Avec le groupe de hip-hop sénégalais Daara J, tu fais le tour du monde. Tu rencontres des grands noms de la musique internationale (Damon Albarn, Wyclef Jean des Fugees…). Qu’est-ce qui te pousse aujourd’hui à te lancer dans un projet solo ?
Faada Freddy : Quand mon producteur (Malick Ndiaye du Label Think Zik) a parlé à Ndongo D de Daara J Family, il lui a dit qu’il voulait me produire. Ndongo D m’a dit alors : « C’est le moment de lui montrer ce que tu fais toujours dans les coulisses et que tu ne peux pas montrer à travers le hip-hop ». J’ai dit : « D’accord ! » Le label Think Zik, je l’aimais déjà beaucoup avant. Je le connaissais avec son travail réalisé sur les projets d’Imany et d’Ayo. Avec le producteur, Malick, on partageait le même rêve. On s’est donc lancé.
Dans cet Ep sorti en avril 2014 et annonçant la venue de ton album Gospel Journey à l’automne, tu n’utilises aucun instrument, seulement ta voix et des percussions corporelles. Comment t’est venue cette envie originale de créer un album sans instrument ?
Faada Freddy : En Afrique, quand on est petit, souvent on n’a pas la chance d’apprendre la musique dans de grandes écoles, dans des conservatoires, ou de s’acheter des guitares Fenders (célèbre marque de guitare, ndlr). Au départ, ça commence à partir de rien. La musique est partout. Et puis on a toujours cette envie de créer des instruments à partir de rien. On récupère des pots de colle, des choses chez le menuisier…
On joue de la musique avec tout son corps, ses pieds… Les Zoulous et les Diolas de la basse Casamance créent beaucoup de musique en tapant des pieds sur le sol ou en tapant leur poitrine. C’est cela que j’ai essayé de faire. De remplacer la batterie par les percussions corporelles. Mikael Désir (ayant accompagné Pascal Obispo, Imany,…), Philippe Aglaé, Gisela, Imany, Wasis Diop… tous ces artistes ont collaboré à la réalisation de mon projet. Tous ces vocalistes sont comme des instrumentistes. Ils m’ont aidé à créer cet album.
Ta musique est un savant mélange de gospel, de négro spiritual, de soul et de ragga muffin. Dans la chronique « Erudit Doudam » qui t’est consacrée sur France Inter (lundi 5 mai 2014), André Manoukian dit qu’il faut être « inconscient ou porté par une ferveur qui vient d’ailleurs pour se lancer dans une carrière gospel ». Qu’en penses-tu ?
Faada Freddy : Je pense que c’est vrai et vérifié. J’ai emprunté la partie transe du gospel pour l’incorporer dans ma musique. Quand on est en transe, on tape du pied, on tape sur sa poitrine. Dans cet album, il y a beaucoup de choses qui ont trait à la transe. Quand tu crées un album beaucoup de choses sont improvisées. Et, on a créé beaucoup de voix qui ne correspondaient pas forcément aux sons que l’on peut obtenir avec des instruments. C’est cela que j’ai emprunté au gospel. Donc oui, il y a du gospel et de la ferveur dans cet album mais il y a surtout de la soul et de la pop musique.
Imany, Wasis Diop, la chorale Clé de Sol de Dakar et beaucoup d’autres artistes ont participé à ton projet Gospel Journey. Comment leur collaboration s’est-elle décidée ?
Faada Freddy : J’ai senti que cet album ne pouvait pas être un album individuel. J’ai senti ce besoin de partager. J’en ai parlé autour de moi. Et tous ceux à qui j’en ai parlé ont favorablement répondu. Le fait de travailler avec des jeunes (cf : La chorale Clé de Sol) c’était aussi dans l’idée de donner du sang neuf à la musique. La musique appartient au peuple. Je trouve aussi que de cette manière la musique voyage. On crée ainsi une plateforme d’échange culturel.
Selon toi, la vie sans musique est une erreur. Tu dois donc chanter du matin jusqu’au soir, absolument partout ?
Faada Freddy : Non, en fait la nature chante elle-même. Tout chante. Les battements des pas, du cœur. Et nous, nous chantons la musique car c’est notre boulot. La nature, elle, chante la grandeur de la vie et de l’amour. Et nous, nous n’entendons pas cela avec les oreilles mais avec le cœur. Quand tu n’as pas d’amour tu ne peux pas entendre.
ZOOM
Les conseils littéraires, musicaux, cinématographiques et culinaires de Faada Freddy à nos lecteurs
Quel écrivain africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Faada Freddy : Camara Laye et son livre L’enfant noir. Il est l’un des plus grands écrivains d’Afrique. Egalement, je conseillerais Amadou Hampâté Bâ. Ces deux auteurs connaissent bien l’Afrique et la racontent avec brio.
Quel est ton plat africain préféré ? Où le manges-tu au Sénégal ? Et, où le manges-tu à Paris ?
Faada Freddy : Le mafé ! Je le mange chez moi à Dakar. Souvent. Tous les vendredis. A Paris, je le mange dans le restaurant le Dibi, dans le 18ème, chez Oumar Dath.
Quel réalisateur africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Faada Freddy : Moussa Sène Absa et son film Tableau ferraille.
Quel musicien africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Faada Freddy : Mention spéciale à Salif Keita. Parce qu’il fait partie de ceux qui m’ont influencé. Parce qu’il m’a appris que la musique ce n’est pas seulement souffler et chanter mais c’est aussi savoir faire parler son âme.
Eva Dréano