A long way to the beginning de Seun Kuti, un album coup de poing qui fait du bien !
La verve et l’engagement politique au beau fixe, Seun, l’enfant cadet de la fratrie Kuti, revient avec un troisième opus baigné d’afrobeat, de sons jazz, hip-hop et de highlife. Un album qui réveille nos sens et notre conscience.
Seun Kuti a 31 ans. L’âge de raison. Celui aussi de s’emparer du flambeau paternel.
Depuis longtemps, à marcher dans les pas du patriarche, il dit avoir enfin les épaules pour assurer la relève. A long way to the beginning signifie d’ailleurs : " il aura fallu traverser un long chemin " mais aujourd’hui, presque 20 ans après la mort de Fela Kuti, l’orchestre Egypt 80 et Seun renaissent hors du sillon tout tracé.
Et en effet, ce troisième album prend un chemin quelque peu différent des deux précédents : Many things produit en 2008, et From Africa with fury : Rise, en 2011. Plus assumé, il est l’écho des combats et des engagements passés à lutter contre les injustices en Afrique et au Nigéria. Il est également la promesse d’un éternel renouvellement de l’afrobeat.
Engagé et incisif, ce dernier album prête peu à confusion et son entrée en matière est directe. IMF (International Mother Fucker), le premier morceau, chanté avec le rappeur new-yorkais M1 de dead prez, s’adresse violemment et directement aux dirigeant du FMI.
Le deuxième tout autant cynique et empli de hargne, African Airways, raille l’économie africaine en la comparant à un avion sans destination, commandé par un pilote occidental et un co-pilote africain peu dégourdi.
Dans le troisième morceau, Higher consciousness, Seun harangue le peuple et lui intime l’ordre d’éveiller sa conscience.
Dans le morceau African Smoke, sur un flow soutenu et un ton tempétueux, Seun, accompagné du Ghanéen Blitz the Ambassador, exhorte les foules à ne pas se laisser aveugler par la fumée produite par « les feux africains ». Le ton est ferme et sans concession. Son regard sur l’Afrique et la mondialisation est loin d’être tendre.
Ohun Iye, plus entrainant et plus léger, arrive à point nommé en quatrième position de l’album. Fleuri de parties instrumentales rendant un vibrant hommage au highlife ghanéen, la mélodie est portée par de rutilants cuivres et par le guilleret piano de Robert Glasper, également producteur de l’album. Festif et entrainant, il nous emporte sur des rivages plus prospères.
Le dernier morceau Black Woman est jazz. Il est interprété par la chanteuse Nnéka accompagnée par le vibraphoniste David Neerman.
Moins percutants mais plus mélodieux, ces deux morceaux offrent la touche rafraichissante et suave qui manquait à cet opus.
ZOOM
Remarquablement orchestré, mais manquant parfois de respirations
Seuls Ohun Iye et Black Woman offrent de salvatrices respirations au flow nerveux et aux textes acerbes.
On ne peut toutefois lui enlever l’intensité de ses textes, la fougue de ses cuivres, l’éclat de ses chœurs ainsi que le charisme intrinsèque de son leader.
Aussi, à voir sur scène immanquablement, à avoir dans sa « cédéthèque » également.
Eva Dréano