Indy Dibong, un afrobeat progressif et accueillant
Le guitariste franco-camerounais Indy Dibong, maintes fois vu aux côtés de Tony Allen, nous présente aujourd’hui son premier album solo.
Entre guitare électrique et groovy, ritournelles mélodiques et vocales, batterie afrobeat et saxophone highlife, l'univers musical d'Indy Dibong est actuel et définitivement made in Africa.
Squatting at Neverland est le titre de ton premier album solo. Peux-tu nous expliquer sa signification ?
Indy Dibong : Ca n’est pas ce que les gens pensent au départ. Neverland, c’est le pays où tout le monde peut se retrouver. Et lorsque tu vis dans un endroit où tout le monde peut se retrouver, tu t’y sens bien. Le titre de l’album me vient d’une situation vécue. L’expression m’a été donnée par une amie. Je l’ai trouvée super et c’est pour cela que je l’ai gardée. Cet album représente la façon dont je vois le monde. Et dans mon monde, tout le monde se sent bien.
Tu es guitariste et pour la première fois tu chantes sur un album. D’autres voix, notamment celle de N@tif’B, s’unissent à la tienne pour chanter en piggin, créole et français. Comment as-tu pensé le rapport entre les voix et les instruments ?
Indy Dibong : Au départ, je n’avais pas prévu de voix. Le disque devait être instrumental sauf sur deux morceaux sur lesquels j’avais posé ma voix. Puis, j’ai eu envie de mettre des voix mais je ne savais pas comment faire. Je voulais que tout, la voix et les instruments, se mélange harmonieusement. Que cela forme un ensemble où chaque élément fait harmonieusement partie d’un tout.
Plus tard, N@tif’B (Ndlr : Mc Martiniquais) a écouté ma musique. C’était le morceau Avis de passage / Na So E Dey. Il m’a dit "j’aime bien ce morceau" et il m’a demandé s’il pouvait essayer de poser sa voix dessus. J’ai répondu oui.
Entre guitare électrique, groovy et jazz, ritournelles mélodiques et vocales, batterie afrobeat et saxophone highlife, c’est un tour du monde des musiques africaines que tu nous offres avec cet album. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Indy Dibong : J’ai été élevé à l’école de l’afrobeat. Quand je dis cela, ce n’est pas parce que j’ai grandi au Nigéria. Mais parce que je travaille depuis 20 ans avec le maître de cet art (Ndlr : Tony Allen). Et j’ai appris à travailler la musique comme les pensées dans la tête d’un africain. L’afrobeat vient du highlife et d’autres musiques nigérianes moins connues. A l’origine, l’afrobeat s’appellait « highlife jazz ». Petit à petit, cette musique est devenue plus modale que tonale. Et moi je ménage ces deux aspects dans chaque morceau : le modal et le tonal. Avis de passage / Na So E Dey est seulement tonal, mais tous les autres morceaux sont un mélange de ces deux manières de faire la musique.
Le groove est afrobeat. Basse et batterie, cela forme l’afrobeat. Et cette couleur qu’on appelle jazz aujourd’hui, moi je ne l’appelle pas jazz. C’est une expression un peu trop générale, selon moi. Car le jazz n’est pas une musique, c’est une façon de s’exprimer. C’est un état d’esprit. Mais aujourd’hui, le jazz est bien différent de ce qu’il était à l’origine. Avant, on dansait sur cette musique. Aujourd’hui, les gens écoutent cette musique sagement assis. C’est une musique devenue un peu « intello », selon moi.
Peux-tu nous parler d’un de tes morceaux et nous expliquer ce qu’il dit ?
Indy Dibong : Au départ, Avis de passage / Na So E Dey était écrit en français. Ça parle de la réalité immuable de la vie. Pour tous ceux qui habitent « au sous-sol, au rez-de-chaussée ou à l’étage », nous offrons notre message sans équivoque : la vie est la même pour tous. On vit, puis on meurt. Par cette image, je parle des différentes couches de la société. Et pour tout le monde, ce qui est sûr, c’est que l’on empreinte le même chemin.
Né à Douala au Cameroun, ayant grandi au Nigéria, tu séjournes aujourd’hui et depuis de nombreuses années en France. Où as-tu appris à jouer de la musique ? Qui sont les différentes personnes qui t’ont influencées ?
Indy Dibong : J’aimais beaucoup la musique enfant. J’étais très fan de différents styles. Mais je n’ai commencé à jouer de la guitare qu’au Nigéria, assez tard. Quand j’ai commencé à jouer, c’était l’époque de Prince. Et puis, un jour, dans une boutique de disques passait le morceau We want Miles (Ndlr : Album de Miles Davis accompagné à la guitare par Mike Stern). C’était un son rock-jazz, très libre au niveau des harmonies. Presque terreux, sale ! J’ai été très impressionné par cette musique. C’était puissant et c’est pour cela que j’aime beaucoup la guitare électrique. C’est à ce moment là que je me suis dit que je voulais faire de la musique. Mes influences sont Fela Kuti, le style highlife venu du Ghana, Miles Davis, Ornette Coleman et Pat Metheny.
ZOOM
Les conseils littéraires, musicaux, cinématographiques et culinaires d'Indy Dibong à nos lecteurs
Quel écrivain africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Indy Dibong : Chinua Achebe (Ndlr : auteur nigérian) et le livre Things fall appart.
Quel est ton plat africain préféré ? Où le manges-tu à Paris ?
Indy Dibong : Mon premier plat africain préféré est le Ndoné de poisson fumé ou de crevettes. Je le mange dans un restaurant de la rue Saint-Maur à Paris. Il s’appelle l’Equateur. Le deuxième plat est un plat nigérian qui s’appelle Egusi soup accompagné de Pounded Yam. Ce plat, je le mange dans le 18ème à Paris. Il faut remonter vers Montmartre par la rue Ordener pour le trouver.
Quel réalisateur africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Indy Dibong : Je n’en connais pas beaucoup. Je ne saurais pas qui conseiller.
Quel musicien africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Indy Dibong : Fela anikulapo Kuti, sans hésiter. Je conseillerais aux lecteurs d’écouter l’ensemble des albums de Fela. Car pour moi c’est le plus grand génie de la musique africaine. Aujourd’hui, je ne trouve pas d’autres artistes qui aient apporté un univers musical aussi riche. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de bons musiciens, bien sûr. Mais personne n’a su égaler Fela jusqu’à aujourd’hui.
Eva Dréano