, parle à un public de rockeurs. Des « métalleux » sont venus nous voir après avoir assisté à un de nos concerts. Ils étaient comme fous, impressionnés par notre guitariste. 

Pour créer, on utilise la matière de nos musiciens et on redonne une certaine fraicheur aux chansons traditionnelles. Le donso n’goni a proposé plusieurs airs. On en a fait des refrains. Eux, (les joueurs de donso n’goni et de djeli n’goni. Ndlr.), racontent des histoires. J’ai essayé de cloisonner des couplets, des refrains et d’introduire les arrangements percussifs d’Ibrahima Sarr. Ça s’est fait de manière collégiale. C’est de la « re-création ». On a remis au goût du jour les louanges de griots comme les chants animistes bambaras séculaires.

Une autre originalité, c’est ma formation percussive. J’ai ajouté à ma batterie des cymbales et des tambours traditionnels. J’ai laissé les grosses caisses. Et je n’ai pas mis de petites caisses. Donc ça donne quelque chose de différent, d’adapté.

Pouvez-vous nous parler du morceau Donsolou ? Comment est-il né ? Comment s’est décidé le featuring avec Piers Faccini ?

Aymeric : Ce morceau est un chant traditionnel qui parle de la fuite des gibiers en brousse. C’est une ballade. Et Piers Faccini est l’ami d’un ami, Patrick Jauneaud. L’ingénieur son de Piers sur ses tournées. Je lui ai proposé de faire ce featuring. Il a accepté car il est très inspiré par les musiques mandingues. Il a accepté pour soutenir le projet et l’estampiller. Il a vraiment aimé ce morceau qui lui correspondait bien d’ailleurs. On a donné une place à sa voix. Il a aussi adapté les textes pour se les approprier.

Pouvez-vous nous parler du morceau Comment ça va ?

Aymeric : Ce morceau est très fort. Pourtant ce qu’il dit est très simple. C’est probablement pour ça qu’il est émouvant. L’idée, c’est de faire voyager les gens à travers la musique. On l’a enregistré pendant l’état d’urgence au Mali. On a vu des personnes dans le public de nos concerts en France pleurer en écoutant son premier couplet.

BKO QUINTET - "COMMENT ÇA VA ?" ON TOUR 2014

ZOOM

Les conseils littéraires, musicaux, cinématographiques et culinaires d'Aymeric Krol à nos lecteurs

Quel serait l’écrivain africain que vous conseilleriez à nos lecteurs ?

Aymeric : Amadou Ampâthé Bâ et son livre Amkoullel, l’enfant peul. 

Quel serait le réalisateur africain que vous conseilleriez ?

Aymeric : Je connais très peu de réalisateur africain et c’est dommage d’ailleurs. 

Quel serait le musicien africain que vous conseilleriez ?

Aymeric : J’en conseillerais plusieurs. Baaba Maal, Samba Diabaté (artiste malien) avec son projet Kala Djula. Ils sont sortis chez Buda Musique. Egalement, Sahra Halgan (artiste somaliennen), Rokia Traoré, King Ayisoba (artiste ghanéen) et Fela Kuti.

Quel est votre plat africain préféré ? Où le mangez-vous à Bamako ?

Aymeric : Le mafé sauce arachide. Le restaurant dans lequel je le mange à Bamako est un petit endroit que je ne pourrais pas indiquer. A vous de le trouver.

Eva Dréano