Après avoir rempli la salle de l’Alhambra au Festival Au fil des Voix en février puis affiché complet au Café de la danse début avril, le trio de Rivière Noire semblait vouloir se reposer… Pas de dates au compteur avant le 14 juin dernier. Pourquoi ? Après de tels succès ?
Nous optons pour un souci d’emploi du temps lié à la carrière de chacun des artistes : le chanteur brésilien Orlando Morais, le guitariste guadeloupéen Pascal Danae ( Gilberto Gil, Peter Gabriel, Youssou N'Dour, Ayo) et le producteur français éduqué dans plusieurs pays d’Afrique Jean Lamoot, tous impliqués dans de nombreux projets.
Rivière Noire est le nom d'un trio né spontanément d’une rencontre entre ces trois artistes arrivés à un moment crucial de leur carrière qui souhaitaient tous vivre une nouvelle aventure musicale plus personnelle. Une histoire qui nous évoque celle du groupe brésilien Tribalistas, réunissant trois grands artistes brésiliens (Marisa Monte, Carlinhos Brown et Arnaldo Antunes) le temps de l’enregistrement d’un album. Unique et magique !
Une chaleur presque moite se dégage de l’album éponyme, Rivière noire. Un écrin de quatorze titres contenant un petit bijou de ballade d’une beauté à couper le souffle intitulé « Bate Lounge », en featuring avec la grande voix du Mali, le griot Kassé Mady Diabaté. Les artistes expliquent eux même la plénitude et la sérénité envoûtante de ce titre par l’apparition d’un ange/djinn qui les aurait bénis de sa lumière lors de la prise de son. Esprit ou pas, la ballade est bien là, belle à en pleurer…
Les larmes auront d’ailleurs été au rendez-vous dans le mythique studio « Moffou » de Salif Keita à Bamako, où le trio a posé ses valises pour peaufiner les ébauches sonores enregistrées à Paris.
Une spiritualité toute mandingue, due à la présence de nombreux artistes maliens venus poser leurs voix sur de nombreux titres (la griotte Bako Dagnon et la jeune génération incarnée par Altine Tamboura et Bloffou) se dégage de cet album. Sans parler de la douceur des instruments ouest-africains que la kora, le kamélé n’goni, le doum doum et la calebasse.
Mais l’originalité de cet album réside dans ce que le blues malien et ses transports griotiques est venu apporter aux sonorités lusophones et caribéennes de la charpente musicale des titres. Une juste mesure de chaque grand espace musical s’établit. Et nous sommes littéralement emportés par le cours de ce fleuve puissant issu des hauteurs de Sao Paulo (Orlando Morais est le maître d’œuvre qui a donné l’impulsion nécessaire au projet), élargi à Paris et jeté dans la terre-mer(e) mandingue, à Bamako…
ZOOM
Kassé Mady Diabaté, l’un des plus grands griots du Mali
Né en 1949 à Kéla, ville sainte du griotisme mandingue, Kassé Mady porte le nom Diabaté, qui signifie en malinké (ou bambara) « celui à qui on ne peut rien refuser quand il parle », et qui marque son appartenance à la lignée de griots Diabaté.
Très tôt, Kassé Mady chante avec ses parents, ses frères et ses cousins. Un apprentissage en famille, dans la plus pure tradition des griots du Mandingue. Mais très vite, sa voix douce et pure attire les regards et les invitations aux mariages, fêtes et baptêmes pleuvent.
En 1972, sa renommée l’a précédé à Bamako et les autorités maliennes font appel à lui et le nomment chanteur officiel du Badéma, l’Orchestre national de la capitale. Parallèlement à sa carrière dans la musique traditionnelle malienne, il poursuit ses incursions auprès de plusieurs groupes de la capitale qui proposent de l’afro-jazz, de l’afro-rock.
Il attendra les années 2000 pour sortir son premier album solo. Fort de quatre opus à son nom aujourd’hui, il demeure un artiste de référence au Mali pour lequel tous les grands musiciens du pays éprouvent un grand respect.
Lola Simonet